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20/12/2018 | FRANCE | N°18PA01254

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 20 décembre 2018, 18PA01254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur l'immeuble cadastré section AB n° 49.

Par un jugement n° 1704255 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annule

r le jugement n° 1704255 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur l'immeuble cadastré section AB n° 49.

Par un jugement n° 1704255 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018, M. et Mme A..., représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704255 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur l'immeuble cadastré section AB n° 49 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Melun, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part une somme de 2 500 euros au titre de la première instance, et, d'autre part, la même somme au titre de l'appel.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier à défaut d'avoir statué sur le moyen contenu dans leur mémoire en réplique enregistré le 30 novembre 2017 ;

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 213-14 et R. 213-12 du code de l'urbanisme, la ville de Melun n'a pas procédé au paiement dans les quatre mois de la décision de préemption, ni signé l'acte authentique dans un délai de trois mois, si bien que la commune n'a plus la possibilité de se prévaloir de la préemption et que la vente a d'ailleurs été conclue avec un tiers le 4 janvier 2018 ;

- la motivation de la décision de préemption est insuffisante et inexacte ;

- la commune ne justifie pas de la réalité d'un projet impliquant la parcelle préemptée et entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, dès lors que l'opération d'aménagement en cours ne concerne que la frange sud de la butte de Beauregard, zone UBc du plan local d'urbanisme, alors que le projet est situé en zone UBd du plan et ne peut donc être inclus dans le " Pôle Santé " ; que le maître d'ouvrage du Pôle santé étant la communauté d'agglomération, il lui appartenait, et non à la commune, de prévoir l'extension de ce pôle ; que l'étude commandée par la commune le 24 mars 2016 n'est qu'une étude de faisabilité, ce qui prouve l'absence de projet précis à la date de la décision ; que l'existence d'un emplacement réservé sur moins de 10 % de la surface de la parcelle ne pouvait suffire à justifier la préemption ;

- le prix a été fixé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ;

- l'étude de faisabilité prévue à l'alinéa 3 de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme n'a pas été réalisée et la commune ne justifie pas d'une étude d'impact en méconnaissance des dispositions de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet en vue duquel la préemption a été décidée ne présente pas, notamment eu égard au prix d'acquisition du terrain, de caractère d'intérêt général, alors que la vente prévue par la SCI du domaine de Beauregard aux acquéreurs évincés ne portait aucune atteinte à l'intérêt général, l'affectation qu'ils souhaitaient donner au terrain étant conforme aux objectifs de la délibération du 15 décembre 2011 ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir, étant motivée par la volonté de peser sur les prix de l'immobilier dans un but spéculatif de revente.

La requête a été communiquée à la ville de Melun qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont signé le 5 janvier 2017 avec la société civile immobilière (SCI) Domaine de Beauregard une promesse de vente pour l'achat d'un terrain de 4 558 m² cadastré n° 49 section AB, situé 6 rond-point de l'Europe à Melun (Seine-et-Marne). Une déclaration d'intention d'aliéner a été adressée par le notaire à la commune de Melun qui l'a reçue le 30 janvier 2017. M. et Mme A... font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur ce terrain.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Dans leur mémoire en réplique enregistré le 30 novembre 2017 devant le tribunal administratif de Melun, M. et MmeA..., visant les articles L. 213-14 et R. 213-12 du code de l'urbanisme, ont soutenu que, le paiement du prix n'étant pas intervenu dans le délai de quatre mois et l'acte de vente n'ayant pas été signé dans le délai de trois mois, la commune de Melun " n'avait plus la possibilité de se prévaloir de la préemption " et ont demandé que le tribunal " constate " que le vendeur pouvait aliéner librement son bien. Le jugement litigieux, s'il vise le mémoire du 30 novembre 2017, n'analyse pas ce moyen ni n'y répond. Dès lors, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et doit être annulé pour irrégularité.

3. Il y a lieu d'évoquer et statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Melun.

Sur l'existence d'un non-lieu à statuer :

4. L'article L. 213-14 du code de l'urbanisme dispose : " En cas d'acquisition d'un bien par voie de préemption (...), le transfert de propriété intervient à la plus tardive des dates auxquelles seront intervenus le paiement et l'acte authentique. / Le prix d'acquisition est payé ou, en cas d'obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur (...) / En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa du présent article, le vendeur peut aliéner librement son

bien. (...) ". L'article R. 213-12 du même code dispose : " En cas d'accord sur le prix indiqué par le propriétaire ou sur le prix offert par le titulaire du droit de préemption, un acte authentique est dressé dans un délai de trois mois à compter de cet accord pour constater le transfert de propriété (...) ".

5. M. et Mme A...soutiennent, sans être contredits, que la commune ne s'est pas acquitté du paiement du prix dans le délai de quatre mois et que l'acte de vente n'a pas été signé dans le délai de trois mois, si bien que le propriétaire a gardé l'usage de son bien et l'a aliéné à un tiers le 4 janvier 2018. Toutefois, l'éventuelle rétrocession au propriétaire du bien préempté, à laquelle le titulaire du droit de préemption est tenu de procéder en application de l'article L. 213-4 du code de l'urbanisme en l'absence de paiement du prix, n'a pas effacé les effets de la décision de préemption, qui a fait en l'espèce obstacle à l'exécution de la promesse de vente dont bénéficiaient les épouxA.... Dans ces circonstances, les conclusions à fin d'annulation de cette décision de préemption ne sont pas devenues sans objet.

Sur la légalité de la décision de préemption du 24 mars 2017 :

7. L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige, dispose : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". L'article L. 300-1 du même code dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

8. En premier lieu, la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle AB 49, est motivée par la nécessité de maitriser le foncier afin de permettre la réalisation de l'opération d'ensemble menée par la commune sur la butte de Beauregard, qui vise à accompagner le développement du " santé Pôle " en proposant l'implantation d'activités complémentaires. La décision était accompagnée, selon les écritures des requérants, de trois délibérations qu'elle vise : celle du 10 février 2011 instituant le droit de préemption urbain renforcé notamment sur le " secteur sud de la butte de Beauregard " " dédié au développement d'un pôle d'activités ainsi qu'à la desserte du futur pôle de santé ", celle du 15 décembre 2015 par laquelle le Conseil municipal a approuvé le recours éventuel à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique pour acquérir les terrains du plateau nord de Melun et celle du 24 mars 2016 donnant mandat à la société Melun Val de Seine aménagement pour réaliser, dans un délai de dix-huit mois, une étude des partis d'aménagement et de détermination du programme d'aménagement de la butte de Beauregard. Dès lors, la décision litigieuse a mis à même le vendeur et l'acquéreur de connaître l'opération d'aménagement en vue de laquelle la préemption a été exercée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est insuffisamment motivée doit être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision de préemption litigieuse s'inscrit dans l'opération d'ensemble qu'entend mener la commune de Melun sur la butte de Beauregard à proximité immédiate du " Santé Pôle " afin d'y encourager l'implantation d'activités complémentaires de type médico-social, activités de recherche, formation, développement économique en lien avec la santé mais aussi des activités de tourisme. La parcelle en cause est classée dans la zone UB du plan local d'urbanisme, dévolue aux " grandes emprises sur lesquelles sont implantées des constructions nécessaires aux services publics " et plus particulièrement à la zone UBd " qui correspondant aux équipements prévus sur la plaine de Montaigu et la Butte de Beauregard " et doit notamment accueillir un " parking relais ". La circonstance que le maître d'ouvrage du " Santé Pôle ", classé en zone UBc du plan local d'urbanisme, soit la communauté d'agglomération n'interdisait pas à la commune de Melun de prévoir, notamment en zone UBd limitrophe, des équipements publics destinés à accompagner le développement de ce pôle. En l'espèce la parcelle appartient à la zone dite " secteur sud de la butte de Beauregard " définie dans la délibération du 10 février 2011 instituant un droit de préemption renforcé pour le " développement d'un pôle d'activités " et la " desserte du futur pôle de santé " et une réserve a été faite sur une partie du terrain en vue d'ouvrir une route. Enfin, cette parcelle est incluse dans le périmètre de l'étude préalable à l'aménagement du secteur, pour laquelle une convention a été signée le 3 octobre 2016. Dans ces circonstances, la commune de Melun doit être regardée comme justifiant, à la date à laquelle le droit de préemption a été exercé, de la réalité du projet d'opération d'aménagement global de la butte de Beauregard en vue duquel la parcelle était acquise, même si l'affectation précise de la parcelle n'était pas connue à cette date.

10. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 210-1 n'imposent pas que les actions ou opérations en vue desquelles est exercé le droit de préemption aient fait l'objet, préalablement à la décision de préemption, si elles y sont soumises, de l'évaluation environnementale ou de l'étude de faisabilité prévue par le dernier alinéa de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

11. En quatrième lieu, l'article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales ne faisait pas obligation au conseil municipal de délibérer sur le prix auquel le maire a exercé le droit de préemption.

12. En cinquième lieu, la ville de Melun a déclaré préempter la parcelle au prix de 300 000 euros figurant dans la déclaration d'aliéner, soit à un prix nettement supérieur à l'estimation du service des domaines. Cette circonstance ne suffit cependant pas à faire regarder l'acquisition de cette grande parcelle, en partie boisée, en vue de l'opération d'aménagement global de la Butte de Beauregard comme ne répondant pas à un intérêt général suffisant. L'allégation, non étayée, selon laquelle le projet des acquéreurs potentiels était compatible avec le projet d'aménagement communal, n'est pas de nature à démontrer que l'opération était dépourvue d'intérêt général.

13. Enfin, si les requérants font valoir que la réelle intention de la commune, qui n'aurait pas payé le prix convenu, n'était pas d'acquérir la parcelle, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 24 mars 2017 par laquelle le maire de Melun a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur l'immeuble cadastré section AB n° 49.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Melun, qui n'est pas la partie principalement perdante, supporte les frais de procédure exposés par M. et Mme A...tant en première instance qu'en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704255 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et à la commune de Melun.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M.B...

La République mande et ordonne à le préfet de Seine-et-Marne en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

18PA01254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01254
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : BABOUT et OBADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-20;18pa01254 ?
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