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31/01/2019 | FRANCE | N°18PA00599

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 31 janvier 2019, 18PA00599


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne) a refusé de leur délivrer un permis de construire modificatif du permis de construire qui leur a été délivré le 3 septembre 2013, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 1600166 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté le

ur requête et a mis à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...B...ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne) a refusé de leur délivrer un permis de construire modificatif du permis de construire qui leur a été délivré le 3 septembre 2013, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux à l'encontre de cet arrêté.

Par un jugement n° 1600166 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête et a mis à leur charge une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Gretz-Armainvilliers.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2018 et un mémoire enregistré le 26 novembre 2018, M. et Mme B..., représentés par MeD..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600166 du tribunal administratif de Melun du 12 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2015 leur refusant la délivrance d'un permis de construire modificatif et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Gretz-Armainvilliers de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire modificatif déposée le 9 juillet 2015 et de leur délivrer ce permis de construire modificatif ;

4°) de prononcer contre la commune de Gretz-Armainvilliers, à défaut pour elle de justifier de la délivrance du permis de construire modificatif dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, une astreinte de 250 euros par jour de retard jusqu'à la date à laquelle l'arrêt à intervenir aura reçu exécution ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Gretz-Armainvilliers le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que le maire se trouvait en situation de compétence liée pour refuser la délivrance du permis de construire modificatif sollicité ; le chantier visant à réduire la hauteur sous plafond du local technique implanté sous la terrasse est toujours en cours et rien ne s'oppose à ce que les autres modifications soient autorisées ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard notamment des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ;

- il est dépourvu de base légale, le maire ne se fondant sur aucune disposition législative ou réglementaire pour fonder son refus des modifications demandées ;

- les travaux se poursuivant toujours, le permis de construire du 3 septembre 2013 n'est pas caduc en application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 octobre 2018, la commune de Gretz-Armainvilliers, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête des époux B...et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Gretz-Armainvilliers soutient que :

- le maire était tenu de refuser de délivrer un permis de construire modificatif portant sur une construction réalisée sans autorisation et ne la régularisant pas entièrement ; les travaux étant achevés le 25 juin 2015 comme il ressort du procès-verbal de constat, elle ne pouvait faire droit à la demande de permis de construire modificatif ne régularisant pas l'ensemble de la construction ;

- le refus de permis de construire est suffisamment motivé ;

- le permis devait être refusé dès lors qu'en créant des puits de lumière dans le mur de la terrasse, M. et Mme B...confirmaient leur intention de transformer, sans autorisation, un vide sanitaire en pièce ;

- l'achèvement des travaux imposait de refuser le permis de construire modificatif sollicité ; ce motif de refus devra si nécessaire être substitué au motif retenu par l'arrêté ;

- le permis de construire modificatif ne peut plus être délivré du fait de la péremption de l'autorisation initiale en application de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme..

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,

- les observations de Me de Seroux, avocat de M. et MmeB...,

- et les observations de Me Lemaire, avocat de la commune de Gretz-Armainvilliers.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Gretz-Armainvilliers a été enregistrée le 14 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 3 septembre 2013, le maire de Gretz-Armainvilliers a délivré à M. et Mme B... un permis de construire à fin notamment de créer, dans le prolongement de leur maison sise 9 avenue Adrien Ledoux dans cette commune, une terrasse surélevée de 1,60 m par rapport au sol naturel, d'une surface de 86 m² et ceinte de balustres, avec un escalier d'accès au jardin. Le chantier a été déclaré ouvert le 9 mai 2014. Le 25 juin 2015, un agent assermenté de la commune a constaté, d'une part, que la hauteur entre la dalle basse et le plancher haut de la terrasse était de 2,10 mètres, engendrant la création d'une surface habitable non autorisée par le permis de construire du 3 septembre 2013, d'autre part, qu'avaient été créées deux ouvertures en pavés de verre sur le mur de soutien de la nouvelle terrasse, sans que ces ouvertures aient été autorisées et, enfin, que l'absence de pare-vue sur le mur de clôture de la terrasse créait des vues illégales sur la propriété voisine qu'il convenait de supprimer. Le 9 juillet 2015, M. et Mme B... ont déposé une demande de permis de construire modificatif du permis de construire initial à fin de créer trois puits de lumière en pavés de verre sur le mur de soutien de la terrasse, de modifier la courbe de l'escalier, de créer un local technique clos par une porte sous le palier de celui-ci et de poser un brise-vue sur le mur édifié en limite séparative avec le voisin. Par arrêté du 20 juillet 2015, le maire de Gretz-Armainvilliers a refusé de délivrer le permis de construire modificatif sollicité. Après avoir exercé un recours gracieux, M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2015 et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Ils font appel du jugement du 12 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour rejeter la demande de M. et Mme B...tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, les premiers juges ont décidé que le maire de Gretz-Armainvilliers se trouvait en situation de compétence liée pour refuser le permis de construire modificatif sollicité.

3. D'une part, le bénéficiaire d'un permis de construire valide et en cours d'exécution peut, tant que les travaux que ce permis autorise ne sont pas achevés, demander à l'administration la délivrance d'un permis de construire modificatif portant sur certains éléments de la construction, à condition que les modifications apportées au projet initial ne remettent pas en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception de celui-ci. Dans le cas où l'autorité administrative a constaté une mauvaise exécution, par les travaux en cours, du permis initial, le pétitionnaire ne saurait être tenu de demander la modification de ce permis sur l'ensemble des points pour lesquels une méconnaissance de l'autorisation délivrée a été constatée, dès lors qu'il lui est loisible de poursuivre les travaux afin de rendre la construction conforme au permis de construire dont il est bénéficiaire, éventuellement modifié par le permis de construire modificatif qu'il demande.

4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des constatations faites sur place le 25 juin 2015 par l'agent municipal et de la photo jointe de l'escalier d'accès à la terrasse, que les travaux pour lesquels M. et Mme B... avaient obtenu un permis de construire le 3 septembre 2013 n'étaient pas achevés à la date à laquelle le permis de construire modificatif a été demandé.

5. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que, dès lors que la demande de permis de construire modificatif ne portait pas sur l'ensemble des éléments de la construction exécutés de façon non conforme au permis de construire initial, le maire de la commune se trouvait en situation de compétence liée pour la rejeter et ont, de ce fait, écarté comme inopérants l'ensemble des moyens articulés par M. et Mme B... à l'encontre de l'arrêté contesté.

6. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés à l'encontre de l'arrêté refusant le permis de construire modificatif.

7. En premier lieu, l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision litigieuse, dispose : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 421-6 du même code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique ".

8. L'arrêté de refus de permis de construire contesté vise le code de l'urbanisme et le plan local d'urbanisme de Gretz-Armainvilliers, ainsi que le permis de construire initial, et indique que " la mise en place de trois ouvertures pour l'installation de pavés de verre n'est pas compatible avec le volume déclaré en vide sanitaire sous la terrasse ". Il ne comporte ainsi aucune précision sur les dispositions législatives ou réglementaires que méconnaitrait le projet et ni aucun motif de fait justifiant le refus des modifications autres que celle consistant à la création de trois ouvertures. Il s'ensuit que cet arrêté ne satisfait pas aux exigences de motivation posées par les dispositions législatives précitées.

9. En deuxième lieu, s'il est constant que le permis de construire initial indique qu'aucune surface de plancher ne sera créée par la construction d'une terrasse surélevée de 1,60 m par rapport au sol naturel, dès lors que la hauteur de l'espace créé sous cette terrasse sera inférieure à 1,80 m, ce permis de construire ne spécifie pas que cet espace, qui est accessible par une porte de garage, sera un " vide sanitaire ". Par ailleurs, s'il est constant que la hauteur sous plafond de cet espace, constatée en 2015, excède la hauteur maximale de 1,80 m prévue par le permis de construire initial, il ne ressort pas des pièces du dossier que le mur dans lequel sont percées les ouvertures litigieuses excède la hauteur de 1,60 m au dessus du sol naturel autorisée par celui-ci. Dans ces circonstances, l'autorisation de créer des ouvertures en pavés de verre fixes pour éclairer l'espace créé sous la terrasse n'était pas, contrairement à ce que soutient la commune, subordonnée à une demande de modification de la destination ou de la hauteur de cet espace sous terrasse. Le seul motif de refus mentionné par la décision litigieuse manque dès lors, comme le font valoir les requérants, de base légale.

10. Enfin, si la commune soutient que l'achèvement des travaux imposait de refuser le permis de construire modificatif sollicité et que ce motif de refus doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêté, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les travaux n'étaient pas achevés à la date de la décision litigieuse.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2015. L'arrêté et le jugement, y compris en tant qu'il met une somme à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être annulés.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Eu égard aux motifs sur lesquels repose l'annulation de l'arrêté litigieux, le présent arrêt n'implique pas le maire de la commune de Gretz-Armainvilliers délivre le permis de construire qu'il a refusé mais seulement qu'il procède à un nouvel examen de la demande de permis modificatif présentée par M. et MmeB..., dès lors que les requérants démontrent, par les pièces produites, avoir poursuivi les travaux en 2015, 2016 et 2018, si bien que le permis de construire initial n'est pas périmé. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance:

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Gretz-Armainvilliers le versement à M. et Mme B... d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dernières dispositions font obstacle à ce que la commune, partie perdante dans l'instance, en puisse invoquer le bénéfice.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1600166 du 12 décembre 2017 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 20 juillet 2015 par lequel le maire de la commune de Gretz-Armainvilliers a refusé de délivrer à M. et Mme B... un permis de construire modificatif et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux à l'encontre de cet arrêté sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Gretz-Armainvilliers de procéder au réexamen de la demande de permis de construire modificatif déposée par M. et Mme B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La commune de Gretz-Armainvilliers versera à M. et Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de la commune de Gretz-Armainvilliers fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...B...et à la commune de Gretz-Armainvilliers.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

Le président-assesseur,

rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente de chambre,

S. PELLISSIER

Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00599


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00599
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : ATMOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-31;18pa00599 ?
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