Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet de police du 9 février 2018 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays où il pourrait être reconduit.
Par un jugement n° 1803236 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 avril 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 février 2018 dans toutes ses dispositions et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la notification de l'arrêté du 9 février 2018 est irrégulière dès lors que le préfet de police l'a adressé à son ancienne adresse ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'arrêté ne comportait pas de décision de refus de titre de séjour, alors qu'il avait demandé son admission au séjour au titre de l'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est cru tenu par la décision de refus de l'OFPRA et n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation ;
- le refus de séjour est entaché d'un défaut d'examen complet de sa demande, dans la mesure où il a sollicité, par courrier du 8 janvier 2018, la délivrance d'une carte de séjour salarié sur le fondement des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors qu'il n'a pas été convoqué par les services de préfecture malgré sa demande ;
- elle méconnait les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
La requête et le mémoire ont été communiqués au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Pellissier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant bangladais né en mars 1985, est entré en France le 20 novembre 2010 selon ses dires et y a sollicité l'asile qui lui a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en avril 2011 et par la Cour nationale du droit d'asile en mai 2012. Il s'est maintenu en France sans être titulaire d'un titre de séjour. Le 4 juillet 2017, il a sollicité un réexamen de sa demande d'asile sur le fondement de l'article L. 723-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée le
17 juillet 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le
13 novembre 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 9 février 2018, le préfet de police a édicté à son encontre, sur le fondement de l'article L. 511-1 I (6°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... B... fait régulièrement appel du jugement du 25 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.
2. D'une part, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. D'autre part, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui se substitue à compter du 1er janvier 2016 à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 invoqué par l'intéressé, dispose : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-1 sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code précise : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-1 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".
4. L'arrêté litigieux, pris sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne comporte pas de refus de titre de séjour mais seulement une obligation de quitter le territoire français prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire ont été définitivement refusés à l'intéressé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, seuls compétents pour les accorder. Une telle obligation de quitter le territoire français édictée par arrêté préfectoral découle du défaut de reconnaissance de la qualité de réfugié et d'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire à un étranger en situation irrégulière et celui-ci, lorsqu'il présente une demande d'asile, ne saurait ignorer que si la reconnaissance de la qualité de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire lui sont définitivement refusés, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à lui permettre d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est également loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose donc pas à l'autorité administrative de le mettre systématiquement à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié et d'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire. Il appartient toutefois à l'autorité administrative, afin de garantir le droit de tout administré d'être entendu, d'examiner les éléments que l'intéressé lui fait parvenir en cours de procédure et, le cas échéant, de satisfaire à la demande d'audition qu'il lui adresse.
5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A... B...a été reçu en préfecture le
4 juillet 2017 pour solliciter le réexamen de sa demande d'asile, il a demandé postérieurement, par un courrier de son conseil envoyé après notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile et reçu le 9 janvier 2018 à la préfecture de police, à être convoqué afin de déposer une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, en faisant état d'un contrat de travail et de fiches de paie. Il est constant qu'aucune réponse n'a été donnée à cette demande d'audition, dont il n'est pas allégué qu'elle était abusive. Dès lors, M. A... B...est fondé à soutenir qu'il a été empêché de présenter des observations utiles avant que ne soit prise, le 9 février 2018, la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'ainsi les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration et son droit d'être entendu ont été méconnus.
6. Il ressort de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de police du 9 février 2018.
7. L'annulation de l'arrêté du 9 février 2018 portant obligation de quitter le territoire français pour le motif mentionné au point 5 ci-dessus n'implique pas que le préfet de police délivre un titre de séjour à M. A... B... mais seulement qu'il réexamine sa situation après l'avoir muni de l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de trois mois.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 000 euros que demande M.A... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1803236 du 25 avril 2018 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police du 9 février 2018 faisant obligation à M. A... B... de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... B... dans un délai de trois mois.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M.A... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...B...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le président-assesseur,
S. DIÉMERTLa présidente de chambre,
rapporteur,
S. PELLISSIERLe greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01803