Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Hôtelière Gay Lussac a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013, et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1603576/2-2 du 19 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2017, la SAS Hôtelière Gay Lussac, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1603576/2-2 du 19 avril 2017 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la procédure est irrégulière faute pour l'administration de motiver le choix du taux d'amortissement de 2,8% qu'elle a substitué au taux de 5%.
- c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déduction d'une perte sur créance irrécouvrable concernant des loyers dus par la société Stella du Luxembourg, placée en liquidation judiciaire par un jugement du 6 décembre 2011 ; le chèque de 3 000 euros reçu en mai 2015 et émanant du liquidateur de la société débitrice correspond à des créances privilégiées dues par la liquidation ;
- l'amortissement de l'hôtel au taux de 5% est justifié eu égard aux fréquents travaux, notamment de ravalement, nécessaires pour maintenir le haut standing de cet établissement implanté dans un quartier touristique de Paris et soumis à la pollution.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Hôtelière Gay Lussac ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Hôtelière Gay Lussac, qui exploite un hôtel situé 6 rue Gay Lussac, dans un immeuble appartenant à la SCI Immobilière Elysa, dont elle détient 99,82% des parts, ainsi que la SCI Immobilière Elysa, ont fait l'objet l'une et l'autre d'une vérification de comptabilité concomitante portant sur les exercices clos en 2012 et 2013 ; qu'à l'issue de ces contrôles, les résultats fiscaux de la SCI Immobilière Elysa ont été rehaussés selon la procédure contradictoire, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés ont été mis à la charge de la société Hôtelière Gay Lussac, à proportion des parts détenues par elle dans cette société civile immobilière ; que la SAS Hôtelière Gay Lussac relève appel du jugement n° 1603576/2-2 du 19 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;
Sur la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son
acceptation / (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 de ce livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du
bien-fondé de ces motifs ;
3. Considérant que la proposition de rectification du 27 février 2015 adressée à la SAS Hôtelière Gay Lussac comporte la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des rectifications envisagées, ainsi que les motifs de droit et de fait ayant fondé les rectifications en litige ; qu'elle comprend en annexe les extraits utiles de la proposition de rectification du même jour adressée à la SCI Immobilière Elysa ; que ces extraits indiquent notamment les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour opérer les rehaussements relatifs aux amortissements en litige ; que la proposition de rectification du 27 février 2015 fait, en particulier, référence, pour justifier le taux de 2,8% que l'administration entend substituer à celui de 5% pratiqué par la SCI Immobilière Elysa, à des décisions de jurisprudence précisément référencées ainsi qu'au rapport de l'OCDE édité en 1975, et précise qu'il y a lieu de faire application de ce taux " dès lors qu'aucune circonstance particulière ne permet d'en juger différemment " ; qu'ainsi, les éléments figurant dans la proposition de rectification étaient suffisamment précis et explicites pour permettre à la SAS Hôtelière Gay Lussac, comme elle l'a d'ailleurs fait, de formuler utilement ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification ne serait pas suffisamment motivée ne peut qu'être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la perte pour créance irrécouvrable :
4. Considérant que le service a remis en cause la déduction, à la clôture de l'exercice 2012, d'une charge de 50 224 euros, enregistrée au compte 654 créances irrécouvrables par la
SCI Immobilière Elysa, concernant des loyers dus par la société Stella du Luxembourg ; que, pour apporter la preuve qui lui incombe du bien fondé de l'écriture de charges contestée, la société requérante soutient que la société Stella du Luxembourg a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 6 décembre 2011, que la SCI Immobilière Elysa a obtenu par une ordonnance du 9 juin 2011 du président du Tribunal de grande instance de Paris l'expulsion de la société débitrice, dont le bail a été résilié le 6 mars 2012 et qu'au 31 décembre 2012, la SCI Immobilière Elysa, qui avait racheté le fonds de commerce de la société Stella du Luxembourg en mars 2012, avait ainsi une parfaite connaissance de la situation de la société débitrice qui, compte tenu des créances privilégiées, ne lui laissait aucun espoir de recouvrer sa créance ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la cession de la licence d'autorisation pour la vente de boissons alcoolisées dont était titulaire la société Stella du Luxembourg, autorisée par ordonnance du 6 mars 2012 de la juge-commissaire du Tribunal de commerce de Paris, a été réalisée au prix de 6 000 000 euros ; que la liquidation de la société Stella du Luxembourg n'avait pas encore été clôturée à la fin de l'année 2012 ; qu'en outre, ce n'est que par courriers des 7 et 12 mai 2015 que le liquidateur a indiqué à la SCI Immobilière Elysa qu'elle ne recevrait aucun règlement sur les arriérés de loyers ; qu'ainsi, si la SCI Immobilière Elysa pouvait constituer une provision pour créance douteuse, en revanche, le caractère définitivement irrécouvrable de la créance de 50 224 euros ne pouvait être regardé comme justifié à la clôture de l'exercice 2012 ; que c'est par suite à bon droit que la charge en cause a été réintégrée dans les résultats imposables de la SCI Immobilière Elysa ;
En ce qui concerne l'amortissement de l'hôtel :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les amortissements qu'une entreprise est en droit de pratiquer chaque année à raison d'une immobilisation sont ceux qui, pour cette immobilisation, résultent des usages constatés dans la profession à laquelle appartient l'entreprise ; que par " usages ", il y a lieu d'entendre, sous le contrôle du juge de l'impôt, les pratiques qui, en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales, dans chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation, pour le bien à amortir, à la date d'acquisition de celui-ci par l'entreprise ; qu'il appartient à l'administration de s'assurer, d'une part, que les amortissements pratiqués par une entreprise sont conformes à ceux qui sont généralement admis pour l'élément d'actif dont il s'agit dans le secteur professionnel auquel appartient l'entreprise et, d'autre part, que les caractéristiques particulières du bien à amortir n'appellent pas une dérogation au taux d'amortissement résultant des usages ;
6. Considérant que l'administration justifie l'application d'un taux annuel d'amortissement de 2,8 % par référence aux usages généralement admis dans l'hôtellerie ; que la société requérante fait valoir que le taux ainsi retenu par l'administration est adapté à un hôtel moyen de province mais non à un hôtel en pierre de taille, doté de trois étoiles, situé dans un quartier touristique de Paris, devant faire l'objet de fréquents ravalement en raison des dégradations dues à la pollution et de changements réguliers de ses matériaux extérieurs, et soumis par la Ville de Paris à des normes architecturales très contraignantes ; que toutefois, la SAS Hôtelière Gay Lussac n'étaye ses allégations d'aucun élément précis tels que des études ou des factures de travaux réalisés sur la structure de l'immeuble, qui permettraient d'établir que la spécificité de l'hôtel qu'elle exploite, eu égard à ses conditions d'exploitation et à son emplacement, justifierait l'application d'un taux supérieur à celui habituellement pratiqué, et retenu par l'administration ; qu'à cet égard, elle ne saurait utilement se prévaloir des taux admis pour des hôtels appartenant à la catégorie " grand luxe " ou situés en bord de mer, lesquels sont soumis à des contraintes très spécifiques, ni davantage de règles relatives à la méthode de répartition des valeurs de l'immeuble entre le terrain et la construction ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a opéré la rectification litigieuse ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Hôtelière Gay Lussac n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions d'appel, ensemble celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Hôtelière Gay Lussac est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hôtelière Gay Lussac et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 19 décembre 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
P. LIMMOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02071