La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/01/2019 | FRANCE | N°18PA02340

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 22 janvier 2019, 18PA02340


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1804576/6 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, MmeB..., repré

sentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée.

Par un jugement n° 1804576/6 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, MmeB..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et, à défaut, dans le même délai, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme B...soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le Code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., de nationalité congolaise, entrée en France le 4 mars 2002, a présenté, le 23 novembre 2017, une demande de titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du

21 février 2018, le préfet de police a refusé de l'autoriser à séjourner en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée. Mme B...relève appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 21 février 2018.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose la décision de refus de séjour, alors même qu'il ne reprend pas tous les éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressée. Par ailleurs, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de séjour. Ainsi le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

4. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

5. Par l'arrêté attaqué, le préfet de police a refusé, sur le fondement des dispositions citées au point 2, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à MmeB..., née en 1984, au motif que la reconnaissance de paternité de son enfant, né à Paris le 29 mai 2012, aurait été souscrite par M. C..., ressortissant français, dans le but de lui permettre d'obtenir un titre de séjour. A cet effet, le préfet de police relève que l'enfant est né peu de temps après l'arrivée en France de MmeB..., le

4 mars 2012, et qu'il n'est aucunement établi que M. C... était présent en République démocratique du Congo à l'époque de la conception de l'enfant et qu'il existait une quelconque vie commune de celui-ci avec la requérante avant la naissance de l'enfant. Or, Mme B...n'apporte devant la Cour aucun élément de nature à établir que M. C...participerait à l'éducation et à l'entretien de l'enfant, qu'il entretiendrait un lien quelconque avec ce dernier ou même avec elle, alors qu'un compte-rendu de consultation établi à l'hôpital Necker - Enfants malades le 16 juillet 2012, soit postérieurement à la reconnaissance de paternité souscrite le 14 mai, mentionne que " le papa de Jeffte n'a pas reconnu l'enfant ". Dans ces conditions, le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité retenu par le préfet de police pour refuser d'accorder à la requérante le titre de séjour qu'elle sollicitait, doit être regardé comme établi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

7. Si Mme B...fait valoir qu'elle est présente en France depuis mars 2012, que son enfant est scolarisé en France et souffre de drépanocytose, maladie pour laquelle il est suivi en France et qui rend nécessaire sa présence à ses côtés et, enfin, qu'elle exerce une activité professionnelle, ces éléments ne sont pas de nature à établir que le préfet de police aurait porté à son droit au respect de sa vie privée, une atteinte disproportionnée, alors que l'aîné de ses enfants né en 2000, vit au Congo, qu'elle ne fait état d'aucune attache particulière sur le territoire français, notamment pas avec le père de son enfant, et qu'elle ne justifie d'aucune insertion particulière au sein de la société française. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant le titre sollicité, le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

9. La double circonstance selon laquelle l'enfant de la requérante est scolarisé en France et qu'il souffre de drépanocytose ne constitue en rien un obstacle à ce que celui-ci suive avec sa mère en République démocratique du Congo, étant observé qu'il n'est pas établi, ni même allégué que M. C... contribuerait à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième et dernier lieu, aucun des moyens invoqués à l'encontre de la décision de refus de séjour n'étant fondé, Mme B...n'est pas fondée à invoquer l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 février 2018 par lequel le préfet de police lui a refusé l'octroi d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de destination. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées. Celles aux fins d'injonction doivent l'être par voie de conséquence.

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

2

N° 18PA02340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02340
Date de la décision : 22/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : NETRY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-22;18pa02340 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award