Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, d'annuler les décisions des 15 avril 2016 et 1er juin 2016 par lesquelles le directeur de l'Institut d'études politiques de Paris lui a refusé l'accès à ses locaux.
Par un jugement nos 1607175-1608746/1-1 du 21 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris, après avoir joint ces requêtes, a annulé les décisions attaquées et enjoint à l'institut d'études politiques de Paris de réexaminer la situation de Mme B...dans un délai de trois mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 février 2017 l'institut d'études politiques de Paris, représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1607175-1608746/1-1 du 21 décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la demande de première instance dirigée contre le courrier du
15 avril 2016 était irrecevable, cet acte qui ne fait qu'accuser réception d'une demande ne faisant pas grief ;
- cet acte du 15 avril 2016 ayant été abrogé en cours d'instance par la décision du
1er juin 2016, il n'y avait plus lieu de statuer sur ces conclusions ;
- la décision du 1er juin 2016 est purement confirmative de la décision de suspension de scolarité du 27 octobre 2015 ;
- à titre subsidiaire, la décision du 15 avril 2016 est signée par son auteur, dont les nom et prénom sont mentionnés ;
- la formalité prévue par l'article R. 712-8 du code de l'éducation n'avait pas à être respectée avant l'édiction de la décision du 1er juin 2016 ;
- la décision du 15 avril 2016 n'a pas été prise sur le fondement de l'article R. 712-45 du code de l'éducation, mais au titre des pouvoirs de police du directeur ;
- la décision du 1er juin 2016 est signée par son auteur, dont les nom et prénom sont mentionnés ;
- la formalité prévue par l'article R. 712-8 du code de l'éducation a été respectée avant l'édiction de cette décision ;
- le non respect de cette formalité serait en tout état de cause sans incidence sur le sens de la décision et n'aurait pas privé l'intéressée d'une garantie ;
- la décision ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée par le juge des référés ;
- la décision du 1er juin 2016 n'a pas été prise sur le fondement de l'article R. 712-45 du code de l'éducation, mais au titre des pouvoirs de police du directeur ;
- les décisions ne sont entachées d'aucune erreur de fait ou de qualification juridique des faits compte tenu des risques avérés de troubles à l'ordre public en cas de réintégration de
MmeB....
Par ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au
29 novembre 2018.
La requête a été communiquée à MmeB..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour l'IEP de Paris.
Une note en délibéré, enregistrée le 7 janvier 2019, a été présentée par Me C...pour l'IEP de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. Madame A...B..., alors étudiante en troisième année à l'Institut d'études politiques de Paris (IEP), a fait l'objet, à la suite de propos violemment injurieux à l'égard des populations juives qu'elle a tenus lors d'une discussion instantanée sur les réseaux sociaux le 21 octobre 2015, d'une suspension immédiate de sa scolarité le 27 octobre 2015, puis d'une sanction disciplinaire d'exclusion définitive de cet établissement qui a été prononcée par la section disciplinaire compétente à l'égard des usagers le 16 décembre 2015. Elle a formé un recours contre cette sanction devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) le 14 mars 2016 et a demandé, compte tenu de ce que cette sanction n'avait pas été assortie de l'exécution provisoire, sa réintégration par courrier du 14 mars 2016. Par un courrier du 15 avril 2016, le directeur de l'IEP de Paris a refusé à Mme B...l'accès aux locaux de l'établissement en raison du " risque immédiat et important de trouble à l'ordre public " que présenterait son retour. Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris ayant prononcé, par ordonnance du 27 mai 2016, le sursis à l'exécution de cette décision et enjoint à l'IEP de statuer à nouveau sur la demande de réintégration de MmeB..., le directeur de l'IEP a, par une décision du 1er juin 2016, de nouveau refusé la réintégration de l'étudiante au sein de l'établissement, dans l'attente de la décision du CNESER. L'IEP de Paris fait appel du jugement du 21 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé, à la demande de MmeB..., les décisions des 15 avril et
1er juin 2016 et lui a enjoint de se prononcer à nouveau sur la demande présentée par l'intéressée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La décision du 15 avril 2016, qui a produit des effets jusqu'au 1er juin suivant, n'a été ni retirée, ni abrogée en cours d'instance par l'intervention de la décision du 1er juin 2016, prise en exécution de l'ordonnance du juge des référés du 27 mai 2016, qui n'a acquis aucun caractère définitif. Par suite, l'IEP n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû prononcer le non-lieu à statuer sur la requête n° 1607175 formée par Mme B...contre cette décision du
15 avril 2016.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article R. 712-8 du code de l'éducation, relatif à la sécurité des biens et des personnes dans les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel : " En cas de désordre ou de menace de désordre dans les enceintes et locaux définis à l'article R. 712-1, l'autorité responsable désignée à cet article en informe immédiatement le recteur chancelier. / Dans les cas mentionnés au premier alinéa : / 1° La même autorité peut interdire à toute personne et, notamment, à des membres du personnel et à des usagers de l'établissement ou des autres services ou organismes qui y sont installés l'accès de ces enceintes et locaux. / Cette interdiction ne peut être décidée pour une durée supérieure à trente jours. Toutefois, au cas où des poursuites disciplinaires ou judiciaires seraient engagées, elle peut être prolongée jusqu'à la décision définitive de la juridiction saisie (...) ".
4. En premier lieu, la décision du 15 avril 2015 par laquelle le directeur de l'IEP a fait savoir à MmeB..., en réponse à sa demande de réintégration immédiate, qu'il " ne peut donner suite, dans l'immédiat ", à cette demande compte tenu du " risque immédiat et important de trouble à l'ordre public qui résulterait de sa réintégration ", ne constituait pas un simple accusé de réception mais une décision aux effets immédiats, faisant grief à l'intéressée, et était dès lors susceptible d'un recours pour excès de pouvoir, ainsi que l'ont relevé les premiers juges.
5. En second lieu, la décision du 1er juin 2016, prise à la suite d'une nouvelle instruction sur le fondement des pouvoirs de police attribués au directeur de l'établissement par les dispositions précitées du code de l'éducation, ne constitue pas la confirmation de la décision du 27 octobre 2015 par laquelle le directeur de l'IEP de Paris avait prononcé, à titre conservatoire, la suspension de la scolarité de MmeB..., dans l'attente de la décision de l'instance disciplinaire saisie de son cas.
Sur le fond :
6. En en se bornant à faire état, en appel comme en première instance, de l'opposition manifestée par certains étudiants et enseignants à la reprise de sa scolarité par MmeB..., sous la forme de messages sur les réseaux sociaux, de messages électroniques adressés à la direction de l'établissement et de résolutions des conseils de l'établissement, et en mettant en avant le nombre important de ses étudiants, répartis sur plusieurs sites dispersés géographiquement, l'IEP de Paris n'établit pas qu'il n'ait pas disposé des moyens de maintenir l'ordre dans l'établissement. Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par sa décision n° 275512 du 26 octobre 2005, les risques de désordre invoqués n'étaient pas de nature à eux seuls à justifier la mesure d'interdiction d'accès aux locaux prononcée à l'égard de MmeB....
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'IEP de Paris n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a, notamment pour ce motif, annulé les décisions attaquées. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'IEP de Paris est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'institut d'études politiques de Paris et à Mme A...B.... Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Paris, chancelier des Universités.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVENLe greffier,
S. GASPARLa République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00659