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21/12/2018 | FRANCE | N°17PA00306

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 décembre 2018, 17PA00306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes Mme et M. C...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 décembre 2015 par laquelle l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a refusé d'accorder une bourse scolaire à leurs enfants mineursF..., B...et E...pour l'année scolaire 2015/2016, ainsi que la décision du 27 janvier 2016 rejetant leur recours gracieux, et d'enjoindre à l'AEFE de réexaminer leur demande de bourse dans un délai de 15 jours à compter du jugement à int

ervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement nos 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes Mme et M. C...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 décembre 2015 par laquelle l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a refusé d'accorder une bourse scolaire à leurs enfants mineursF..., B...et E...pour l'année scolaire 2015/2016, ainsi que la décision du 27 janvier 2016 rejetant leur recours gracieux, et d'enjoindre à l'AEFE de réexaminer leur demande de bourse dans un délai de 15 jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement nos 1604712, 1604713 et 1604715/1-1 du 23 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 22 janvier 2017, le 30 octobre 2018 et le

16 novembre 2018, Mme et M.C..., représentés par MeH..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1604712, 160471 et 1604715/1-1 du 23 novembre 2016 ;

2°) d'enjoindre à l'AEFE de réexaminer leur demande de bourse, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'AEFE une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas communiqué leur mémoire enregistré le 28 octobre 2016 en méconnaissance de l'article L. 613-3 du code de justice administrative ;

- leurs revenus de 2014 leur donnaient droit, après déduction des frais de transport, à une bourse au barème de 18,32 % ;

- l'AEFE a inexactement évalué le patrimoine immobilier du foyer ;

- l'AEFE ne justifie pas le montant des frais de cantine scolaire pris en compte pour le calcul du quotient familial à prendre en compte.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 juillet 2017, le 27 septembre 2018, le

5 novembre 2018 et le 7 novembre 2018, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reprendre les écritures de première instance ;

- les frais de cantine scolaire pris en compte sont justifiés ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de MeH..., pour Mme et M.C...,

- et les observations de Me G...pour l'AEFE.

Considérant ce qui suit :

1. Par des décisions du 17 décembre 2015, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a rejeté les demandes de bourse scolaire présentées par Mme et M. C...au titre de leurs enfants mineursF..., B...etE..., scolarisés au lycée français de Shanghaï, au cours de l'année scolaire 2015/2016. Par des décisions du 27 janvier 2016, l'AEFE a rejeté les recours gracieux formés contre ces décisions. Mme et M. C...font appel du jugement

du 23 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.

Sur le fond :

2. Aux termes de l'article L. 452-2 du code de l'éducation, l'AEFE " a pour objet : (...) / 5° D'accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d'enseignement français à l'étranger dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé des affaires étrangères et du ministre chargé de la coopération ". Aux termes de l'article D. 452-11 du même code : " Le directeur de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (...) procède à l'attribution des bourses scolaires dans les conditions prévues par le décret n° 91-833 du 30 août 1991 relatif aux bourses scolaires au bénéfice d'enfants français résidant avec leur famille à l'étranger. (...) ". Ce décret, codifié aux articles D. 531-45 et suivants du code de l'éducation, précise en son article D. 531-48 que : " Les commissions locales examinent et présentent à la commission nationale les demandes de bourses scolaires dont peuvent bénéficier les élèves français établis hors de France dans les conditions définies aux articles D. 531-45 et D. 531-46. Elles répartissent entre les bénéficiaires les crédits délégués par l'agence, dans le respect des critères généraux définis par des instructions spécifiques ".

3. La directrice de l'AEFE a, sur le fondement de ces dispositions, adopté une instruction spécifique, applicable pour l'année scolaire 2015-2016, qui énonce les critères d'obtention des bourses scolaires par les familles des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 452-2 du code de l'éducation et remplissant les conditions énoncées à l'article D. 531-46 du même code. Ce faisant, cette autorité, qu'aucun texte de nature législative ou réglementaire n'avait habilitée à adopter un acte réglementaire ayant un tel objet, doit être regardée comme ayant défini, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, des orientations générales en vue de l'exercice de son pouvoir d'accorder des bourses scolaires, qui sont opposables aux familles ayant demandé de telles bourses. Cette instruction prévoit, en son point 2.11, que le quotient maximal au-delà duquel aucune bourse n'est accordée (hors barème revenus) est fixé à 21 000 euros, son point 2.14.2 précisant que " lorsque le barème d'attribution détermine, sur la base des revenus et des charges déclarés par la famille, une quotité théorique supérieure à 0, sa situation patrimoniale doit ensuite être examinée. / Un seuil d'exclusion en matière de patrimoine mobilier d'une part et de patrimoine immobilier d'autre part est arrêté par chaque conseil consulaire des bourses scolaires (...) ". Ce seuil d'exclusion a été fixé, s'agissant d'un patrimoine immobilier, à 200 000 euros en décembre 2014 pour la Chine. Enfin, l'article 2.9 de cette instruction précise que le " taux de chancellerie " du 16 septembre 2014, d'une valeur non contestée de 0,126, doit être utilisé pour convertir en euros les revenus des familles et les frais de scolarité.

En ce qui concerne les revenus du foyer :

4. En premier lieu, en l'absence de justificatifs plus probants en ce qui concerne les revenus et charges du foyer, Mme et M. C...sont fondés à soutenir que le montant de leurs revenus à prendre en compte pour la détermination de leurs droits, doit être celui mentionné sur leur avis d'imposition des revenus de 2014, soit la somme totale de 120 245 euros, de laquelle il y a lieu de retrancher la somme non contestée de 2 937 euros correspondant au montant de l'impôt sur le revenu acquitté au cours de cette même année.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du règlement financier du lycée français de Shanghai produit en dernier lieu par l'AEFE, que les frais de scolarité obligatoires au lycée français de Shanghai s'élèvent, déduction faite du montant des frais de restauration scolaire, des frais relatifs à la section européenne facultative et des frais dits " de construction ", remboursés en fin de scolarité, à la somme totale de 329 600 yuans pour deux élèves de collège et un élève d'école primaire. En conséquence, compte tenu des revenus nets des requérants, équivalents à 931 015 yuans, de leur nombre d'enfants à charge et de l'application du taux de chancellerie de 0,126 prévu par l'instruction, corrigé de l'indice de parité de pouvoir d'achat non contesté, le quotient familial pondéré à retenir doit être fixé à la somme de 18 836 euros, laquelle est inférieure au seuil de 21 000 euros applicable. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'AEFE a rejeté leur demande de bourse sur le fondement d'un quotient familial pondéré supérieur au seuil applicable.

En ce qui concerne le patrimoine immobilier du foyer :

6. Aux termes de l'article 2.14.2 de l'instruction précitée, lorsque le barème d'attribution détermine, sur la base des revenus et des charges déclarés par la famille, une quotité théorique de bourse supérieure à zéro, comme au cas d'espèce, la situation patrimoniale des demandeurs doit ensuite être examinée. Le seuil de patrimoine immobilier a été fixé, pour la Chine, à une valeur de 200 000 euros. Ce même article 2.14.2 précise que la valeur de ce patrimoine immobilier est équivalente à la valeur d'achat diminuée du montant des emprunts restant à rembourser, hors remboursement des intérêts.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des attestations notariales produites par les requérants, qu'à la date des décisions attaquées, ils étaient propriétaires d'un seul bien immobilier, situé à Lomme (Nord), qu'ils ont fait construire et dont la valeur vénale peut être fixée à 300 000 euros. Il ressort également des pièces produites par les requérants que le montant du capital restant à rembourser sur les emprunts contractés pour l'acquisition du terrain et la construction de cet immeuble s'élève à la somme de 461 483, 71 euros à la fin de l'année 2014 et de 240 680,34 euros à la fin de l'année 2015. En conséquence, la valeur du patrimoine immobilier à prendre en compte pour l'instruction de la demande des requérants était, en toute hypothèse, inférieure au seuil de

200 000 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme et M. C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2015 par laquelle l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) a refusé d'accorder une bourse scolaire au titre de leurs enfants mineursF..., B...et E...pour l'année scolaire 2015/2016, qu'ils justifient d'un droit à l'attribution de ces bourses, et à obtenir l'annulation du jugement et des décisions attaquées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique nécessairement que l'administration statue à nouveau sur la demande des requérants. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre à l'AEFE, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer cette demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre des frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme et M.C..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'AEFE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu de mettre à la charge de l'AEFE une somme de 1 500 euros à verser à Mme et M.C... sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1604712, 1604713 et 1604715/1-1 du 23 novembre 2016 et les décisions de l'AEFE des 17 décembre 2015 et 26 janvier 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à l'AEFE de procéder au réexamen de la demande de Mme et M. C...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'AEFE versera à Mme et M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...C..., à M. A...C...et à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA00306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00306
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Enseignement et recherche - Questions générales - Questions générales concernant les élèves - Bourses.

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Établissements d'enseignement français à l'étranger (premier et second degré).


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : POIDEVIN

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-21;17pa00306 ?
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