La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2018 | FRANCE | N°16PA02503

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 21 décembre 2018, 16PA02503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...et M. B...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les élections des représentants du personnel relevant du collège B, siégeant aux conseils centraux de l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI, qui se sont tenues le 16 février 2016, et la décision du 15 mars 2016 par laquelle la commission de contrôle des opérations électorales de l'université a rejeté leur protestation formée contre ces élections.

Par un jugement n 1604577/5-1 du 26 mai 2016, le Tribunal

administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

I° - Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...et M. B...F...ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les élections des représentants du personnel relevant du collège B, siégeant aux conseils centraux de l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI, qui se sont tenues le 16 février 2016, et la décision du 15 mars 2016 par laquelle la commission de contrôle des opérations électorales de l'université a rejeté leur protestation formée contre ces élections.

Par un jugement n 1604577/5-1 du 26 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

I° - Par une requête et des mémoires enregistrés le 28 juillet 2016, 15 février et le

28 octobre 2018, Mme C...et M.F..., représentés par MeE..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1604577/5-1 du

26 mai 2016 ;

2°) d'annuler les élections des représentants du personnel relevant du collège B, siégeant aux conseils centraux de l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI, qui se sont tenues le

16 février 2016, et la décision du 15 mars 2016 par laquelle la commission de contrôle des opérations électorales de l'université a rejeté leur protestation formée contre ces élections ;

3°) de mettre à la charge de l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et les règles du procès équitable garanties par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'ils ont refusé de diligenter une mesure d'instruction ;

- le jugement est irrégulier faute d'avoir visé leur mémoire distinct portant question prioritaire de constitutionnalité, produit le 18 mai 2016 ;

- ce jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au grief tiré de l'incidence sur le scrutin de la consigne de vote émise par le président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ;

- le scrutin a été organisé sur le fondement des articles D. 719-4 et D. 719-5 du code de l'éducation, qui sont contraires au principe à valeur constitutionnelle de représentation propre et authentique des enseignants chercheurs n'ayant pas la qualité de professeur et assimilés ;

- la consigne de vote adressée par le président du CNRS a altéré la sincérité du scrutin ;

- la répartition géographique des bureaux de vote a altéré la participation et, par suite, les résultats du scrutin ;

- les opérations de dépouillement ont été entachées d'irrégularités en l'absence de désignation de scrutateurs et d'établissement de procès-verbaux réguliers ;

II°- Par un mémoire distinct enregistré le 2 mars 2017, complété par un mémoire enregistré le 31 octobre 2017, Mme C...et M.F..., représentés par MeE..., demandent à la Cour, en application des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité à la Constitution des deux premiers alinéas de l'article L. 712-3 du code de l'éducation et des deux premiers alinéas de l'article L. 719-2 de ce même code.

Ils soutiennent que :

- les dispositions en cause sont applicables au litige et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution ;

- elles violent le principe constitutionnel d'indépendance des maîtres de conférence et de leur nécessaire représentation propre et authentique ;

- elles sont entachées d'une incompétence négative du législateur dès lors que ce dernier a renvoyé au pouvoir réglementaire la fixation des conditions d'exercice du droit de suffrage, la composition des collèges électoraux et les modalités d'assimilation des personnels.

Par un mémoire enregistré le 16 mars 2017, l'université Pierre et Marie Curie - Paris VI (UPMC), représentée par MeD..., a conclu à la non-transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas sérieux.

Par des mémoires enregistrés le 23 novembre 2017, le 13 décembre 2017, le 22 mai 2018, le 31 octobre 2018 et le 29 novembre 2018, Sorbonne Université, venant aux droits de l'UPMC, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, de constater un non-lieu à statuer ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la protestation ;

3°) de mettre à la charge de Mme C...et M. F...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la protestation électorale est dépourvue d'objet depuis que les élections des

14 et 15 novembre 2017 ont procédé au remplacement des représentants du personnel relevant du collège B siégeant au sein des conseils centraux de l'université ;

- les autres moyens de la protestation ne sont pas fondés.

Par un arrêt du 12 juin 2018, la Cour a jugé qu'il y avait lieu de statuer sur cette requête et, avant de statuer sur cette protestation électorale, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question, soulevée par les requérants, de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 1° du I de l'article L. 712-2 et des deux premiers alinéas de l'article L. 179-2 du code de l'éducation.

Par une décision n° 421638 du 26 juillet 2018, le Conseil d'Etat a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du grief, en tant qu'il est nouveau en appel, soulevé par

Mme C...et M. F...dans leur mémoire enregistré le 28 octobre 2018 tiré de ce que les articles D. 719-4 et D. 719-5 du code de l'éducation sont contraires au principe constitutionnel de la garantie d'une représentation propre et authentique pour les enseignants-chercheurs autres que les professeurs et assimilés.

Par des mémoires enregistrés le 31 octobre 2018 et le 16 novembre 2018, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation conclut à titre principal au non-lieu à statuer et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle a présentées devant le Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'éducation ;

- l'arrêté du 15 décembre 2015 du président de l'université Pierre et Marie Curie portant organisation des élections des représentants des personnels au conseil d'administration, à la commission de la recherche et à la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me G...pour Sorbonne Université.

1. Mme C...et M.F..., maîtres de conférence à l'université Pierre et

Marie Curie - Paris VI (UPMC), ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les élections des représentants du personnel relevant du collège B siégeant aux conseils centraux de l'université, qui se sont tenues le 16 février 2016, et la décision du 15 mars 2016 par laquelle la commission de contrôle des opérations électorales de l'université a rejeté leur protestation formée contre ces élections. Ils font appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur protestation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le Tribunal administratif de Paris n'a pas méconnu le principe du contradictoire et les règles du procès équitable garanties par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant de diligenter la mesure d'instruction demandée par les requérants, destinée à faire produire les feuilles d'émargement aux fins de comparer les taux de participation des électeurs dépourvus de bureau de vote sur leur lieu de travail et ceux des personnels en bénéficiant, dès lors que la comparaison de ces taux de participation aurait été sans incidence sur la réponse au moyen tiré de l'irrégularité de la répartition géographique des bureaux de vote.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le mémoire portant question prioritaire de constitutionnalité, qu'ils ont produit le 18 mai 2016, soit postérieurement au prononcé des conclusions du rapporteur public intervenu lors de l'audience du 12 mai 2016, a été visé comme une note en délibéré par le jugement attaqué.

4. En troisième lieu, il résulte des termes du point 2 du jugement attaqué, que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de l'incidence sur le scrutin du message diffusé le 12 janvier 2016 par le président du CNRS, en relevant que ce message, compte tenu de ses termes, " ne peut être regardé comme ayant été de nature à exercer une pression sur les électeurs ".

Sur la protestation électorale :

5. Le grief soulevé par les requérants, qui étaient demandeurs en première instance, tiré de ce que les articles D. 719-4 et D. 719-5 du code de l'éducation seraient contraires au principe constitutionnel de la garantie d'une représentation propre et authentique pour les

enseignants-chercheurs autres que les professeurs et assimilés, relève d'une cause juridique distincte des autres griefs soulevés dans leur requête introductive et n'a été soulevé pour la première fois, dans la présente instance, qu'après l'expiration du délai d'appel. Il est, par suite, irrecevable.

En ce qui concerne la campagne électorale :

6. Il est constant que, le 12 février 2016, soit quatre jours avant la tenue du scrutin, un message du président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) apportant son soutien aux listes " Réunis " portées par le président sortant de I'UPMC a été diffusé à l'ensemble des chercheurs du CNRS inscrits sur les listes électorales. A supposer même que ce message, qui se borne à " former des voeux " pour la réélection du président sortant de l'université, puisse être regardé comme ayant été de nature à exercer une pression sur les électeurs concernés, il résulte de l'instruction que les électeurs ont été destinataires, le 15 février 2016, d'un nouveau message du CNRS leur précisant que ce message du 12 février précédent ne constituait pas une consigne de vote, mais visait seulement à les informer de la position du CNRS dans le cadre du partenariat étroit établi entre cet établissement et I'UPMC. Au surplus, il résulte également de l'instruction que ce même jour, 15 février 2016, six messages ont été diffusés aux personnels du CNRS électeurs par divers syndicats et listes candidates pour répondre au message diffusé par le CNRS. Dans ces conditions, Mme C...et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que ce message aurait porté atteinte à la sincérité du scrutin.

En ce qui concerne les opérations de vote :

7. En premier lieu, si, à la différence des personnels hospitalo-universitaires, les électeurs affectés à l'Observatoire, à l'Ecole normale supérieure, à l'institut Curie, à l'institut Poincaré, à l'institut de recherche et coordination acoustique/musique (IRCAM), à l'école Polytechnique et à l'institut Jean le Rond d'Alembert, n'ont pas bénéficié de bureaux de vote au sein même de leur établissement d'affectation, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de la comparaison des résultats du vote entre les différents bureaux, que la localisation des bureaux de vote aurait empêché ou dissuadé les personnels affectés dans ces établissements de participer au scrutin, alors qu'une autorisation spéciale d'absence d'une demi-journée a été accordée aux électeurs n'exerçant pas leurs fonctions sur les campus où sont situés les bureaux de vote par l'article 2 de l'arrêté susvisé du 15 décembre 2015.

8. En second lieu, aux termes de l'article D. 719-36 du code de l'éducation : " Le bureau désigne parmi les électeurs un certain nombre de scrutateurs qui doit être au moins égal à trois. Si plusieurs listes sont en présence, il leur est permis de désigner respectivement les scrutateurs. / Le dépouillement est public. / Le nombre des enveloppes est vérifié dès l'ouverture de l'urne. Si leur nombre est différent de celui des émargements, il en est fait mention au procès-verbal. / Les bulletins blancs et nuls sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau. Chacun des bulletins annexés doit porter mention des causes de l'annexion. / A l'issue des opérations électorales, chaque bureau de vote dresse un procès-verbal qui est remis au président de l'université ou au directeur de l'établissement. ". L'article D. 719-39 de ce même code, relatif à la commission de contrôle des opérations électorales, précise que : " L'inobservation des dispositions contenues dans les articles D. 719-22 à D. 719-36 n'entraîne la nullité des opérations électorales qu'autant qu'il est établi qu'elle a eu pour but ou conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin. ".

9. D'une part, ni ces dispositions, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire applicable au scrutin en cause n'impose que le procès-verbal de dépouillement soit signé par les scrutateurs.

10. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des attestations produites par Mme C...et M.F..., que plus de trois scrutateurs étaient présents lors des opérations de dépouillement des votes du bureau de Jussieu. La circonstance que la liste des scrutateurs produite en cours d'instance par Sorbonne Université, qui n'était tenue par aucun texte de l'établir le jour du vote, ait comporté par erreur, en plus de ces trois scrutateurs, le nom de

MmeC..., est par elle-même sans incidence sur la régularité et la sincérité du scrutin.

11. Enfin, si Mme C...et M. F...soutiennent que les procès-verbaux établis à l'issue du scrutin et qui leur ont été communiqués les 19 et 22 février 2017 sont irréguliers, il résulte de l'instruction que ces documents constituaient les fiches de dépouillement intermédiaire et non les procès-verbaux définitifs dressés à 1'issue des opérations. Il ne ressort pas de l'instruction que lesdits procès-verbaux, qui ont été produits par Sorbonne Université, auraient été établis comme le soutiennent les requérants postérieurement aux opérations de vote. Dans ces conditions, le grief tiré de l'irrégularité des opérations de dépouillement doit être écarté dans ses diverses branches.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...et M. F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur protestation.

Sur les frais de justice :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Sorbonne Université, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C...et M. F...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Et il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C...et M. F...le versement de la somme que Sorbonne Université demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La protestation de Mme C...et M. F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Sorbonne Université afférentes aux frais de justice présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à M. B...F...et à Sorbonne Université.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

I. BEDRLa République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 16PA02503


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02503
Date de la décision : 21/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Élections et référendum - Élections universitaires.

Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : LAEDERICH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-21;16pa02503 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award