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18/12/2018 | FRANCE | N°16PA03785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 18 décembre 2018, 16PA03785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administration de la Polynésie française de condamner la commune de Faa'a à lui verser la somme de 21 339 623 F CFP en réparation des préjudices qu'il a subi à raison de l'accident dont il a été victime le 17 octobre 2014.

Par un jugement n° 1600153 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, M.B..., représenté par MeE.

.., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Faa'a à lui ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administration de la Polynésie française de condamner la commune de Faa'a à lui verser la somme de 21 339 623 F CFP en réparation des préjudices qu'il a subi à raison de l'accident dont il a été victime le 17 octobre 2014.

Par un jugement n° 1600153 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 décembre 2016, M.B..., représenté par MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Faa'a à lui verser la somme de 21 339 623 F CFP au titre des préjudices ayant résulté de son accident ainsi que la somme de 200 000 F CFP au titre des frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 200 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont omis de se prononcer sur l'engagement de la responsabilité de la commune de Faa'a en raison du défaut d'exercice par le maire de ses pouvoirs de police de la circulation ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute de M. B...de nature à exonérer la commune de sa responsabilité dans la survenance de son accident ;

- la responsabilité de la commune de Faa'a doit être engagée au regard d'un défaut de signalisation de la chaîne ayant provoqué son accident et qui doit être assimilé à un défaut d'entretien normal de la voirie ;

- la responsabilité de la commune doit également être engagée en raison du manquement du maire à ses obligations de police de la circulation ;

- il sollicite les versements d'une somme de 203 886 F CFP au titre de son déficit fonctionnel temporaire, d'une somme de 641 792 F CFP au titre de son déficit fonctionnel permanent, d'une somme de 2 400 000 F CFP au titre des souffrances endurées, d'une somme de 1 043 945 F CFP au titre de l'assistance d'une tierce personne, d'une somme de 12 150 000 F CFP au titre de l'atteinte à son intégrité physique et psychique, d'une somme de 2 000 000 F CFP au titre de son préjudice d'agrément et enfin, d'une somme de 2 400 000 F CFP au titre de son préjudice esthétique.

Par trois mémoires enregistrés les 15 mars 2017, 3 juillet 2017 et 27 février 2018, la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, représentée par la SCP Baraduc et Duhamel, conclut à l'annulation du jugement, à la condamnation de la commune de Faa'a au versement de la somme de 20 391 607 F CFP, assortie des intérêts au taux légal, au titre des débours exposés pour le compte de M. B...ainsi qu'au versement annuel des sommes exposées au titre des frais d'appareillage, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Faa'a une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges se sont abstenus de répondre au moyen tiré de l'engagement de la responsabilité de la commune de Faa'a du fait de la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité de la commune de Faa'a pour défaut d'entretien d'un ouvrage public et ont retenu une faute de M. B...de nature à exonérer entièrement la commune de sa responsabilité ;

- les sommes dont elle sollicite le remboursement sont déterminées sur la base de tarifs fixés par l'arrêté du Président de la Polynésie française n°1894/CM du 20 octobre 2017 applicable à la présente instance.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 avril 2017 et 27 novembre 2018, la commune de Faa'a, représentée par la SCP Potier de la Varde, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la chaîne ayant causé la chute de M. B...n'était pas affectée d'un défaut d'entretien normal dès lors ne présentait pas de danger particulier, qu'elle était visible et qu'ainsi aucune signalisation ne s'imposait ;

- le maire de la commune de Faa'a n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses pouvoirs de polices ;

- M. B...a commis une faute de nature à exclure la responsabilité de la commune dès lors qu'il connaissait les lieux de l'accident et a fait preuve d'imprudence au regard notamment de sa qualité de titulaire d'une carte d'invalidité avec mention d'une tierce personne nécessaire pour ses déplacements ;

- l'évaluation de ses préjudices par M. B...est, en tout état de cause, exagérée, et doit être réduite dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50% ;

- la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française sollicite le versement de sommes au titre de son recours subrogatoire sans justifier du montant de ces sommes et de la pertinence des modes de calculs retenus pour le cas de M.B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouleau,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Faa'a et de MeA..., représentant la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

1. Considérant que le 17 octobre 2014, vers midi, M.B..., alors qu'il circulait en motocyclette sur le territoire de la commune de Faa'a, a fait une chute après avoir heurté une chaîne fermant l'accès de la voie communale menant au bassin d'eau Vaitea ; que, lors de sa prise en charge par le service des urgences du centre hospitalier de Polynésie française, M. B... a subi une première intervention chirurgicale dont les suites opératoires ont été marquées par des complications qui ont conduit à son amputation au niveau de la cuisse gauche le 13 novembre 2014 ; que, par une ordonnance du 17 mars 2015, le juge des référés du tribunal administratif de la Polynésie française a désigné un expert afin notamment de déterminer la réalité et l'étendue des différents préjudices allégués ; que, par un courrier du 4 février 2016, M. B... a formé une demande préalable d'indemnisation de ses préjudices auprès de la commune de Faa'a, que cette dernière a implicitement rejetée ; que M. B...a saisi le tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande tendant au versement d'une somme de 21 339 623 F CFP en réparation des préjudices qu'il a subi à raison de son accident du

17 octobre 2014 ; que la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et la compagnie d'assurance QBE Insurance sont intervenues dans l'instance pour réclamer le remboursement des sommes exposées à son profit ; que, par un jugement du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté l'ensemble de ces demandes et a laissé les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 200 000 F CFP, à la charge définitive de M.B... ; que M. B...et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française relèvent régulièrement appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'alors qu'ils ont rejeté les conclusions de la demande de M. B...pour le motif que la faute commise par ce dernier présentait un caractère totalement exonératoire et indiqué qu'ils se prononçaient ce faisant " en tout état de cause ", les premiers juges doivent être regardés comme ayant ainsi statué sur les deux causes de responsabilité invoquées, le défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et la faute dans l'exercice des pouvoirs de police, causes qui sont au demeurant intrinsèquement confondues en l'espèce ; que M. B...et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour ne pas avoir statué sur la faute alléguée dans l'exercice des pouvoirs de police ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées par la compagnie QBE Insurance devant le tribunal administratif de la Polynésie française :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) " ; que l'article L. 2213-1 du même code dispose que : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...) " ;

4. Considérant que M. B...et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française font valoir que le maire de la commune de Faa'a a manqué à ses obligations de police en s'abstenant de signaler la présence de la chaîne ayant entraîné la chute de M.B... ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette chaîne, dont il n'est pas contesté qu'elle était installée depuis de nombreuses années, était cadenassée à deux poteaux peints d'une couleur claire et était tendue à une hauteur suffisante au-dessus du sol pour être visible des conducteurs cherchant à s'engager sur la voie menant au bassin d'eau communal dont elle fermait l'accès ; que, dans ces conditions, elle ne constituait pas un obstacle excédant les risques ordinaires de la circulation auxquels les usagers de la voie publique peuvent normalement s'attendre et ne présentait pas de dangerosité justifiant l'intervention du maire de la commune en tant qu'autorité de police de la circulation ;

5. Considérant, en second lieu, que pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que, pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse alors sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ;

6. Considérant, d'une part, que la chaîne à l'origine de l'accident de M. B...est un élément de la voirie communale empêchant depuis plusieurs années la circulation aux abords du bassin d'eau communal Vaitea ; qu'il ressort des photographies versées au dossier et notamment de celles de l'expertise, que l'embranchement menant à la chaîne est situé en contrebas de celle-ci et que les conducteurs y accèdent après avoir franchi un ralentisseur les incitant à adopter une vitesse modérée, de sorte que la configuration de la route permet à un usager normalement attentif de constater la fermeture de la voie, même en l'absence de signalisation ; qu'en outre, l'accident de M. B...a eu lieu en milieu de journée alors que la chaîne et les bornes de couleur claire auxquelles elle est fixée était parfaitement visibles ; que, d'autre part, M.B..., qui réside à une distance proche du lieu de l'accident, reconnaît avoir connaissance de l'existence de cette chaîne et que s'il indiquait, au cours de l'expertise, qu'elle était souvent retirée, cette circonstance, au demeurant non établie, ne suffit pas à elle seule à justifier une absence de prudence aux abords de cette voie communale ; qu'enfin, par une décision de la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel du 13 décembre 2012,

M. B...a été reconnu invalide en raison de troubles psychiatriques justifiant la délivrance d'une carte d'invalidité avec mention d'une tierce personne nécessaire pour ses déplacements ; qu'à cet égard, l'intéressé, qui conduisait seul le jour de l'accident en dépit de cette réserve formulée un peu plus d'un an auparavant, doit être regardé comme ayant fait preuve d'un manque de précaution ; que, dès lors, la chute résultant de la présence de la chaîne ne peut être regardée comme imputable à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public et trouve son origine dans l'attitude fautive de M.B... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Faa'a à raison des conséquences de l'accident survenu le 17 octobre 2014 ni, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande ; que, pour les mêmes raisons, les conclusions de la caisse sociale de prévoyance de la Polynésie française doivent être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de partager à parts égales, entre M. B...et la commune de Faa'a, les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 200 000 F CFP par l'ordonnance du président du tribunal administratif de la Polynésie française du 3 février 2016 ; que, par suite, la somme de 100 000 F CFP est mise à la charge définitive de M. B... et la même somme est mise à la charge définitive de la commune de Faa'a ;

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Faa'a, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que M. B...et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner M. B...et la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française à verser à la commune de Faa'a la somme qu'elle demande au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...B...et les conclusions de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française sont rejetées.

Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 200 000 F CFP par ordonnance du président du tribunal administratif de la Polynésie française du 3 février 2016, sont mis à la charge de M. B...à hauteur de 100 000 F CFP et à la charge de la commune de Faa'a à hauteur de 100 000 F CFP.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Faa'a au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B..., à la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française et à la commune de Faa'a.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.

L'assesseur le plus ancien,

Ch. BERNIERLe président-rapporteur,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 16PA03785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03785
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. le Pdt. Michel BOULEAU
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : JURISPOL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-18;16pa03785 ?
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