Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge en application du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts, à hauteur de la somme globale de 1 634 005 euros.
Par un jugement n° 1511937/2-3 du 22 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 août 2017, M. B..., représenté par
MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1511937/2-3 du 22 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge de l'amende contestée devant ce tribunal.
Il soutient que :
- les amendes mises en recouvrement méconnaissent l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la société n'ayant pas eu la faculté de se faire assister par un conseil, la charte du contribuable vérifié n'ayant pas été remise, et le principe du contradictoire ayant été méconnu ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté les documents comptables établis par la société Folie's Clubbing en considérant que ceux-ci n'étaient pas probants ;
- les amendes en litige sont fondées sur une reconstitution du chiffres d'affaires théorique de la société Folie's Clubbing aboutissant à un montant exagéré de distributions ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère intentionnel des manquements reprochés ;
- l'avis de recouvrement lui a été adressé alors qu'il n'était plus dirigeant de la société Folie's Clubbing depuis plusieurs années alors qu'il aurait du être adressé au liquidateur ; l'administration n'établit pas qu'il était le dirigeant de la société aux deux dates de redressement.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'avoir été signée ;
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2006 et 2007 de la société Folie's Clubbing, qui exploitait une discothèque et dont M. B...était le dirigeant jusqu'au cours de l'année 2008, l'administration a écarté la comptabilité de la société comme dépourvue de valeur probante et a procédé à une reconstitution de ses recettes ; que par jugement du 16 février 2012, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de la société demandant la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés établis au titre des exercices 2006 et 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités et de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts ; que, par un arrêt du 13 juin 2013, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel interjeté contre le jugement de première instance ; que les sommes en question n'ont pas été acquittées par la société Folie's Clubbing à la date limite de paiement ; que par suite, en vertu de la solidarité de paiement prévue à l'article 1754-V-3 du code général des impôts, le service des impôts des entreprises de Paris 15e a adressé un avis de mise en recouvrement en date du 1er août 2013 à M. B...pour un montant total de 1 634 005 euros, correspondant aux amendes infligées à la société sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, pour les années 2006 et 2007 ; que M. B... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des amendes ainsi mises à sa charge ; qu'il relève appel du jugement n° 1511937/2-3 du 22 juin 2017 par lequel ce Tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité de la procédure :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1759 du code général des impôts :
" Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % " ; qu'aux termes du 3 du paragraphe V de l'article 1754 du code général des impôts : " Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 " ; que ces dispositions instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus ; que cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité correspondant à cet impôt ; que la personne sanctionnée par cette pénalité peut contester son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité ; qu'en revanche elle ne peut utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; qu'il en va de même des dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité ;
3. Considérant que l'irrégularité de la procédure d'imposition au terme de laquelle l'administration fiscale a établi des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts ; que, dès lors, le moyen soulevé par M. B...tiré de ce que la procédure de vérification de comptabilité dont la société Folie's Clubbing avait fait l'objet aurait méconnu l'article L. 47 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme inopérant ;
Sur le bien fondé de l'amende :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales applicable à l'époque du litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration " ;
5. Considérant que, d'une part, M. B...soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que les documents comptables établis par la société Folie's Clubbing n'étaient pas probants ; que, toutefois, ainsi que l'a déjà jugé la Cour de céans dans un arrêt du 13 juin 2013 devenu définitif, l'administration était fondée à considérer que le seul enregistrement global des recettes journalières sur un tableau excel établi par le comptable de la société ne permettait pas de déterminer son chiffre d'affaires et à écarter en conséquence la comptabilité de cette société comme dépourvue de valeur probante ; que, d'autre part, en se bornant à faire valoir, sans plus de précisions, que les amendes en litige sont fondées sur une reconstitution de chiffre d'affaires trop théorique et aboutissant à un montant exagéré, M. B...ne conteste pas utilement le montant des amendes litigieuses ; qu'au demeurant, par l'arrêt précité du 13 juin 2013, la Cour a considéré que le montant de recettes découlant de la reconstitution opérée par l'administration n'était pas excessif ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que l'administration n'établit pas le caractère intentionnel des manquements reprochés à la société est inopérant dans le présent litige ; qu'enfin, M. B...n'apporte pas d'éléments probants pour démontrer l'exagération des sommes retenues dans le cadre du contrôle, pas plus qu'il n'établit que cette méthode serait radicalement viciée dans son principe ; qu'ainsi les moyens dirigés à l'encontre de la reconstitution du chiffre d'affaires ne peuvent qu'être écartés ;
Sur l'obligation solidaire de M. B...au paiement de l'amende fiscale :
6. Considérant qu'aux termes du 3 du V de l'article 1754 du code général des impôts :
" Les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de l'article 223 du même code : " 1. Les personnes morales et associations passibles de l'impôt sur les sociétés sont tenues de souscrire les déclarations prévues pour l'assiette de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux (régime de l'imposition d'après le bénéfice réel ou d'après le régime simplifié. / Toutefois, la déclaration du bénéfice ou du déficit est faite dans les trois mois de la clôture de l'exercice. Si l'exercice est clos le 31 décembre ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, la déclaration est à déposer au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai. " ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les dirigeants sociaux de la société à la date du versement des revenus distribués ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel ces versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l'amende prévue à l'article 1759 précité, sans que ces derniers puissent utilement invoquer la circonstance qu'ils n'auraient plus dirigé la société à la date d'expiration du délai imparti à la société pour désigner les bénéficiaires des distributions ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu que les dirigeants responsables au moment où les infractions ont été réellement commises puissent être solidairement tenus avec la société au paiement de la pénalité ;
8. Considérant que M. B...soutient qu'à la date du 12 septembre 2009, correspondant à l'expiration du délai des trente jours après notification de la proposition de rectification adressée à la société, il n'exerçait plus les fonctions de dirigeant de la société Folie's Clubbing ; que, toutefois, ainsi que l'a jugé le tribunal, il résulte des dispositions précitées qu'à défaut de connaissance de la date du versement, comme c'est le cas en l'espèce, la date à prendre en compte pour apprécier la qualité de dirigeant est celle de la déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, à savoir, en application des dispositions précitées, le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai 2007 au titre de l'année 2006, et, pour l'année 2007, le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai 2008 ; qu'en outre, concernant l'exercice clos en 2006, le requérant reconnait expressément qu'il était encore dirigeant à la date du 2 mai 2007, indiquant avoir démissionné "au début de l'année 2008" ; qu'enfin, s'agissant de l'exercice clos en 2007, le requérant se borne à alléguer qu'il a cessé d'être dirigeant de la société en cause " courant 2008 " ; qu'ainsi, M. B...n'établissant pas qu'il n'était pas dirigeant aux deux dates en question, le moyen ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal
d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 décembre 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02884