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31/12/2018 | FRANCE | N°18PA00970

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 31 décembre 2018, 18PA00970


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Chance a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 35 200 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire ainsi que la décision du 10 juin 2016 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1612059 du 23 janvier 2018, le Tribunal ad

ministratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Chance a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 février 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 35 200 euros au titre de la contribution spéciale et la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire ainsi que la décision du 10 juin 2016 par laquelle il a rejeté son recours gracieux.

Par un jugement n° 1612059 du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, la société La Chance, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 22 février 2016 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en ce qu'elle a mis à sa charge la somme de 39 818 euros ;

3°) d'annuler en conséquence la décision du directeur de l'OFII du 10 juin 2016.

Elle soutient que :

- il n'a jamais été ni matériellement constaté lors des contrôles des inspecteurs de police et de l'URSSAF ni démontré que Mme E...aurait travaillé pour la société La Chance, ni que M. B...aurait travaillé sans autorisation de travail ;

- dans sa plainte pénale, Mme E...n'a jamais évoqué un travail au sein de l'établissement La Chance mais évoqué un travail dans l'appartement familial de

MmeD... et M. B...s'est borné à indiquer que Mme E...était présente aux côtés de Mme D...de septembre à décembre 2015 ;

- la SARL La Chance a fait l'objet chaque année depuis son ouverture en 2009, de contrôles de l'URSSAF, y compris en 2015, sans faire l'objet de la moindre observation ;

- M.B..., entré en France le 12 avril 2011, a toujours été en situation régulière et a fait l'objet d'une déclaration préalable d'embauche le 27 novembre 2012, d'un premier contrat de travail le même jour et a obtenu son titre de séjour le 22 février 2016.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juillet 2018, l'OFII représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la demande de première instance, ainsi qu'à la mise à la charge de la société La Chance une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 février 2016, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société La Chance une somme de 35 200 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour l'emploi de deux étrangers dépourvus de titre les autorisant à exercer une activité salariée en France, et la somme de 4 618 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de ces étrangers dans leur pays d'origine, prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société La Chance relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 février 2016 ainsi de la décision du 10 juin 2016 de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article

L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision du directeur de l'OFII mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur.

5. La société La Chance conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Elle soutient qu'il n'a jamais été matériellement constaté lors des contrôles des inspecteurs de police et de l'URSSAF, ni démontré que Mme E...aurait travaillé pour la société La Chance, ni que M. B...aurait travaillé sans autorisation de travail.

6. Il résulte, toutefois, de l'instruction, en particulier des auditions de Mme E..., ressortissante philippine dépourvue de titre de séjour l'autorisant à travailler en France, que celle-ci a déclaré avoir fait le ménage dans trois appartements situés dans un immeuble sis 16 rue Gaston Caillavet dans le 15ème arrondissement de Paris et loués par la société La Chance. Il résulte également de l'instruction que Mme E...a été vue par l'employé de cette société qui exploite un salon de thé au 6 boulevard Pasteur à Paris, accompagner MmeD..., gérante de l'établissement, afin de l'aider à apporter de la marchandise, une à deux fois par semaine entre septembre ou octobre 2014 et janvier 2015. Il est également constant que MmeE..., hébergée au domicile de MmeD..., était familière des lieux précités qu'elle a décrits avec précision aux services de police et de la famille de la gérante qui a effectué pour son compte quatre virements d'argent destinés à sa famille restée aux Philippines entre octobre 2014 et janvier 2015. Par suite, la réalité des faits doit être regardée comme établie par l'enquête de police, nonobstant la circonstance que dans sa plainte pénale pour enlèvement, séquestration, soumission à des conditions indignes de travail, Mme E...n'a jamais évoqué un travail au sein de l'établissement La Chance mais un travail dans l'appartement familial de MmeD....

7. Il résulte également de l'instruction qu'à la date du procès-verbal du 3 avril 2015 servant de base aux décisions litigieuses et de son audition par les services de police le

2 juin 2015, M.B..., ressortissant bangladais employé par la société La Chance, ne disposait pas d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en France, dès lors que, s'il avait fait l'objet d'une déclaration préalable d'embauche le 27 novembre 2012 et disposait d'un contrat de travail et de fiches de salaires, son titre de séjour ne lui a été délivré que le 22 février 2016. Par suite, les faits d'emploi d'un travail dépourvu d'un titre l'autorisant à travailler doivent être regardés comme établis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Chance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de la société La Chance une somme de 1 500 euros à verser à l'OFII sur le fondement des dispositions susvisées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La Chance est rejetée.

Article 2 : La société La Chance versera à l'OFII une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Chance et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2018.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERS La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 18PA00970 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00970
Date de la décision : 31/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : SCP DAYAN PLATEAU VILLEVIEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-31;18pa00970 ?
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