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18/12/2018 | FRANCE | N°18PA00383

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 décembre 2018, 18PA00383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP Becheret - Thierry - Sénéchal - Gorrias (BTSG), prise en la personne de MeB..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Retiwood, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 novembre 2016 par laquelle le ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 4 mai 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M.C..., d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de

M.C....

Par un jugement n° 1700223 du 8 dé

cembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SCP BTSG.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCP Becheret - Thierry - Sénéchal - Gorrias (BTSG), prise en la personne de MeB..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société Retiwood, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 4 novembre 2016 par laquelle le ministre du travail a, d'une part, annulé la décision du 4 mai 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M.C..., d'autre part, refusé d'autoriser le licenciement de

M.C....

Par un jugement n° 1700223 du 8 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SCP BTSG.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 2 février 2018 et le 7 mai 2018, la SCP BTSG, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Paris du 8 décembre 2017 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire ;

- la procédure d'enquête contradictoire est entachée d'un vice de procédure ;

- la décision du ministre du travail est insuffisamment motivée ;

- la recherche de reclassement a été loyale, sérieuse et personnalisée ;

- le liquidateur n'avait plus d'obligation de reclassement à l'égard de M.C... à compter du 12 mai 2016 ;

- dès lors qu'aucun poste de reclassement n'était disponible au sein du groupe, il importait peu que la recherche de reclassement n'ait pas été assez personnalisée ;

- le périmètre du groupe de reclassement a été mal analysé par le ministre du travail et par le tribunal ; celui-ci ne pouvait s'étendre au groupe Sartorius qui n'a pas les mêmes activités, organisation et lieux d'exploitation que la société Retiwood, la permutation du personnel n'étant pas possible ;

- le ministre a produit un rapport de contre-enquête qui n'a été communiqué ni au cours de l'instruction du recours hiérarchique ni devant le tribunal administratif ; de surcroît ce document émanant de ses propres services, elle constitue une preuve que l'administration s'est constituée à elle-même.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 avril et 4 juin 2018, M. C...représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCP Becheret - Thierry - Sénéchal - Gorrias une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2018, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté dès lors qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir communiqué le rapport de contre-enquête qui ne constitue qu'un document administratif communicable sur demande des parties ;

- concernant les autres moyens, il s'en remet à ses écritures de première instance.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pena,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.C....

1. Considérant que M. C...était salarié de la société Retiwood, filiale du groupe de bâtiment et travaux publics Sartorius ; qu'il a été élu représentant des salariés de l'entreprise le

6 mai 2015 ; que la société Retiwood a été placée en liquidation judiciaire par jugement du

2 juillet 2015 avec poursuite d'activité jusqu'au 10 juillet 2015 ; que la SCP BTSG, en la personne de MeB..., a été désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que, le 8 avril 2016, la SCP BTSG a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. C...pour motif économique ; que l'inspecteur du travail a, par décision du 4 mai 2016, accordé l'autorisation sollicitée ; que M. C...a formé un recours hiérarchique devant le ministre du travail ; que par une décision du 4 novembre 2016, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de M. C...; que la SCP BTSG a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Paris de la décision du ministre du 4 novembre 2016 ; que, par un jugement du 8 décembre 2017, ledit tribunal a rejeté sa demande ; que la SCP BTSG relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, par une ordonnance du 28 février 2017, la vice-présidente de section du tribunal administratif de Paris a fixé au 28 mars 2017 la date de clôture de l'instruction de la demande présentée par la SCP BTSG ; que, par une nouvelle ordonnance du 26 septembre 2017, l'instruction a été réouverte et la date de clôture de l'instruction a été fixée au 10 octobre 2017 ; qu'en raison de la production par M. C...d'un mémoire, enregistré le 7 novembre 2017 au greffe du tribunal, celui-ci a, par une dernière ordonnance, du 9 octobre 2017, décidé de rouvrir l'instruction et de fixer la date de clôture de l'instruction au 9 novembre suivant ; que le mémoire de la SCP BTSG, enregistré le 15 novembre 2017 au greffe du tribunal se bornait à reprendre les mêmes observations et ne comportait aucun élément nouveau ; que, par suite, les premiers juges ont pu, sans méconnaître le caractère contradictoire de la procédure, ne pas donner suite à la demande de la SCP BTSG formulée dans sa note en délibéré du 23 novembre 2017 qui tendait à un nouveau report de la date de clôture de l'instruction afin que soit pris en compte le mémoire enregistré le 15 novembre 2017 ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la société, le jugement attaqué n'a pas été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs suffisamment précis retenus par le Tribunal aux points 5, 6 et 9 du jugement attaqué, d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et de ce que la procédure d'enquête contradictoire est entachée d'un vice de procédure ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie/ Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. /Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. " ;

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

6. Considérant que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, au sein de l'entreprise puis dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme comportant les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel ; que l'employeur doit s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées, portant, si possible, sur un emploi équivalent ; que le contexte d'une cessation d'activité de l'entreprise ne dispense pas l'employeur de l'obligation qui lui incombe de rechercher des offres personnalisées de reclassement pour le salarié au sein du groupe ;

7. Considérant que, pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée par la SCP BTSG, le ministre du travail a considéré que cette dernière n'avait pas satisfait à ses obligations de recherche préalable, sérieuse et individuelle des possibilités de reclassement dans le groupe à l'égard de M.C... ; qu'il ressort en effet des pièces du dossier, qu'en s'étant borné à envoyer des lettres types aux sociétés du groupe Sartorius ne contenant que des informations très générales sur M.C..., à savoir son ancienneté et son " savoir-faire " sur son poste, sans précision aucune relative à son profil professionnel, sa classification, sa rémunération, ou encore à la nature exacte de son ancien emploi, ni avoir procédé à un examen spécifique des possibilités de reclassement, la SCP BTSG ne saurait être regardée comme s'étant acquittée des obligations légales sus mentionnées ;

8. Considérant qu'il résulte dès lors de ce qui précède que la SCP BTSG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du

4 novembre 2016 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCP BTSG demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCP BTSG la somme de 3 000 euros à verser à M.C... ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCP BTSG est rejetée.

Article 2 : La SCP BTSG versera à M. C...une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP BTSG prise en la personne de Me B..., liquidateur judiciaire de la société Retiwood, à M. E... C...et au ministre du travail.

Copie en sera transmise au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA00383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00383
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : DUBERNET DE BOSCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-18;18pa00383 ?
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