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29/01/2019 | FRANCE | N°18PA01637

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 janvier 2019, 18PA01637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804446/8 du 16 avril 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le

jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris

n° 1804446/8 du 16 avril 2018 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804446/8 du 16 avril 2018, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris

n° 1804446/8 du 16 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...B...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté au motif qu'à la date du

6 novembre 2017, les critères prévus au chapitre III du règlement UE n° 604/2013 n'étaient plus applicables à la situation de M. A...B... ;

- la demande de M. A...B...ne peut être regardée comme constituant une nouvelle demande au sens de l'article 19 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2018, M. A...B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- la décision de transfert du 6 mars 2018 est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, puisqu'il sera exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Italie et qu'il existe des défaillances systémiques dans le traitement des demandes d'asile dans ce pays ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., ressortissant soudanais, né le 13 juillet 1983, a présenté une demande d'admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de police le 6 novembre 2017. Par un arrêté du 6 mars 2018, le préfet de police a décidé de le transférer vers l'Italie au motif que cet Etat est responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 16 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le non lieu à statuer :

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer, de manière claire, opérationnelle et rapide ainsi que l'ont prévu les conclusions du Conseil européen de Tempere des 15 et 16 octobre 1999, l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou reprise en charge du demandeur, formée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé

" Etat membre requérant ", auprès de l'Etat membre que ce dernier estime être responsable de l'examen de la demande d'asile, ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle ce dernier dispose d'un droit de recours effectif, en vertu de l'article 27, paragraphe 1, du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les Etats membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article

L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que l'introduction par M. A...B...d'un recours devant le Tribunal administratif de Paris contre la décision du 6 mars 2018 par laquelle le préfet de police a décidé de le transférer aux autorités italiennes a eu pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis. Ce délai a toutefois recommencé à courir à compter du 16 avril 2018, date de lecture du jugement dont il est fait appel. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'autorité préfectorale aurait décidé de porter à dix-huit mois le délai de remise, après avoir constaté que l'intéressé aurait pris la fuite ou qu'il aurait été emprisonné. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'arrêté en litige aurait fait l'objet d'un commencement d'exécution. Dès lors que ni un appel, ni une demande de sursis à exécution n'a pour effet d'interrompre ce nouveau délai de six mois, celui-ci est venu à expiration le

16 octobre 2018, ayant pour conséquence en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, de rendre l'Etat requérant responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Par suite, dans la mesure où l'arrêté en litige n'a été ni prorogé, ni matériellement exécuté, il est devenu caduc. Cette caducité a pour effet de priver d'objet l'appel du préfet tendant à l'annulation du jugement n° 1804446/8 du 16 avril 2018. Dès lors, les conclusions du préfet étant devenues sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais de justice :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A...B...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de police tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris n° 1804446/8 du 16 avril 2018.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...A...B....

Copie en sera adressée au préfet de Police.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

Le rapporteur,

L. d'ARGENLIEULe président,

B. EVENLe greffier,

S. GASPAR La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01637
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : AIT MEHDI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-29;18pa01637 ?
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