Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à verser à M. A...une somme de 644 064,75 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 10 décembre 2003 à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière, à Mme A...une somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice propre, sommes assorties des intérêts au taux légal, ainsi que la mise à la charge de l'AP-HP du versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Par jugement n° 1211673/6-3 du 22 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à M. A...la somme de 104 212,18 euros, à Mme A...celle de 1 000 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2007 et de la capitalisation des intérêts à compter du 13 juillet 2013 et à M. et Mme A...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 27 février 2015, 25 mars et
25 novembre 2016, M. E...A..., représenté par Me C...G..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 22 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris en tant que, dans son article 1er, ce jugement a limité à la somme de 104 212,18 euros la somme que l'AP-HP a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 10 décembre 2003 à l'hôpital La Pitié-Salpêtrière ;
2°) de condamner l'AP-HP à lui verser, dans le dernier état de ses écritures, la somme totale de 458 316,39 euros de laquelle il convient de déduire des indemnités versées par l'AP-HP à hauteur de 109 212,18 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 août 2007 capitalisés ;
3°) de mettre à la charge de l'AP-HP le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'indemnité allouée par le tribunal ne prend qu'insuffisamment en compte l'étendue des préjudices subis ;
- l'assistance par tierce personne est justifiée à raison de 2 heures par mois du 17 décembre 2003, date correspondant à la fin de sa première hospitalisation au 28 juin 2008 et doit être indemnisée par une somme de 1 545,60 euros ;
- la perte de son emploi est la conséquence de l'absence de soins reçus et donc de l'erreur médicale, sans laquelle il aurait repris son travail dès le mois de mars 2004 ;
- la reprise de son travail sans avoir reçu les soins nécessaires a accru la pénibilité de ce dernier pendant quatre ans, entraînant son inaptitude professionnelle alors que l'évolution clinique de sa pathologie n'aurait pas forcément abouti à une invalidité, contrairement à ce qu'a affirmé l'expert sans le justifier ;
- ses pertes de gains entre le 5 mai 2005, date de son licenciement et le 28 juin 2008 s'élèvent à 69 976,35 euros ;
- l'application d'un taux de perte de chance est en contradiction avec la reconnaissance du lien de causalité directe et certaine entre l'erreur médicale et le préjudice professionnel ;
- du 29 juin 2008 au 31 décembre 2014, ses pertes de gains professionnels s'élèvent à 162 117,80 euros ;
- du 1er janvier 2015 au 20 septembre 2018, date du départ à la retraite, la perte de gains professionnels futurs s'élève à 271 893,88 euros de laquelle il convient de déduire 134 732,51 euros au titre de la pension d'invalidité dont il bénéficie depuis le 1er février 2009 ;
- la perte de ses droits à la retraite sera indemnisée par une somme capitalisée de 133 864,81 euros ;
- l'erreur médicale a anéanti ses chances de réintégrer le monde du travail et l'incidence professionnelle sera indemnisée par une somme de 80 000 euros ;
- les honoraires de 1 000 euros de son médecin conseil seront remboursés ;
- le tribunal n'a pas explicité les bases de calcul de l'indemnité au titre du déficit fonctionnel temporaire du 10 décembre 2003 au 28 juin 2008 ;
- une seconde période d'incapacité temporaire doit être retenue du 4 septembre 2007 au 12 février 2008 et indemnisée par une somme de 6 300 euros ;
- au titre de la période d'incapacité temporaire du 9 avril 2004 au 10 décembre 2004, pour laquelle un taux de 15% a été retenu par l'expert et de la période du 13 février au 28 juin 2008, pour laquelle un taux de 10% a été retenu par l'expert, une somme de 4 594,25 euros sera allouée ;
- le montant alloué au titre des souffrances physiques et morales qui s'étendent sur une période de cinq années doit être porté à 15 000 euros ;
- l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent doit être portée à 16 000 euros ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur la demande d'indemnisation du préjudice esthétique temporaire qui est de 1 000 euros et lié au port d'un collier cervical pendant plusieurs mois ;
- le préjudice esthétique permanent doit être réparé par l'octroi d'une somme de 8 000 euros lié aux atteintes cicatricielles et à la prise de poids générée par l'inactivité ;
- l'indemnité au titre du préjudice d'agrément et d'atteinte à la qualité de la vie doit être portée à 10 000 euros ;
- le préjudice de défaut d'information loyale sur son état de santé doit être réparé par l'octroi d'une somme de 20 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 15 mai 2015, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne, représentée par MeB..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de l'AP-HP à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 29 mai 2015, Malakoff Médéric Prévoyance conclut au remboursement de la somme de 1 999,06 euros versée à son assuré M. A...postérieurement à l'intervention du 10 décembre 2003.
Par un mémoire enregistré le 20 novembre 2016, l'AP-HP représentée par
Me F...conclut à l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. A... la somme de 104 212,18 euros, au rejet de la requête d'appel de ce dernier et, en tout état de cause, à ce que la Cour ramène le montant des indemnités demandées à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- elle ne conteste pas le remboursement des frais exposés par la CPAM de Seine-et-Marne ;
- la société Malakoff Médéric n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de la dépense dont elle demande le remboursement ni son imputabilité à l'intervention du
10 décembre 2003 ;
- la demande de M. A...au titre d'une aide par tierce personne devra être rejetée dès lors que même en l'absence d'erreur médicale, il lui aurait été impossible de continuer à effectuer les gros travaux domestiques et ménagers invoqués et le préjudice n'est donc pas imputable à la faute médicale ;
- la demande de M. A...au titre des pertes de revenus actuelles et futures devra être rejetée dès lors que même en l'absence d'erreur médicale, il lui aurait été impossible de continuer à exercer un travail physique pénible tel que celui de chaudronnier-soudeur selon les conclusions de l'expert ;
- son inaptitude professionnelle étant imputable à sa pathologie et non à l'erreur médicale commise, le jugement attaqué devra être réformé en ce qu'il alloue à M. A...une somme de 69 976,35 euros au titre de la perte actuelle de revenus et 15 123,83 euros au titre de la perte de revenus futurs ;
- pour la même raison, seront rejetées ses demandes au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice de retraite ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que l'erreur médicale lui avait fait perdre une chance de 50% de retrouver un travail ;
- les honoraires du médecin conseil du requérant ne constituent pas un préjudice résultant du fait générateur de responsabilité mais des frais irrépétibles régis par l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
- si la première période d'incapacité temporaire totale du 10 au 16 décembre 2003 et partielle jusqu'au 9 avril 2004 est imputable à l'opération litigieuse, il n'en est pas de même de la seconde période postérieure au 5 septembre 2007 et le jugement devra être confirmé en ce qu'il a alloué à M. A...la somme de 1 600 euros au titre de la seule première période ;
- la réparation du déficit fonctionnel temporaire partiel, fixé à 5% par l'expert pour la période comprise entre le 10 avril 2004 et le 3 septembre 2007 ne devra pas excéder la somme de 820 euros et le jugement attaqué devra être réformé sur ce point ;
- la réparation du déficit fonctionnel permanent, fixé à 8% par l'expert, par une somme de 10 000 euros par le jugement attaqué, doit être confirmée ;
- la réparation des souffrances endurées, évaluées à 3 sur une échelle de 7 par l'expert, devra être ramenée à la somme de 3 619 euros ;
- la demande au titre du préjudice esthétique temporaire, qui n'est pas justifié par M. A..., devra être rejetée ;
- l'indemnisation allouée par le tribunal au titre du préjudice esthétique permanent, évalué à 1 sur une échelle de 7, devra être confirmée ;
- la demande au titre du préjudice d'agrément qui n'est pas imputable à l'erreur médicale devra être rejetée et le jugement attaqué infirmé sur ce point ;
- la demande au titre du défaut d'information loyale doit être rejetée dès lors que la réparation du préjudice moral est incluse dans celle des souffrances endurées.
Par un arrêt avant dire droit du 15 juin 2017, la Cour de céans a ordonné une nouvelle expertise confiée au docteur Dufour, chirurgien orthopédique et traumatologique, dont le rapport a été déposé le 25 mai 2018.
Par un mémoire, enregistré le 15 juin 2018, l'AP-HP conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Par des mémoires, enregistrés le 25 juin et 3 octobre 2018, M. A...conclut, par les mêmes moyens, à la condamnation de l'AP-HP à lui verser, à titre principal, la somme totale de 454 243,82 euros, ou à titre subsidiaire, la somme de 379 079,47 euros, déduction faite de l'indemnité versée par l'AP-HP à hauteur de 109 212,18 euros.
Il soutient en outre que :
- le docteur Dufour a bien considéré que l'erreur d'étage commise lors de l'intervention du 10 décembre 2003 avait représenté pour lui une perte de chance de se voir guérir ou améliorer son état de santé ;
- le docteur Dufour ayant retenu la nécessité d'une assistance par tierce personne à raison de 2 heures par semaine du 16 décembre 2003 au 10 décembre 2004, il y a lieu de lui allouer à ce titre une somme de 6 623,99 euros, à titre principal, pour la période allant jusqu'au 28 juin 2008 et une somme de 1 435,99 euros, à titre subsidiaire, pour la période allant jusqu'au 10 décembre 2004 ;
- la perte de revenus futurs doit être indemnisée à hauteur de 191 096,60 euros, somme à parfaire au jour de la liquidation ;
- le docteur Dufour a considéré que si l'intervention du 10 décembre 2003 avait été réalisée dans les règles de l'art, il aurait pu reprendre son métier de chaudronnier, justifiant par là qu'une somme de 80 000 euros lui soit accordée au titre de l'incidence professionnelle.
Par une note en délibéré, enregistrée le 19 octobre 2018, que la Cour a décidé de communiquer et qui a, de ce fait, acquis la qualité de mémoire, M. A...demande un ajustement de ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice de retraite à la somme de 143 253,17 euros, au regard de la liquidation de ses droits au 1er octobre 2018 pour un montant mensuel brut de 1 159,15 euros.
La société Malakoff Médéric Prévoyance a présenté un mémoire le 23 novembre 2018 qui n'a pas été communiqué.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena,
- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M.A..., et de MeF..., représentant l'AP-HP.
1. Considérant que M. A..., alors âgé de 47 ans et exerçant la profession de chaudronnier-soudeur, a subi le 10 décembre 2003 dans le service de neurochirurgie de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, l'ablation d'une hernie discale cervicale au niveau C3-C4 qui avait été mise en évidence par des examens d'imagerie par résonnance magnétique (IRM) ; que devant la persistance de ses douleurs, une nouvelle IRM réalisée le 1er juin 2007 a révélé que son hernie discale C3-C4 était toujours en place, le geste opératoire étant intervenu, par erreur, au niveau C5-C6 ; qu'une nouvelle intervention chirurgicale consistant en une laminectomie C3-C4, a été effectuée à la clinique de la Roseraie à Aubervilliers le 5 septembre 2007 visant à décomprimer en urgence la moelle épinière ; que M. A...reste affecté d'un enraidissement du rachis cervical, du membre supérieur droit ainsi que de troubles psychiques ; qu'il relève appel du jugement
22 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris, en tant que dans son article 1er, ce jugement a limité à la somme de 104 212,18 euros la somme que l'AP-HP a été condamnée à lui verser en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le
10 décembre 2003 à l'hôpital La Pitié- Salpêtrière ; que l'AP-HP, qui ne conteste pas le principe de sa responsabilité, conclut au rejet de la requête et, en tout état de cause, à ce que la Cour ramène le montant des indemnités demandées à de plus justes proportions ;
Sur les préjudices de M.A... :
2. Considérant que M. A...a droit à la réparation des dommages subis en lien direct et certain avec les fautes tenant à l'erreur de niveau commise lors de l'intervention du 10 décembre 2003 par l'opération inutile en C5-C6, et au retard à la délivrance de l'information de cette erreur, source d'une aggravation de ses troubles physiques et psychiques, en l'absence de traitement ; qu'il résulte de l'instruction que M. A...a été à nouveau opéré en septembre 2007 en vue de décomprimer en urgence la moelle épinière par une laminectomie en C3-C4 ; qu'il y a lieu de retenir, comme date de consolidation de son état de santé, celle à laquelle l'expert judiciaire a fixé le taux définitif d'IPP, soit le 28 juin 2008 ;
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
3. Considérant, en premier lieu, que les montants de 6 701,80 et de 10 832,48 euros que l'AP-HP a été condamnée à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-et-Marne au titre des frais médicaux, paramédicaux et d'hospitalisation d'une part, des indemnités journalières d'autre part, lesquels sont directement imputables à l'intervention inutile du 10 décembre 2003 dont M. A...a été victime et aux conséquences dommageables qu'elle a eues, n'est plus en débat devant la Cour ; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer la mise à la charge de l'AP-HP de cette somme assortie des intérêts légaux à compter du 17 août 2012 ;
4. Considérant, en second lieu, que l'organisme de prévoyance Malakoff Médéric conclut, devant la Cour, au remboursement de la somme de 1 999,06 euros versée à son assuré, M.A..., postérieurement à l'intervention du 10 décembre 2003 ; que s'il produit à cet effet un récapitulatif des soins remboursés entre le 29 juin 2004 et le 3 juin 2011, il n'y a lieu de prendre en considération que les seuls frais médicaux engagés en lien avec celle-ci jusqu'au 10 décembre 2004, date de consolidation fixée après l'intervention non-justifiée en C5-C6 ; qu'eu égard à l'imprécision quant à la nature exacte desdits soins, il sera fait une juste appréciation de la somme devant être remboursée par l'AP-HP à l'organisme de prévoyance en la fixant à 100 euros ;
S'agissant des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle :
5. Considérant que M. A...n'a pas subi de pertes de revenus entre 2003 et le 12 octobre 2004, une partie de son salaire ayant été maintenue par son employeur, le reste ayant été compensé par des indemnités journalières ; que s'agissant de l'indemnisation des pertes de salaires postérieures à cette date, l'AH-HP en conteste le principe en faisant valoir que les douleurs d'origine arthrosiques, de même que le fait d'avoir été opéré du rachis cervical, ne lui auraient en tout état de cause pas permis la reprise d'un travail physiquement pénible, et que les pertes consécutives à son licenciement ne sont ainsi pas imputables à l'erreur médicale produite mais uniquement à sa pathologie initiale ; que si ces assertions pouvaient trouver un fondement dans l'appréciation portée par l'expert Berthelot dans son rapport du 8 novembre 2010, ils ne sont, en revanche pas en adéquation avec les conclusions émises par le docteur Dufour, chirurgien orthopédique, dans son rapport d'expertise déposé au greffe de la Cour le 25 mai 2018 ; que ce dernier indique en effet que si l'intervention s'était correctement déroulée, M. A...aurait certainement été en mesure de reprendre son métier de chaudronnier, ce que le chirurgien avait d'ailleurs laissé entendre à son patient ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'indemniser ce chef de préjudice, en y appliquant toutefois un taux de perte de chance de 50 % tel que retenu à bon droit par les premiers juges, afin de prendre en compte la marge d'incertitudes inhérente à de telles interventions sur le rachis quant à la possibilité de réaliser par la suite des efforts physiques intenses sur la durée ; que l'argumentation de l'AP-HP relative aux antécédents médicaux de
M.A..., facteur selon elle de mauvais pronostic, dans le but de diminuer encore davantage ce taux, ne saurait être retenue, aucun des deux experts n'y ayant fait la moindre allusion dans leurs rapports respectifs ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., ouvrier soudeur chaudronnier au coefficient 255 bénéficiait, lorsqu'il était en activité, d'un salaire fixe et d'une prime d'ancienneté mensuelle correspondant à un taux de 15% de son salaire brut mensuel ; qu'il a été licencié pour inaptitude physique le 3 mai 2005 et mis en invalidité le 1er mai 2009 ;
7. Considérant, en premier lieu, que compte tenu des bulletins de salaires et avis d'imposition produits au dossier, ainsi que du barème des taux effectifs garantis annuels issu des conventions collectives des industries métallurgiques, mécaniques et électriques du département de Seine-et-Marne, M. A...aurait dû percevoir la somme de 69 976, 35 euros pour la période allant du 5 mai 2005 au 28 juin 2008, date de consolidation de son état de santé, et celle de
214 227,68 euros pour la période allant de cette dernière date au 31 décembre 2016, soit la somme totale de 284 204,03 euros pour l'ensemble de cette période ;
8. Considérant que, s'agissant de la période allant du 1er janvier 2017 au 1er octobre 2018, date correspondant à l'âge de 62 ans, âge qu'il y a lieu de retenir comme étant celui auquel il est le plus probable que, compte tenu de sa pathologie initiale et du métier physiquement exigeant qu'il exerçait, il aurait dû, en tout état de cause, prendre sa retraite, M. A...aurait pu percevoir la somme de 26 220 euros au titre de l'année 2017 et celle de 19 665 euros pour l'année 2018, soit un total de 45 885 euros ;
9. Considérant que de cette somme globale de 330 089,03 euros correspondant donc aux pertes de revenus pour la période allant du 5 mai 2005 à la date prévisible de départ à la retraite de M.A..., il y a lieu de déduire la pension d'invalidité que ce dernier a perçue à compter du
1er février 2009, et ce jusqu'au 30 septembre 2018 pour un montant de 139 194,45 euros, ainsi que la somme de 64 294,39 euros correspondant à sa pension de retraite capitalisée, puis d'y appliquer le taux de perte de chance retenu de 50 % ; que le préjudice professionnel dont le requérant est en droit de se voir indemnisé est ainsi de 63 300 euros ;
10. Considérant, en second lieu, que compte tenu de ce qu'il n'était pas certain que, quand bien même il aurait été utilement et correctement opéré en 2003, M. A...aurait pu poursuivre son activité d'ouvrier de la métallurgie mais qu'il a toutefois été admis par l'expert Dufour notamment, que le retard thérapeutique de 3 ans et demi a aggravé son état de santé ne serait-ce qu'au niveau psychologique, ce qui a immanquablement eu pour effet de compromettre ses chances de retrouver un emploi moins pénible dans le même ou dans un autre secteur d'activité, il y a lieu d'allouer au requérant une somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, demande que les premiers juges avaient implicitement rejetée dans le considérant 10 du jugement ;
S'agissant du préjudice de retraite :
11. Considérant que M. A...produit devant la Cour un courrier de l'Assurance Retraite d'Ile-de-France du 5 octobre 2018 lui notifiant sa retraite d'où il ressort qu'au 1er octobre 2018, premier jour suivant l'âge légal de départ à la retraite, le montant mensuel brut de sa retraite personnelle est de 1 159,15 euros ; qu'il ressort par ailleurs de la simulation réalisée au regard de son relevé de carrière sur le site de l'assurance retraite, que si M. A...avait été en mesure de poursuivre son activité professionnelle jusqu'à l'âge de 62 ans, il aurait perçu une retraite de 1 410 euros mensuel ; que la perte de gains annuels est ainsi de 3 010,20 euros ; qu'après capitalisation de cette somme par référence à l'euro de rente viagère du barème de la gazette du palais de 2018, soit 19,268 pour un homme âgé de 62 ans à l'âge de son départ à la retraite, et application du taux de perte de chance de 50 %, ce chef de préjudice s'élève à la somme de 29 000 euros ;
S'agissant des frais liés à l'assistance par tierce personne :
12. Considérant que lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ;
13. Considérant, d'une part, qu'il ressort du rapport d'expertise du docteur Dufour qu'entre le 16 décembre 2003, date de sa sortie d'hôpital, et le 10 décembre 2004, date de la consolidation à l'issue de cette première intervention, M. A...a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de 2 heures par semaine ; que si cette aide lui a été apportée par son épouse, M. A...est néanmoins en droit de voir ce chef de préjudice indemnisé sur la base d'un tarif horaire de 13 euros pour la période considérée, charges sociales et congés payés inclus, soit pour 52 semaines, une somme de 1 352 euros ;
14. Considérant, d'autre part, que dès lors qu'indépendamment de l'erreur d'étage commise, M. A...n'aurait pas, en tout état de cause, été en mesure de reprendre d'activité physique pénible, notamment pas de gros travaux domestiques pénibles, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation présentée au titre de l'assistance par tierce personne à titre permanent qu'aucun des experts n'a d'ailleurs retenu ;
S'agissant des frais divers :
15. Considérant que M. A...justifie avoir exposé, à raison de l'assistance d'un médecin conseil au cours des opérations d'expertise, la somme totale de 800 euros et non pas de 1 000 euros comme il le sollicite ; qu'il a par suite droit au remboursement de la somme de 800 euros ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
S'agissant des déficits fonctionnels temporaire et permanent :
16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du docteur Berthelot, qu'avant la consolidation de son état de santé, en raison de l'erreur médicale commise le 10 décembre 2003 imputable au service hospitalier, M. A...a subi une période d'interruption temporaire totale correspondant à la période d'hospitalisation à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière du 10 décembre au 16 décembre 2003, puis à celle du port d'une minerve, puis d'un collier cervical jusqu'au 9 avril 2004, soit pendant quatre mois ; qu'en évaluant à 400 euros par mois, soit 1 600 euros sur la période en cause, la somme devant être versée par l'AP-HP à M.A..., les premiers juges ont fait une évaluation qui n'est ni excessive ni insuffisante de ce chef de préjudice ;
17. Considérant, en outre, que compte tenu de l'absence de bénéfice de la première opération et de l'aggravation de ses symptômes jusqu'au 3 septembre 2007, date de la seconde intervention en vue de décomprimer en urgence la moelle épinière, il y a lieu de fixer à 10 % le déficit fonctionnel dont M. A...a été victime durant cette période de 3 ans et 5 mois, l'expert Dufour indiquant que la reprise de son activité professionnelle à compter du 13 janvier 2005 sans avoir été soigné de sa hernie a entraîné une accentuation des douleurs secondaires aux efforts physiques pratiqués et a d'ailleurs conduit à un nouvel arrêt ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 640 euros, soit 10 % de 400 euros mensuel sur 41 mois ;
18. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise du docteur Berthelot, que le requérant demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 8 % acquis à l'âge de 52 ans ; que M. A...subit une diminution de ses capacités physiques au niveau du rachis et des épaules et des troubles neuropsychologiques, qu'il est déprimé avec des troubles du sommeil et souffre en outre de problèmes relationnels ; que compte tenu de son âge et du retentissement de ces douleurs dans ses conditions d'existence, le tribunal n'a fait une appréciation ni insuffisante ni excessive de ce chef de préjudice en allouant à l'intéressé la somme de 10 000 euros ;
S'agissant des Souffrances endurées :
19. Considérant qu'en accordant à M. A...une somme de 5 500 euros au titre des souffrances tant physiques que psychiques endurées en lien avec l'intervention inutile et évaluées par l'expert Berthelot à 3 sur une échelle de 1 à 7, les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice, eu égard notamment à l'aggravation des troubles causés par la découverte tardive de l'erreur opératoire et au fait que le patient a été laissé durant plus de deux ans dans l'ignorance de ce dont il avait été victime ; qu'il y a lieu, par suite, de porter cette somme à celle de 8 500 euros ;
S'agissant du préjudice esthétique :
20. Considérant qu'au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent de M. A...tenant à une cicatrice cervicale peu visible et évalué à 1 sur 7 par l'expert, le tribunal a accordé 700 euros sans commettre d'omission à statuer sur ce point ; qu'il en sera fait une juste appréciation en lui accordant une somme de 1 000 euros, la prise de poids relativement importante dont M. A...se plaint ne pouvant néanmoins être imputée à l'erreur initiale ;
S'agissant du préjudice d'agrément et d'atteinte à la qualité de la vie :
21. Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier que M. A...était sportif, qu'il s'adonnait à des joutes nautiques, pratiquait régulièrement le football, le vélo, la pétanque, le canoé et le jardinage ; qu'il résulte toutefois des deux expertises, qu'en dehors même de l'intervention fautive de 2003, son état de santé antérieur l'aurait empêché de poursuivre les plus physiques de ces activités ; que, dans ces conditions, il y a lieu de lui allouer une somme de 2 000 euros à ce titre ;
S'agissant du défaut d'information loyale :
22. Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que M. A...ne pouvait prétendre à l'indemnisation de ce préjudice qui a déjà été réparé au titre de ses souffrances, morales notamment, ainsi que du déficit fonctionnel et que cela ne constituait pas une source de préjudice distinct ;
23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HP doit être condamnée à verser à M. A...la somme de 139 192 euros dont il convient de déduire celle de 5 000 euros d'allocation provisionnelle versée par l'établissement public, soit la somme de 134 192 euros au titre des séquelles de l'intervention du 10 décembre 2003 et de la révélation tardive le 28 juin 2007 de l'erreur médicale ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
24. Considérant, en premier lieu, que M. A...a droit aux intérêts au taux légal sur l'indemnité de 134 192 euros à compter de sa demande à l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris du 2 août 2007 ;
25. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne a droit aux intérêts sur la somme de 17 534,28 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 août 2012, date à laquelle elle a formulé cette demande pour la première fois devant le Tribunal administratif de Paris ;
26. Considérant, en second lieu, que conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ;
27. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. et Mme A...dans les conclusions de leur requête devant le tribunal le 13 juillet 2012 ; qu'il y a lieu d'y faire droit à compter du 13 juillet 2013, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais d'expertise :
28. Considérant qu'il y a lieu de maintenir à la charge de l'AP-HP les frais de l'expertise liquidée et taxée à la somme de 1 500 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris du 10 janvier 2011, et d'y ajouter celle également taxée et liquidée à la somme de 1 500 euros (incluant l'allocation provisionnelle d'un même montant) par ordonnance du Vice-président de la Cour du 28 mai 2018 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
29. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de
l'AP-HP la somme de 2 000 euros à verser à M. A...; qu'il n'y a pas lieu en revanche de faire droit aux conclusions susmentionnées de la CPAM de Seine-et-Marne ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 104 212,18 euros que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris a été condamnée à verser à M. A...en réparation de ses préjudices est portée à 134 192 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 2 août 2007. Les intérêts échus à compter du 13 juillet 2013 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne la somme de 17 534, 28 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 août 2012.
Article 3 : L'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris versera à l'organisme de prévoyance Malakoff Médéric la somme de 100 euros.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 22 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les frais d'expertise devant le Tribunal administratif de Paris taxés et liquidés à la somme de 1 500 euros ainsi que ceux taxés et liquidés devant la Cour à la somme de 1 500 euros, (incluant l'allocation provisionnelle d'un même montant) sont définitivement mis à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Article 6 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera à M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties, notamment celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, à la société Malakoff Mederic et à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Copie en sera adressée aux Etablissements Rousseau.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Bernier, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 18 décembre 2018.
Le rapporteur,
E. PENALe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
5
N° 10PA03855
2
N° 15PA00929