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23/01/2019 | FRANCE | N°17PA03517

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 23 janvier 2019, 17PA03517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tsong Yen Sieon et Cie a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeu

r ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Tsong Yen Sieon et Cie a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1600585 du 19 septembre 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, la SNC Tsong Yen Sieon et Cie, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600585 du 19 septembre 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le recours à la procédure de taxation d'office est insuffisamment motivé ;

- le droit de communication exercé auprès des fournisseurs n'a jamais été indiqué, et l'administration s'est fondée sur des documents qui n'ont pas été communiqués au contribuable ;

- le recours à la procédure de taxation d'office est injustifié ; en effet, les deux simples anomalies retenues par le vérificateur ne peuvent légalement fonder le recours à cette

procédure ; en outre, le courrier du 4 juillet 2016 reconnaissait le caractère injustifié de la procédure de taxation d'office au titre des années 2012 et 2013 et avait pour conséquence de " basculer " dans le cadre de la procédure contradictoire ;

- les deux conditions cumulatives prévues par les dispositions de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française pour pouvoir rejeter la comptabilité ne sont pas remplies ; en effet, sa comptabilité n'a pas été reconnue comme irrégulière en la forme ;

- les dispositions de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française sont illégales en l'absence de définition des conditions dans lesquelles la comptabilité serait irrégulière et non probante ; en Polynésie française, une comptabilité régulière en la forme ne peut être considérée comme non probante ;

- le vérificateur n'a pas précisé " les travaux à réaliser ainsi que le délai nécessaire pour les effectuer ", en application des dispositions du III de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française ;

- la méthode de reconstitution est irrégulière.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2018, la Polynésie française, représentée par Me C...puis par Me B...qui s'est constitué le 11 octobre 2018, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SNC Tsong Yen Sieon et Cie une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SNC Tsong Yen Sieon et Cie ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 8 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Tsong Yen Sieon et Cie, qui exploite un supermarché à Vaitape sur l'île de Bora Bora, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du

1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, étendue jusqu'au 31 août 2014 pour la taxe sur la valeur ajoutée, qui a donné lieu à deux notification de redressements distinctes. Celle du 24 novembre 2014, relative à la période du 1er janvier au 31 décembre 2011, est restée sans suite, l'administration ayant abandonné les redressements dans sa réponse aux observations du contribuable. Celle du 14 septembre 2015, qui porte sur la période du 1er janvier 2012 au

31 août 2014, a donné lieu, selon la procédure de taxation d'office, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire sur les bénéfices des sociétés, d'impôt sur le revenu des capitaux mobiliers et de contribution de solidarité territoriale, assortis d'une majoration de 40 %. La SNC Tsong Yen Sieon et Cie a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge, en droits et majorations, de ces impositions supplémentaires. Elle relève appel du jugement n° 1600585 du 19 septembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La société requérante soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne les considérations de fait de nature à justifier la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office. Toutefois, il résulte du point 2 du jugement attaqué que les premiers juges ont indiqué que le recours à la procédure de taxation d'office était régulièrement motivé dans la notification de redressements du 14 septembre 2015 par une présentation suffisamment détaillée des faits caractérisant l'insincérité des soldes des comptes fournisseurs et du compte de caisse au 31 décembre des années 2012 et 2013. Le point 6 du jugement attaqué précise d'ailleurs les éléments factuels ayant permis au juge de conclure au caractère non probant de la comptabilité. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 424-1 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxation d'office consiste en l'établissement de la base imposable par l'administration à partir des seules informations en sa possession, sans recours possible à la procédure contradictoire prévue à l'article LP. 421-1. / La base retenue est portée à la connaissance du contribuable (...). Il résulte de la notification de redressements du

14 septembre 2015, que le recours à la procédure de taxation d'office est motivé, en droit, par la référence aux articles 422-1 et suivants du code des impôts de la Polynésie française, et en fait, par le caractère non probant de la comptabilité de la société. La notification de redressements précise la méthode retenue pour la reconstitution des chiffres d'affaires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il résulte de la notification de redressements du

14 septembre 2015, que la SNC Tsong Yen Sieon et Cie a elle-même fourni au vérificateur les copies des grands livres clients de ses fournisseurs, que ces derniers lui avaient communiquées à sa demande. En se bornant à affirmer que l'administration aurait exercé son droit de communication auprès des fournisseurs sans l'en informer et ne lui aurait pas communiqué les documents sur lesquels elle s'est fondée, la société requérante n'établit pas l'atteinte portée aux droits de la défense et plus largement, l'irrégularité de la procédure d'imposition.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 412-1 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) III - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. / Pour procéder au contrôle prévu à l'alinéa ci-dessus, l'agent vérificateur peut se faire assister par un agent assermenté de l'administration. / L'agent vérificateur et l'agent assermenté de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable. / Celui-ci peut demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'agent vérificateur ou l'agent assermenté de l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. (...) ". Il résulte de l'instruction que la SNC Tsong Yen Sieon et Cie a remis les copies de ses fichiers informatisés au vérificateur afin qu'il procède lui-même aux traitements nécessaires au contrôle fiscal. Par suite, elle ne peut utilement faire valoir que le vérificateur ne lui a pas précisé "les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer ".

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française : " (...) 2 - Sont également taxés d'office les contribuables qui n'ont pas présenté la comptabilité ou dont la comptabilité n'a pas été reconnue régulière et

probante. (...) ".

7. D'une part, la SNC Tsong Yen Sieon et Cie soutient que les deux conditions cumulatives prévues par les dispositions de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française pour pouvoir rejeter la comptabilité ne sont pas remplies en l'espèce dès lors que sa comptabilité était régulière. Toutefois, ces dispositions exigent que la comptabilité ait tout à la fois un caractère régulier et probant et permettent précisément de recourir à la procédure de taxation d'office dès lors que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie. Il en résulte que, contrairement aux allégations de la société requérante, la procédure de taxation d'office est applicable au contribuable dont la comptabilité n'est pas probante, et ce, alors même qu'elle serait régulière en la forme. A cet égard, la SNC Tsong Yen Sieon et Cie ne peut se prévaloir devant le juge de l'impôt de ce que les dispositions de l'article LP 423-1 du code des impôts de la Polynésie française sont " illégales " en l'absence de définition des conditions dans lesquelles la comptabilité serait irrégulière ou non probante.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que le vérificateur a comparé les soldes au 31 décembre des années 2012 et 2013 des comptes fournisseurs supérieurs à 1 000 000 F CFP dans la comptabilité de la SNC Tsong Yen Sieon et Cie et les soldes de ses comptes clients dans les grands livres de ses fournisseurs. Il a constaté des discordances entre les comptabilités du contribuable vérifié et de ses fournisseurs pour 36 soldes sur 38 en 2012 et 38 sur 40 en 2013. En outre, le compte de caisse de la SNC Tsong Yen Sieon et Cie présentait un solde débiteur inexpliqué de l'ordre de 334 000 000 F CFP au 31 décembre des années 2012 et 2013. Ces anomalies étaient de nature à mettre en cause le caractère probant de la comptabilité, et, par suite, à fonder légalement l'application de la procédure de taxation d'office aux impositions notifiées au titre des exercices 2012 et 2013, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir du caractère probant de cette comptabilité au titre de l'exercice 2011.

9. Enfin, le courrier du 4 juillet 2016 invoqué par la société requérante, intervenu en réponse à sa demande de remise gracieuse formulée le 26 mai 2016, ne peut être regardé comme reconnaissant le caractère injustifié de la procédure de taxation d'office au titre des années 2012 et 2013.

10. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a eu recours à la procédure de taxation d'office.

11. En dernier lieu, la SNC Tsong Yen Sieon et Cie ne conteste pas utilement la méthode de reconstitution utilisée pour procéder aux redressements en litige en se bornant à soutenir, d'une part, qu'elle rapporte la preuve du montant exact et réel des achats sans autre précision et, d'autre part, que le vérificateur s'est fondé sur des éléments dont elle n'a pas eu communication, alors qu'il résulte du point 4 que cette circonstance n'est pas établie. Enfin, la circonstance que la comptabilité du contribuable ait été regardée comme non probante ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale utilise des éléments tirés de celle-ci pour opérer des redressements.

12. Il résulte de ce qui précède que la SNC Tsong Yen Sieon et Cie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par suite, la requête de la SNC Tsong Yen Sieon et Cie doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société la somme demandée par la Polynésie française sur le fondement de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SNC Tsong Yen Sieon et Cie est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Polynésie française sur le fondement de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Tsong Yen Sieon et Cie et au gouvernement de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 janvier 2019.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03517
Date de la décision : 23/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SEP UCJ AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-23;17pa03517 ?
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