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19/12/2018 | FRANCE | N°17PA02822

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 19 décembre 2018, 17PA02822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Rivoli Park Tavern a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ou à titre subsidiaire la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1614348/2-1 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un

mémoire enregistrés les 11 août 2017 et 11 janvier 2018, la SARL Rivoli Park Tavern, représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Rivoli Park Tavern a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, ou à titre subsidiaire la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1614348/2-1 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 août 2017 et 11 janvier 2018, la SARL Rivoli Park Tavern, représentée par le cabinet Avodia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1614348/2-1 du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, ou à titre subsidiaire la réduction, des impositions contestées devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 30 juin 2011 est insuffisamment motivée en ce qui concerne le rejet de sa comptabilité et la méthode de reconstitution ;

- la procédure d'imposition est par suite entachée d'une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que sa comptabilité a été rejetée comme non probante ; comme le précise l'administration dans ses instructions BOI-CF-IOR-10-20 et TVA-DECLA-30-10-10, le défaut de valeur probante ne peut résulter que " d'irrégularités ayant un caractère de gravité

indiscutable " ;

- la méthode utilisée pour reconstituer ses recettes est radicalement viciée ; à titre subsidiaire, elle est excessivement sommaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête ne répond pas aux exigences de l'article L. 411-1 du code de justice administrative et est, par suite, irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la SARL Rivoli Park Tavern ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

24 janvier 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jimenez,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de sa comptabilité, la SARL Rivoli Park Tavern, qui exploite une brasserie rue de Rivoli à Paris, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2008 et 2009 ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge en droits et pénalités, ou à titre subsidiaire la réduction, de ces impositions ; qu'elle relève appel du jugement n° 1614348/2-1 du 13 juin 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son

acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

3. Considérant que la proposition de rectification du 30 juin 2011 indique qu'elle porte, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, sur les années 2008 et 2009 ; qu'elle mentionne pour chacune des années vérifiées que la comptabilité de la société est dépourvue de valeur probante ; qu'elle précise sur ce point qu'aucune pièce justificative détaillée concernant les recettes n'avait été conservée par la société au titre de l'année 2008 et que, s'agissant de l'année 2009, les bandes de caisse enregistreuse ne comportaient pas d'indication détaillée permettant de déterminer précisément la nature des produits vendus ; que cette proposition de rectification mentionne ensuite pour chacune des années vérifiées les modalités selon lesquelles le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir de la méthode des cafés en détaillant les différentes phases de la reconstitution ainsi que les calculs effectués ; qu'elle comporte en annexe dix-sept tableaux qui présentent dans le détail les données utilisées par le vérificateur ; qu'elle précise enfin les conséquences résultant de la reconstitution du chiffre d'affaires tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification du 30 juin 2011 permettait à la société Rivoli Park Tavern de connaître les motifs de rectifications et comportait les indications suffisantes pour lui permettre d'engager valablement une discussion avec l'administration, ce qu'elle a d'ailleurs fait en présentant des observations dans son courrier du 2 septembre 2011 ; que l'administration n'était pas tenue, contrairement à ce que soutient la requérante, de mentionner les textes dont elle faisait application pour estimer que les éléments relevés dans la comptabilité conduisaient à remettre en cause son caractère probant ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

4. Considérant que dès lors que la procédure n'est entachée d'aucune erreur, la société Rivoli Park Tavern n'invoque pas utilement la méconnaissance de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité de la société :

5. Considérant que, si la société requérante fait valoir, au titre de l'année 2009, que les bandes de caisse enregistreuse présentées lors du contrôle consignaient quotidiennement le détail des ventes effectuées et ne comportaient aucune anomalie comptable, il résulte de l'instruction que ces dernières ne faisaient pas apparaître de façon détaillée la nature des produits vendus ; qu'en effet, les recettes étaient soit enregistrées sans désignation du produit vendu, soit enregistrées sous une rubrique trop générale ; qu'ainsi, la comptabilité présentée ne permettait pas de vérifier la concordance entre les ventes et les achats comptabilisés ni de justifier des recettes de la société ; que, par suite, la société Rivoli Park Tavern n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que c'est à tort que sa comptabilité a été rejetée comme dénuée de valeur probante au titre de l'année 2009 ; que les instructions BOI-CF-IOR-10-20 et

TVA-DECLA-30-10-10 dont se prévaut la société requérante ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application en l'espèce ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) " ; qu'en application de ces dispositions, la charge de la preuve incombe à la société requérante dès lors que sa comptabilité au titre des années vérifiées était entachée de graves irrégularités et que les impositions ont été établies conformément à l'avis émis le 18 juin 2012 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

7. Considérant que, pour procéder à la reconstitution des recettes au titre des années vérifiées, l'administration a pris en compte les quantités de café achetées par la SARL Rivoli Park Tavern et a procédé, pour déterminer les quantités de café vendues, à un abattement de 15 % pour tenir compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel ; que le chiffre d'affaires des ventes de cafés a été déterminé au titre des années vérifiées en tenant compte des données observées au cours de la période du 27 janvier 2011 au 28 février 2011, période pour laquelle la société était en mesure de justifier du détail des recettes enregistrées ; qu'enfin, au regard des données observées au cours de cette même période, l'administration a déterminé le chiffre d'affaires total de la société au titre des années 2008 et 2009 en considérant que les recettes des ventes de cafés représentaient 13,87 % du chiffre d'affaires total de la société ;

8. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que la méthode retenue par l'administration serait radicalement viciée au motif qu'elle ne tient pas compte des quantités de cafés vendues dans les formules " petit déjeuner " ; que, toutefois, le service, tenant compte de la remarque formulée à cet égard par la SARL Rivoli Park Tavern, a indiqué, dans sa réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2011, avoir exclu la part de cafés correspondant aux petits déjeuners, ainsi que le demandait la société, et selon les quantités qu'elle lui a indiquées ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que la méthode retenue par l'administration serait excessivement sommaire du fait de l'application d'un pourcentage sous-évalué d'offerts, pertes et consommation du personnel ; qu'elle fait ainsi valoir que la consommation de café du personnel doit être évaluée à 70 080 grammes par an et que le nombre de cafés offerts s'élève en moyenne à 12,84 par jour ; que toutefois, le calcul sur lequel elle se fonde ne prend pas en compte les journées de repos, de vacances ou de formation des salariés et des gérants ; qu'en outre, les données transmises par la société concernant la consommation du personnel, d'une part pour la période du 19 avril au 8 mai 2011, et d'autre part pour celle du 1er juin au 8 juillet 2011, font apparaître des disparités ne permettant pas de justifier les montants qu'elle propose de retenir; que, dans ces conditions, la SARL Rivoli Park Tavern ne conteste pas utilement le taux de 15 % retenu en dernier lieu par l'administration ;

10. Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante fait valoir que l'un des tableaux figurant dans la proposition de rectification du 30 juin 2011 comporte une erreur dans la détermination du chiffre d'affaires " bar ", à raison des ventes de " cafés serrés " au titre de l'année 2008, il résulte de l'instruction que cette erreur, au demeurant sans incidence sur la détermination du chiffre d'affaires total, a été corrigée dans la réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2011 ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la carte des tarifs produite par la société requérante, sur laquelle la mention manuscrite " 8/08 " a été ajoutée, ne permet pas d'établir que, contrairement à ce qu'a retenu le vérificateur au regard des données communiquées lors du contrôle, le tarif des cafés viennois servis en salle était, au cours de l'année 2008, de 5,5 euros et non de 6 euros ; que, notamment, la SARL Rivoli Park Tavern ne produit pas d'autres éléments, tels que des tickets mentionnant le prix des cafés viennois, de nature à justifier le tarif allégué ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir pour ce motif que la reconstitution de son chiffre d'affaires est erronée ;

12. Considérant, en dernier lieu, que la SARL Rivoli Park Tavern propose d'évaluer la part du chiffre d'affaires relatif aux ventes de cafés à 16,78 % du chiffre d'affaires total au cours de la période vérifiée au lieu du taux de 13,87 % retenu par l'administration ; qu'elle fait valoir que ce taux correspond au taux moyen observé au cours de la période du 22 mai au

3 juillet 2011 ; qu'elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir que cette période serait plus représentative de son activité que la période du 27 janvier au 28 février 2011 retenue par l'administration ; qu'elle ne justifie pas davantage des motifs pour lesquels les recettes issues de la vente de cafés auraient été en proportion moins importantes au cours de cette période ; qu'au demeurant, la moyenne entre le ratio de café de 10,64 % relevé pour la période du

27 janvier au 28 février 2011 et celui de 16,78 observé par la société au cours de la période du

22 mai au 3 juillet 2011 équivaut au taux de 13,87 % retenu par le vérificateur ; que, par suite, la SARL Rivoli Park Tavern ne conteste pas utilement le taux de 13,87 % retenu par l'administration pour évaluer la part du chiffre d'affaires des ventes de cafés dans le chiffre d'affaires total ;

13. Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, la société requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration au titre des années 2008 et 2009 ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à demander ni la décharge en droits et pénalités, ni la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la SARL Rivoli Park Tavern n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Rivoli Park Tavern est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rivoli Park Tavern et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 décembre 2018.

Le rapporteur,

J. JIMENEZLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 17PA02822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02822
Date de la décision : 19/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Julia JIMENEZ
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : SELARL AVODIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-19;17pa02822 ?
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