Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL GL Constructions a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a rejeté sa demande d'autorisation de licencier M. D...A....
Par un jugement n° 1600467 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de la Polynésie française a annulé cette décision de l'inspectrice du travail.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 17PA02399 le 15 juillet 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Polynésie française du 16 mai 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par la société GL Constructions devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;
3°) de mettre à la charge de la société GL Constructions la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les accusations mensongères émises par la société GL Constructions dans sa requête devant le tribunal ne sauraient être prises en considération dès lors que la quasi-totalité de ces griefs n'a jamais été mentionnée dans la demande de licenciement adressée à l'inspecteur du travail ;
- c'est en effet à tort qu'a été retenu comme motif de licenciement le fait d'avoir refusé, deux jours durant, d'être responsable de la clef donnant accès à l'intégralité du matériel du chantier alors que cela ne rentrait pas dans ses attributions contractuelles et ne correspondait pas à une pratique habituelle de la société ;
- son refus de prendre une telle responsabilité s'explique par la crainte légitime de se voir à nouveau accusé de vol, alors qu'il n'a jamais refusé de travailler et qu'une fois le container ouvert, le travail a suivi son cours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, la SARL GL Constructions conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de
M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a décidé d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de l'autoriser à licencier M.A... eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés ;
- c'est à juste titre qu'à la suite de ce jugement, l'inspecteur du travail a pris la décision du 13 juillet 2017 autorisant le licenciement de M. A...et que cette décision a été confirmée par une décision du directeur du travail du 22 septembre 2017.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 17PA02850 les 16 août 2017 et 30 décembre 2018, la Polynésie française, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Polynésie française du 16 mai 2017 ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par la société GL Constructions devant le tribunal administratif de la Polynésie française ;
3°) de mettre à la charge de la société GL Constructions la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient fonder leur décision sur des faits étrangers à la demande de licenciement ;
- les faits de perte de confiance, concurrence déloyale, poursuite d'activité durant un arrêt de travail et menaces envers les salariés évoqués par la société dans sa requête devant le tribunal ne peuvent être retenus alors qu'ils n'étaient pas évoqués dans la demande d'autorisation de licenciement et qu'ils ont déjà donné lieu à sanction ;
- seul le grief de " désobéissance caractérisée " était mentionné dans la demande de licenciement du 7 juin 2016 et celui-ci est insuffisant pour justifier un quelconque licenciement ;
- avoir laissé la clé du container au siège de l'entreprise le 20 mai 2016 et avoir refusé de les récupérer pour les prendre le 24 mai 2016 sur le chantier de Taravao ne saurait témoigner ni d'une attitude de défiance permanente et d'insubordination, ni d'un comportement manipulateur, provocateur ou désinvolte de la part de M. A...vis-à-vis de sa direction ;
- l'acharnement dont fait preuve l'employeur vis-à-vis de son salarié et son attitude permanente de défiance à son égard est totalement occultée dans le jugement contesté alors qu'elle ressort de l'hyper-exhaustivité de l'argumentation dans les deux demandes d'autorisation de licenciement ;
- le jugement du tribunal du travail ne fait que confirmer la réalité du conflit opposant le salarié et son employeur, même en-dehors de l'entreprise ;
- ainsi que l'a retenu l'inspecteur du travail, le lien avec les mandats de représentation du personnel et la demande d'autorisation de licenciement est établi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2017, la SARL GL Constructions conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de
M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal a décidé d'annuler la décision du 13 juillet 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé de l'autoriser à licencier M.A... eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés ;
- c'est à juste titre qu'à la suite de ce jugement, l'inspecteur du travail a pris la décision du 13 juillet 2017 autorisant le licenciement de M. A...et que cette décision a été confirmée par une décision du directeur du travail du 22 septembre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code du travail de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- et les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. les requêtes susvisées nos 17PA02399 et 17PA02850 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt.
2. M. A...est employé au sein de la société GL Constructions depuis le 14 mai 2012 au poste de chef de chantier sous contrat à durée indéterminée. Il a été désigné représentant syndical le 15 juillet 2013, puis élu délégué du personnel et membre du comité d'entreprise le
15 novembre 2013. Le 8 juin 2016, la direction du travail a reçu de la part de son employeur une demande d'autorisation de le licencier qui a été refusée par une décision de l'inspecteur du travail du 13 juillet 2016.
3. Par un jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Polynésie française a annulé cette décision à la demande de la société. M. A...et la Polynésie française relèvent chacun appel de ce jugement dans deux requêtes distinctes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Par une lettre particulièrement longue et détaillée du 7 juin 2016, la SARL GL Constructions a demandé l'autorisation de licencier M. A...au motif, notamment, que son comportement serait incompatible avec ses fonctions de chef de chantier, dès lors qu'il a refusé d'assurer la responsabilité de la garde de la clé du conteneur dans lequel étaient stockés le matériel nécessaire et les équipements de protection individuelle. Il lui est ainsi reproché de s'être volontairement mis en situation de ne pouvoir matériellement réaliser le travail pour lequel il avait été engagé et de désorganiser ce chantier. Si ce courrier fait aussi état d'autres griefs qui lui sont reprochés, ils n'apparaissent cependant pas forcément déterminants dans la demande, alors que certains d'entre eux ont en outre déjà donné lieu à sanction et qu'ils semblent avant tout avoir été mentionnés pour expliquer le contexte.
5. Dans la décision contestée du 13 juillet 2016, l'inspecteur du travail a quant à lui considéré, d'une part, que les faits fautifs reprochés entre le 20 et le 24 mai 2016 n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement, d'autre part, qu'il existait un lien entre la demande et les mandats détenus par le salarié.
6. Il ressort effectivement des pièces du dossier, qu'aussi critiquable et désinvolte qu'ait pu être le comportement de M. A...sur le chantier au cours de ces quelques jours, celui-ci n'est toutefois pas le signe, comme tente de le faire valoir son employeur, d'une attitude de défiance permanente et d'insubordination ou encore d'un comportement manipulateur et qu'il ne présente pas, de ce fait, un caractère de gravité suffisante tel qu'il ait pu donner lieu à un licenciement. Il en est ainsi à supposer même que l'on prenne en considération l'ensemble des griefs énoncés dans la demande du 7 juin 2016.
7. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'alors que M. A...est un représentant du personnel actif et relativement populaire au sein de l'entreprise, qu'un procès-verbal a été dressé à l'encontre de ses dirigeants le 8 février 2016 par la direction du travail pour entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et qu'un conflit semble / paraît perdurer entre l'employeur et son salarié depuis l'été 2014. Le lien entre l'exercice des mandats détenus par ce dernier et la demande d'autorisation de licenciement doit dès lors être regardé comme étant établi.
8. Il résulte par suite de ce qui précède que M. A...et la Polynésie française sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a annulé, à la demande de la société GL Constructions, la décision du
13 juillet 2016 par laquelle l'inspectrice du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M.A....
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société GL Construction demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a toutefois lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 2 000 euros à verser à M. A...ainsi qu'à la Polynésie française, au titre de ces mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 16 mai 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL GL Constructions devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La SARL GL Constructions versera à M. A...et à la Polynésie française une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à la Polynésie française et à la SARL GL Constructions.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 22 janvier 2019.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre des l'outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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nos 17PA02399, 17PA02850