La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/2019 | FRANCE | N°17PA02481

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 31 janvier 2019, 17PA02481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et le syndicat national des journalistes ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 février 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er septembre 2015 et autorisé le licenciement de M.C....

Par un jugement n° 1606562/3-3 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par u

ne requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2017 et le 21 décembre 2017, M. C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...et le syndicat national des journalistes ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 février 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er septembre 2015 et autorisé le licenciement de M.C....

Par un jugement n° 1606562/3-3 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 juillet 2017 et le 21 décembre 2017, M. C... et le syndicat national des journalistes, représentés par MeD..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 26 février 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er septembre 2015 et autorisé le licenciement de M. C...;

3°) de confirmer la décision du 1er septembre 2015 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M.C... ;

4°) d'enjoindre au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de demander au journal FO Hebdo de réintégrer M. C...à compter du 8 mars 2016 ;

5°) de mettre à la charge de la CGT-FO la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'intervention de la CGT-FO devant la Cour est irrecevable en tant qu'elle ne peut s'associer aux conclusions du ministre défendeur, qui n'a pas produit d'observations en défense ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour méconnaissance du principe du contradictoire dès lors qu'il est fondé sur des éléments contenus dans le mémoire présenté pour la confédération générale du travail force ouvrière (CGT-FO) enregistré le 25 avril 2017, qui ne leur a pas été communiqué ;

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premières juges ne pouvaient reconnaitre à la CGT-FO la qualité de partie à l'instance ; ils ne pouvaient pas non plus admettre l'intervention en défense de la CGT-FO dès lors que le ministre du travail n'avait pas produit de mémoire tendant au rejet de la demande ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que n'y figurent pas les prétentions du ministre du travail et certains documents versés au dossier de première instance ; les premiers juges ne pouvaient prendre en compte les éléments contenus dans les écritures de la CGT-FO dès lors que son intervention était irrecevable ;

- la décision attaquée a été édictée par une autorité incompétente dès lors qu'elle est signée par le directeur général du travail et non par le ministre ; le directeur général du travail n'était pas compétent pour apprécier si la gravité du comportement de M. C...justifiait son licenciement ;

- la décision attaquée est entachée de partialité dès lors que le directeur général du travail a omis de prendre en compte les circonstances atténuantes de la situation de l'intéressé ;

- la décision attaquée est entachée d'erreur de droit dès lors que la demande de licenciement n'a pas été présentée par l'employeur de M.C... ;

- la CGT-FO n'a pas la capacité d'ester en justice dès lors qu'elle ne peut être considérée comme une union de syndicats et, partant, elle ne pouvait solliciter une autorisation de licenciement auprès de l'inspecteur du travail ni exercer un recours hiérarchique contre sa décision ;

- la demande de licenciement de M. C...ne pouvait être présentée par M. E...qui n'a pas la qualité légale de secrétaire général de la CGT-FO dès lors qu'il n'a pas été régulièrement désigné comme tel ;

- la procédure de licenciement était irrégulière dès lors que l'entretien préalable a été conduit en méconnaissance des dispositions du code du travail ;

- la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait en tant qu'elle retient que le courriel litigieux a été envoyé par l'intranet de la CGT-FO à trois responsables de l'organisation syndicale ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que l'autorisation de licenciement est disproportionnée par rapport à la faute commise, notamment eu égard à l'état de santé de M. C...et à son ancienneté de service ;

- en affirmant que le journal FO Hebdo ne bénéficie pas d'une réelle indépendance par rapport à la CGT-FO, les premiers juges ont méconnu les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, des articles L. 3243-2 et L. 7112-1 du code du travail, de l'article 87 du code général des impôts et de l'article D. 133-9 du code de la sécurité sociale.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 13 octobre 2017 et le 22 janvier 2018, la confédération générale du travail force ouvrière (CGT-FO), représentée par Me Bensoussan, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de M. C...et du syndicat national des journalistes une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 3 juillet 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2018.

Un mémoire a été présenté le 18 octobre 2018 pour M. C...et le syndicat national des journalistes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guilloteau,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- les observations de M.C...,

- et les observations de Me B...substituant Me Bensoussan, avocat de la CGT-FO.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...a été recruté le 1er février 2002 par la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), en qualité de journaliste. Il jouissait, depuis le 2 décembre 2014, du statut de salarié protégé en sa qualité de membre délégué du personnel et de membre du comité d'entreprise. Le 22 juin 2015, la CGT-FO a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. C... pour faute grave. Par une décision du 1er septembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement envisagé. Par un recours hiérarchique, la CGT-FO a demandé au ministre du travail d'annuler cette décision et d'autoriser le licenciement de M.C.... Par une décision du 26 février 2016, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement. M. C...et le syndicat national des journalistes (SNJ) relèvent appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les requérants aux écritures de la CGT-FO :

2. En sa qualité de bénéficiaire de l'autorisation de licenciement accordée par le ministre chargé du travail, la CGT-FO devait être appelée à la cause devant les premiers juges en qualité de défendeur. Elle a par ailleurs produit devant les premiers juges des écritures tendant au rejet de la requête introduite par M. C...tendant à l'annulation de la décision du 26 février 2016 autorisant le licenciement de ce salarié. M. C...ayant régulièrement interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande, la Cour a communiqué sa requête introductive d'instance à son employeur, comme elle y ait été tenue. Par suite, les écritures présentées par la CGT-FO doivent être regardées comme émanant régulièrement d'une partie en défense et non d'un intervenant. Les requérants ne sont par suite pas fondés à soutenir que les écritures de la CGT-FO devant la Cour seraient irrecevables comme constituant une intervention en défense ne s'associant pas aux conclusions d'une partie à l'instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Lorsqu'une partie soutient ne pas avoir reçu un mémoire qui aurait dû lui être communiqué par la juridiction, même par lettre simple, en vertu des articles R. 611-1 et R. 611-3 du code de justice administrative, alors qu'il est fait mention de cette communication sur la fiche de suivi de la requête figurant au dossier de la juridiction, cette communication peut, en fonction des circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant été effectuée dès lors que le requérant ou, le cas échéant, son mandataire, a eu accès au système informatique de suivi de l'instruction, lui permettant de vérifier, à tout moment, l'état de la procédure, notamment à l'occasion de la réception de l'avis d'audience, et de demander au greffe de procéder à un nouvel envoi d'un mémoire qu'il n'aurait pas reçu.

4. M. C...et le syndicat national des journalistes soutiennent que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le second mémoire présenté pour la CGT-FO, enregistré le 25 avril 2017, ne leur a pas été communiqué. Toutefois, il est fait mention, sur la fiche de suivi de la demande figurant au dossier du Tribunal administratif de Paris, de la communication aux requérants de ce mémoire le 26 avril 2017. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas contesté que le tribunal a fourni aux requérants l'accès au système informatique de suivi de l'instruction leur permettant de vérifier l'état de la procédure à tout moment. Il ressort également des mentions du jugement attaqué que le rapporteur a présenté publiquement à l'audience, au cours de laquelle les observations de M. C... et d'un représentant du SNJ ont été entendues, en application de l'article R. 731-3 du même code, le rapport dans lequel sont mentionnées les productions des parties. Enfin, il ne ressort d'aucun élément au dossier, en particulier pas de la note en délibéré qu'ils ont présentée le 4 mai 2017, que les requérants auraient contesté avoir reçu communication du second mémoire présenté pour la CGT-FO. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, cette communication doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée. Dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement aurait été rendu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les requérants soutiennent que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont reconnu à tort la qualité de partie à l'instance à la CGT-FO. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, les premiers juges étaient tenus de mettre en cause le bénéficiaire de l'autorisation de licenciement contestée par M.C.... Dans ces circonstances, les premiers juges n'ont entaché leur jugement d'aucune irrégularité en regardant les écritures de la CGT-FO comme des mémoires en défense. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.

6. En troisième lieu, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 455 du code de procédure civile qui n'est pas applicable aux juridictions administratives. A supposer qu'ils doivent être regardés comme ayant entendu se prévaloir de l'article L. 9 du code de justice administrative, aux termes duquel : " Les jugements sont motivés ", il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise à l'ensemble des moyens soulevés par M. C... et le syndicat national des journalistes. La circonstance que le ministre du travail n'a pas produit de mémoire en défense est sans incidence sur sa régularité, de même que la circonstance que le jugement attaqué ne mentionne pas toutes les pièces produites par les demandeurs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

En ce qui concerne la légalité externe :

8. En premier lieu, en vertu de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, M.G..., signataire de la décision ministérielle litigieuse du 26 février 2016, tirait de sa nomination par décret du 20 mars 2014, publié au Journal officiel de la République française du 21 mars suivant, comme directeur général du travail, compétence pour signer, au nom du ministre, les actes relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 juillet 2015 relatif à l'organisation de la direction générale du travail alors en vigueur, le bureau du statut protecteur est chargé, notamment, d'instruire des recours hiérarchiques relatifs aux licenciements des salariés protégés prévus à l'article R. 2422-1 du code du travail. Il résulte de ce qui précède que le directeur général du travail était compétent pour se prononcer sur le recours hiérarchique introduit par la CGT-FO à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. C...et pour apprécier, à ce titre, si les faits reprochés au salarié étaient établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait.

9. En second lieu, la circonstance que la décision attaquée soit fondée sur les faits reprochés par l'employeur à M. C...et ne fasse pas état des circonstances atténuantes invoquées par le salarié, ne démontre pas, par elle-même, la partialité de l'auteur de cette décision. Dès lors, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'impartialité ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. En premier lieu, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, elle doit vérifier que cette demande est présentée par l'employeur de ce salarié ou par une personne ayant qualité pour agir en son nom.

11. Les requérants soutiennent que M. C...a été mis à disposition auprès du journal FO Hebdo, publication à laquelle il a consacré la totalité de son activité et de ses missions, de sorte que la CGT-FO n'était pas son employeur et ne pouvait légalement se voir accorder une autorisation de le licencier. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par un contrat de travail signé le 29 janvier 2002, M. C... a été recruté par la CGT-FO en qualité de journaliste affecté au " secteur presse-service de Jean-ClaudeE..., secrétaire confédéral ". Si le journal FO Hebdo dispose d'un numéro SIREN et URSSAF propre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait constitué sous la forme d'une personne morale distincte. Il ressort au contraire des pièces du dossier que la publication est assurée par le service presse-communication de la CGT-FO, dirigé par un secrétaire confédéral de l'organisation et rattaché à son secrétaire général, qui a la qualité de directeur de la publication. Les journalistes travaillant pour cette publication, dont M.C..., apparaissent ainsi dans l'organigramme de la CGT-FO au sein du service presse-communication de la confédération. Le cabinet comptable de la CGT-FO atteste en outre de ce que les recettes et dépenses de la " section " FO Hebdo font partie intégrante des comptes de la confédération et que les mouvements correspondants apparaissent sur le compte bancaire de cette organisation, qui sert en particulier au règlement des salaires des personnels affectés à la publication FO Hebdo, selon l'attestation du trésorier de la CGT-FO. Il ressort également des pièces du dossier que les services de la publication sont installés dans les locaux de la CGT-FO, que les membres du service de presse et de communication sont soumis à la hiérarchie de l'organisation syndicale, qui prend notamment les décisions relatives au temps de travail et aux congés, et que les salariés travaillant pour la publication relèvent des instances représentatives de la CGT-FO. M. C...a ainsi lui-même fait l'objet d'une procédure disciplinaire menée en 2012 par la CGT-FO, a adressé en 2014 à cette même confédération sa demande de congé individuel de formation et a exercé les mandats de membre du comité d'entreprise et de délégué du personnel au sein de la CGT-FO. Enfin, le certificat de travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation d'employeur destiné à Pôle emploi délivrés à M. C... après son licenciement, s'ils mentionnent le journal Force ouvrière comme employeur, ont été signés par la trésorière de la CGT-FO et sous le cachet de cette organisation. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. C...était placé sous l'autorité de l'organisation syndicale et était tenu d'obéir à ses instructions. Dans ces conditions, la circonstance que les bulletins de salaire de M. C..., ses déclarations d'impôt sur le revenu et son attestation de retraite, qui n'ont qu'une valeur indicative, mentionnent le journal Force ouvrière comme employeur ne suffisent pas à démontrer que la CGT-FO ne serait pas l'employeur de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorisation de licenciement contestée aurait été délivrée à une personne n'étant pas l'employeur du salarié protégé doit être écarté.

12. En deuxième lieu, d'une part, si les requérants soutiennent que la CGT-FO, dès lors qu'une des deux fédérations la composant à sa création en 1947 n'existe plus, ne serait plus une union de syndicats au sens de l'article L. 2133-2 du code du travail disposant de la capacité à ester en justice, ils n'établissent ni même n'allèguent pour autant que la confédération ne serait plus dotée d'aucune personnalité juridique lui permettant de solliciter une autorisation de licenciement. En tout état de cause, l'adhésion de plusieurs fédérations nationales, précisément désignées, à la CGT-FO, qui est d'ailleurs au nombre des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel à la date de la décision attaquée par un arrêté du ministre chargé du travail en date du 30 mai 2013, ressort des termes mêmes des statuts de cette organisation.

13. D'autre part, s'il appartient au juge administratif de s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de la personne morale, il ne lui appartient pas de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. En l'espèce, il ressort de l'article 8 des statuts de la CGT-FO que son secrétaire général dispose du pouvoir de représenter en justice. Cette habilitation, largement définie, l'autorisait à solliciter une autorisation de licenciement d'un salarié de l'organisation, sans qu'il soit besoin d'examiner si la désignation de M. E...à ces fonctions est intervenue dans le respect des règles fixées par ces mêmes statuts.

14. Il résulte de ce qui précède que la demande d'autorisation de licenciement a été régulièrement présentée au nom d'une personne morale disposant de la capacité juridique par une personne physique ayant qualité à la représenter.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable (...) ". Aux termes de l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié (...) ". Si lors de l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, l'employeur peut se faire assister par une personne, c'est à la condition qu'elle soit membre du personnel de l'entreprise et que sa présence ne transforme pas l'entretien en une enquête susceptible de le détourner de son objet.

16. Aux termes de l'article 4.1 du règlement intérieur de la CGT-FO, le secrétaire général et le trésorier sont seuls compétents pour prononcer les sanctions d'avertissement, de mise à pied et de licenciement à l'égard des salariés de la confédération. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que M. C...a été convoqué et reçu en entretien le 21 mai 2015 par M.F..., trésorier confédéral de la CGT-FO, qui disposait ainsi de la compétence pour conduire cet entretien. La circonstance que M. F... occupait la même fonction que l'une des personnes mises en cause par M. C...dans le message électronique à l'origine de la procédure de licenciement ne suffit pas à démontrer que l'entretien préalable au licenciement n'aurait pas été mené dans des conditions régulières. Le salarié ne peut ensuite sérieusement reprocher à son employeur d'avoir, au cours de cet entretien, exposé ses griefs alors qu'il indique lui-même qu'il a été invité à présenter ses explications sur les faits et sur la mesure de licenciement envisagée, puisqu'il s'agit là de l'objet même de l'entretien préalable. Enfin, M. C...ne conteste pas non plus que le collègue présent lors de son audition l'assistait dans les conditions prévues par l'article L. 1232-4 du code du travail. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'entretien préalable au licenciement de M. C... aurait été conduit dans des conditions irrégulières.

17. En quatrième lieu, les requérants soutiennent que la décision attaquée est entachée d'erreurs de fait au motif qu'elle indique que M. C...aurait diffusé par l'intranet du syndicat des propos diffamants portant atteinte à l'honneur et à la considération de trois responsables de l'organisation syndicale alors que ce message a été diffusé par internet et que l'une des trois personnes visées est un simple salarié de la confédération. Toutefois, les imprécisions alléguées sont, en tout état de cause, sans aucune incidence sur la décision attaquée dès lors que pour apprécier la réalité et la gravité des faits reprochés au salarié, le ministre s'est fondé sur la large diffusion, à plus de cent personnes, de ce message électronique et sur le contenu de ce message visant en particulier le secrétaire général et la trésorière de la confédération.

18. En cinquième lieu, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

19. Il est reproché à M. C...par la décision litigieuse d'avoir, le 18 décembre 2013, adressé sous une fausse identité et au moyen d'une boîte qui a été identifiée comme ayant été créée par ses soins, à plus d'une centaine de membres de la CGT-FO, un courriel contenant des allégations de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de trois responsables de l'organisation syndicale, à savoir son secrétaire général, sa trésorière confédérale et le rédacteur en chef de FO Hebdo. Ces faits, dont la matérialité n'est nullement contestée par l'intéressé et qui a été retenue par un jugement du tribunal de police du 9 novembre 2015 le condamnant pour diffamations non publiques, constituent, en tant que telles, et en dépit de l'ancienneté de l'intéressé dans l'organisation syndicale, une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Si M. C... fait valoir que l'envoi de ce courriel est imputable à l'état pathologique dans lequel il se trouvait au moment des faits, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations. En outre, la circonstance que FO Hebdo aurait laissé croire, au vu des mentions figurant sur les documents diffusés qu'il était l'employeur de M.C..., est sans incidence sur la gravité de la faute de l'intéressé, dans la mesure où elle est sans lien avec elle. Enfin, la décision attaquée ne se fonde pas sur le jugement précité du tribunal de police mais se borne à le mentionner pour en retenir la qualification juridique de la condamnation pénale de M.C.... Dès lors, le ministre a fait une exacte appréciation des faits en estimant que la faute commise par M. C...était d'une gravité suffisante pour autoriser son licenciement pour motif disciplinaire. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation ne peut qu'être écarté.

20. En dernier lieu, si les requérants soutiennent que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont méconnu les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, des articles L. 3243-2 et L. 7112-1 du code du travail, de l'article 87 du code général des impôts et de l'article D. 133-9 du code de la sécurité sociale, ces moyens ne sont pas assortis des précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. Ils ne peuvent donc qu'être écartés.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée pour le syndicat national des journalistes, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la CGT-FO, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. C...et au syndicat national des journalistes la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. C...et du syndicat national des journalistes, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions à la CGT-FO qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, a la qualité de partie à la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...et du syndicat national des journalistes est rejetée.

Article 2 : M. C...et le syndicat national des journalistes verseront à la CGT-FO la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., au syndicat national des journalistes, à la CGT-FO et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2019.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02481
Date de la décision : 31/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SELAS BENSOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-31;17pa02481 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award