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20/12/2018 | FRANCE | N°18PA02039

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 décembre 2018, 18PA02039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 août 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1802164/5-3 du 16 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, M.E..., représen

té par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 août 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1802164/5-3 du 16 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2018, M.E..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mai 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 30 août 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas pris en compte les difficultés liées à sa transsexualité ni démontré qu'il pourrait bénéficier d'un accès effectif au traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine ;

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il encourrait de graves risques en cas de retour au Pérou en raison de sa transsexualité ;

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet de police s'est cru en situation de compétence liée par rapport à l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et s'est abstenu d'user de son pouvoir d'appréciation ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier de façon effective d'un traitement adapté à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet de police a méconnu la circulaire du 30 septembre 2005 reprise en annexe III de l'instruction du 10 novembre 2011 ;

- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a transféré en France l'ensemble de ses intérêts familiaux, privés et professionnels et qu'il n'a plus aucun contact avec sa famille demeurant au ...;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle dès lors notamment qu'il ne pourra pas continuer à bénéficier du traitement adapté à sa pathologie au Pérou, qu'en tant que transsexuel, il encourt de graves risques en cas de retour au Pérou et qu'il est parfaitement intégré à la société française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Larsonnier a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.E..., de nationalité péruvienne, entré en France le 8 juillet 2015 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 août 2017, le préfet de police a rejeté sa demande et a assorti ce rejet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. M. E...relève appel du jugement du 16 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé devant eux par M.E..., et qui n'était pas inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, tiré de ce qu'il encourrait des risques personnels en cas de retour au Pérou en raison de sa transsexualité. Le requérant est, dès lors, fondé à soutenir que le jugement est, pour ce motif, irrégulier et qu'il doit être dans cette mesure annulé.

4. En revanche, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise au moyen tiré de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier de façon effective d'un traitement médical approprié à sa pathologie dans son pays d'origine.

5. Enfin, si M. E...soutient que le jugement attaqué méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, ce moyen n'est toutefois pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

6. Ainsi, il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. E...tendant à l'annulation de la décision du préfet de police fixant le Pérou comme pays de destination et, par la voie de l'effet dévolutif, sur les autres conclusions de la requête de M.E....

Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, les décisions contestées visent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En particulier, le préfet de police a mentionné les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur le fondement desquelles M. E...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. La décision de refus de séjour contestée se réfère à l'avis émis le 18 juin 2017 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont le préfet de police s'est approprié les motifs, et indique les raisons pour lesquelles il considère que M. E...ne remplit pas les conditions pour obtenir la carte de séjour qu'il sollicite, et notamment que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Pérou. Elle expose également des éléments suffisants sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé en relevant qu'il est célibataire et sans charge de famille en France et qu'il n'est pas démuni d'attaches familiales à l'étranger. Ainsi, le préfet de police a suffisamment énoncé les considérations de droit et de fait fondant sa décision de refus de séjour, et a respecté les exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision par laquelle le préfet de police a obligé M. E...à quitter le territoire français, qui vise ces dispositions, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation particulière, dès lors que la décision de refus de titre de séjour était elle-même suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions contestées doit être écarté.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.E....

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".

10. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande de titre de séjour de M. E..., atteint du virus de l'immunodéficience humaine, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 18 juin 2017 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui précisait que si l'état de santé de M. E...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, en particulier du compte-rendu de consultation du 21 octobre 2015 du Docteur Casalino du groupe hospitalier Bichat-Claude Bernard et des prescriptions médicales postérieures, que M. E...est régulièrement suivi depuis octobre 2015 dans le service des maladies infectieuses et tropicales du groupe hospitalier susmentionné et qu'il a été traité par Atripla du 1er juin 2012 au 24 février 2016 avant de bénéficier d'un traitement par Stribild. Le requérant soutient qu'il ne pourra pas bénéficier d'un suivi médical adapté à l'infection en cause et poursuivre le traitement par Stribild dans son pays d'origine étant notamment originaire de la région amazonienne isolée du Pérou et qu'en outre, il a souffert des effets secondaires du médicament Atripla. Toutefois, il ressort des pièces produites par le préfet de police en première instance que le Pérou dispose de structures médicales spécialisées dans le traitement de la pathologie du requérant et que le médicament Atripla y est commercialisé. M. E... ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il ne pourrait plus être traité par Atripla du fait de ses effets secondaires dont il ne précise pas au demeurant la nature et que ce traitement ne pourrait pas être substitué au Stribild. Il n'établit pas non plus qu'en raison de sa transsexualité, il ne pourrait pas effectivement bénéficier du suivi médical et du traitement adaptés à son état de santé dans son pays d'origine. M. E...ne peut davantage se fonder sur la circulaire du 30 septembre 2005 relative aux avis médicaux concernant les étrangers atteints par le VIH qui figure en annexe de celle du 10 novembre 2011, cette circulaire étant dépourvue de valeur réglementaire. Dans ces conditions, M. E...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se serait estimé lié par l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation, a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. E...est entré en France à l'âge de 31 ans le 8 juillet 2015 selon ses déclarations. L'intéressé est célibataire et sans charges de famille en France. S'il soutient ne plus avoir de contact avec sa famille vivant au Pérou, notamment en raison de sa transsexualité, il n'établit pas ne plus avoir aucune attache dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait parfaitement intégré à la société française et qu'il aurait développé des liens personnels sur le territoire français. Dans ces conditions, eu égard notamment à la durée de sa présence en France et même si M. E...bénéficie en France d'un soutien associatif sensibilisé aux problèmes rencontrés par les transsexuels, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

13. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle du requérant.

14. Il résulte des points 7 à 13, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 à 13, les moyens de première instance développés à l'encontre des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, qui fondent la décision fixant le pays de destination, tirés du défaut de motivation de ces décisions, de l'absence d'examen particulier de la situation de l'intéressé, de la violation des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du même code et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

16. En deuxième lieu, par un arrêté n° 2017-00804 du 24 juillet 2017, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 1er août 2017, le préfet de police a donné à Mme A...C..., attachée d'administration de l'État, adjointe au chef du 6ème bureau, signataire de la décision attaquée, une délégation à l'effet de signer un tel acte. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'ensemble des décisions attaquées doit être écarté.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

18. La décision attaquée, qui vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8, et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne la nationalité de M.E..., sa date d'entrée en France et le fondement sur lequel il a sollicité un titre de séjour, soit le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique également que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement admissible. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de la fiche de salle remplie par M. E...le 4 janvier 2017, qu'il ait informé le préfet de police de sa transsexualité et des risques que cette situation pourrait lui faire courir en cas de retour au Pérou. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

19. En quatrième lieu, si le requérant entend soutenir que le préfet de police n'aurait pas examiné sa situation personnelle, il ressort des pièces du dossier que celui-ci a bien procédé à un tel examen avant de prendre la décision attaquée.

20. En cinquième et dernier lieu, M. E...soutient que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision fixant le Pérou comme pays de destination sur sa situation personnelle dès lors qu'il est parfaitement intégré au sein de la société française où il peut vivre avec l'identité sexuelle qu'il a choisie sans être discriminé ou violenté alors qu'en tant que transsexuel, il encourt des risques graves en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, les pièces versées au dossier, et en particulier l'article intitulé Retour sur les luttes territoriales awajun paru dans la revue Nouveaux mondes mondes nouveaux en 2016 qui énoncent des considérations générales, sont insuffisantes pour établir la réalité des risques qu'encourrait le requérant en raison de sa transsexualité en cas de retour au Pérou. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le Pérou comme pays de destination doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions de M. E...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 30 août 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'avocat de M. E...demande au titre des frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mai 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. E...tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 30 août 2017 fixant le pays de destination.

Article 2 : La demande de M. E...tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination présentée devant le Tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

8

N° 18PA02039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02039
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;18pa02039 ?
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