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10/01/2019 | FRANCE | N°18PA01356

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2019, 18PA01356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays où il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1805161/8 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 23 avril 2018 et 20 juin 201

8, M. B..., représenté par Me Tasse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805161/8 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays où il pourrait être reconduit.

Par un jugement n° 1805161/8 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 23 avril 2018 et 20 juin 2018, M. B..., représenté par Me Tasse, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805161/8 du 10 avril 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mars 2018 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays où il pourrait être reconduit.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire, car ni lui-même ni son conseil n'ont été avertis de l'audience ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience :

- le rapport de M. Legeai ;

- et les observations de Me Tasse, avocat de M.B..., et de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant marocain né en août 1973, a été interpellé sans documents l'autorisant à séjourner en France le 30 mars 2018 lors d'un contrôle de police gare du Nord à Paris. Par un arrêté du 31 mars 2018, le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire et a fixé le pays où il pourrait être reconduit. Par un arrêté du même jour, le préfet de police a placé M. B...en rétention administrative. Toutefois, par une ordonnance du 2 avril 2018, le juge de la liberté et de la détention a mis fin à la rétention administrative et a assigné à résidence M. B..., qui avait précédemment demandé au tribunal administratif l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français. M. B... fait régulièrement appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que si le dispositif du jugement rendu le 10 avril 2018, assorti de la formule exécutoire, a été immédiatement notifié, le jour même, aux parties, alors même que l'article R. 776-27 du code de justice administrative ne l'imposait pas dès lors que M. B...n'était plus retenu, au jour de l'audience, par l'autorité administrative, un exemplaire motivé du même jugement a été notifié aux parties par courriers du 28 mai 2018. Il ressort de l'examen de ce jugement que le premier juge a suffisamment répondu aux deux moyens soulevés par le requérant.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'une audience avait en premier lieu été prévue le 7 avril 2018, Me Tasse, avocat du requérant qui avait introduit l'instance, a été informé par un message mis à sa disposition le 7 avril 2018 à 13h28 dans l'application Télérecours, que cette audience était reportée au 10 avril à 14h. Si M. B...soutient que ni lui-même ni son avocat n'ont été avertis du report de la date d'audience, il n'établit pas que son avocat, Me Tasse, a été dans l'impossibilité d'accéder à l'application " Télérecours ", dont l'usage est rendu obligatoire depuis le 1er janvier 2017 par l'article R. 414-1 du code de justice administrative pour les requêtes présentées par un avocat. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". L'article L. 211-1 du même code dispose : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ; / 3° Des documents nécessaires à l'exercice d'une activité professionnelle s'il se propose d'en exercer une ".

6. M. B...soutient que la décision contestée, fondée sur les dispositions précitées du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, méconnaît les dispositions de l'article L. 211-1 du même code dès lors qu'il est entré en France régulièrement avec ses parents après sa naissance, y a bénéficié de titres de séjour jusqu'en 2011 et n'a jamais quitté le territoire français depuis. Toutefois, M. B... qui ne démontre pas avoir bénéficié de titres de séjour, n'établit pas la continuité de son séjour en France depuis sa minorité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. B...soutient qu'il est arrivé en France à l'âge de quinze jours avec ses parents et y réside depuis lors, ainsi que toute sa famille, notamment son père qui y est décédé en 2014, son frère et sa soeur, alors que sa mère aurait obtenu la nationalité française. Il fait valoir en outre qu'il ne parle que le français, n'a aucune attache au Maroc, vit en concubinage avec une Française et occupe un emploi de menuisier. Toutefois, s'il résulte des pièces produites que M. B...a longuement vécu en France, notamment durant son enfance, le dossier qu'il produit comporte particulièrement peu de pièces pour la période de 2006 à 2017 et ne permet pas de conclure à la continuité alléguée de sa résidence en France. Son concubinage avec une Française n'est établi, à la date de la décision attaquée, que par une simple attestation d'hébergement, alors que, notamment, il a déclaré lors de son audition par les services de police être sans profession, célibataire, et sans charge de famille. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossiers que le préfet de police aurait, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Doit également être écarté, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B...dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi :

10. L'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". M. B...soutient que le fait d'être éloigné à destination d'un pays qu'il ne connaît pas et dans lequel il n'a pas d'attaches privées met en cause son existence et constitue un traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations précitées. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B...n'établit pas n'avoir jamais résidé au Maroc, dont il détient la nationalité, ni y être dépourvu d'attaches personnelles. Par suite, et en tout état de cause, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01356
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : TASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-10;18pa01356 ?
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