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22/01/2019 | FRANCE | N°18PA01868

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 22 janvier 2019, 18PA01868


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1805236/8 du 2 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2018, M. E...C..., représenté par

MeD..., demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il souti

ent que :

- l'arrêté et le jugement sont insuffisamment motivés et sont entachés d'un défaut d'examen de sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mars 2018 par lequel le préfet de police a prononcé sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1805236/8 du 2 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juin 2018, M. E...C..., représenté par

MeD..., demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- l'arrêté et le jugement sont insuffisamment motivés et sont entachés d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté et le jugement attaqué sont entachés d'une erreur de droit dès lors que l'insuffisance de motivation constitue une violation des dispositions de l'article L. 211.2 du code des relations entre le public et l'administration

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 5 du règlement (UE) n°604/2013 dès lors qu'il n'a pu se faire comprendre dans des conditions satisfaisantes et que l'entretien a été conduit en méconnaissance des garanties de confidentialité ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conditions d'accueil en Italie, et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son droit à une vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense au préfet de police enregistré le 19 décembre 2018 le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que l'arrêté de transfert litigieux a été exécuté le 31 mai 2018 et que les moyens soulevés par M. E...C...ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- et les observations de MeB..., représentant M. E...C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E...C..., ressortissant égyptien né le 28 avril 1991, relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2018 par laquelle le préfet de police a décidé sa remise aux autorités italiennes.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Enfin, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

3. L'arrêté du préfet de police du 20 mars 2018 vise les textes applicables à l'espèce, à savoir, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, la convention de Genève du 28 juillet 1951 modifiée, le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement CE 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté expose également l'essentiel des éléments relatifs à la situation individuelle de M. E...C..., notamment le fait qu'après être entré irrégulièrement en France, il s'y est maintenu sans être muni des documents et visa exigés par les textes en vigueur, qu'il s'est présenté au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le

20 décembre 2017 où il a effectué une demande de protection internationale. Il mentionne également qu'il a sollicité l'asile en Italie le 21 septembre 2016 et que les autorités de ce pays doivent être regardées comme responsables de sa demande. Dans ces conditions, l'arrêté de transfert contesté comporte l'énoncé suffisamment précis des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait ainsi aux exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de ce que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. E...C...doit également, de ce fait, être écarté comme manquant en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) susvisé du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".

5. Si M. E...C...persiste à soutenir qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel mené en présence d'un interprète capable d'assurer une bonne communication entre lui et la personne menant l'entretien et que les règles de confidentialité n'ont pas été respectées, il ressort cependant des pièces du dossier que l'entretien s'est déroulé avec un interprète en langue arabe par téléphone grâce aux services de la société ISM interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur, que les déclarations de M. E...C...ont été consignées en français et en arabe, langue qu'il a déclaré comprendre, et qu'il a signé le compte-rendu sans qu'il soit sérieusement allégué qu'il n'aurait pas compris le sens et l'objet des questions qui lui étaient posées ni qu'il aurait été privé de la possibilité de faire valoir utilement ses observations. En outre, ce compte-rendu comporte la mention suivante : " L'administré confirme avoir compris tous les termes de cet entretien ". Par ailleurs, les seules circonstances que son nom de famille n'A... pas été correctement retranscrit, dès lors que l'arrêté mentionne le nomA..., transcription écrite erronée de " Eid ", et que le résumé de cet entretien figurant à la fin du formulaire soit très succinct, ne sont pas de nature à démontrer que l'entretien ne se serait pas déroulé dans des conditions conformes aux dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du

26 juin 2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) ".

7. Il résulte des dispositions précitées que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. En tout état de cause, si M. E...C...fait valoir que son frère est titulaire d'un titre de séjour et bénéficiaire de la protection internationale en France, il ressort de la motivation de la décision de transfert que le préfet a examiné, comme il était tenu de le faire, les éléments du dossier du demandeur en exerçant le pouvoir d'appréciation prévu notamment par la clause discrétionnaire mentionnée ci-dessus, sans s'estimer lié par l'accord des autorités italiennes. Le moyen tiré de la violation de l'article 17 du règlement susvisé ne peut dès lors qu'être écarté.

8. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

9. Si M. E...C...invoque les conditions d'accueil défaillantes et dissuasives des demandeurs d'asile en Italie, il n'établit nullement par les documents qu'il produit, que les autorités italiennes ne seraient pas en mesure d'assurer son accueil ni d'examiner sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'établit pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques sérieux de traitement inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que les autorités italiennes auraient pris à son encontre une quelconque mesure d'éloignement. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut présumer que ces autorités le renverront automatiquement en Egypte en méconnaissance de son droit de demander l'asile. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet aurait en l'espèce entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des défaillances systémiques ni qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegardes des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou encore les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. Enfin, si M. E...C..., entré irrégulièrement et très récemment en France, célibataire et sans enfant à charge, fait valoir que son frère réside en France où il bénéficie de la protection internationale, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier la réalité et l'intensité des liens avec celui-ci ni d'ailleurs d'une vie privée et familiale stable en France, alors qu'il a déclaré, lors de son entretien individuel du 20 décembre 2017, être seul sur le territoire national. Dans ces conditions, la décision de transfert contestée n'a pu porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa vie personnelle doit, pour les mêmes raisons, être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N° 18PA01868


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01868
Date de la décision : 22/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : SARHANE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-22;18pa01868 ?
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