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13/12/2018 | FRANCE | N°17PA03966

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 décembre 2018, 17PA03966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom celui de " B... " et d'enjoindre au ministre de l'autoriser à porter ce nom.

Par un jugement n° 1609193/4-1 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2017, M. F..., re

présenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609193/4-1 du 9 nov...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...F...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom celui de " B... " et d'enjoindre au ministre de l'autoriser à porter ce nom.

Par un jugement n° 1609193/4-1 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.F....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2017, M. F..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609193/4-1 du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 27 avril 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom celui de " B... " ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de l'autoriser à substituer à son patronyme le nom " B... " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. F...soutient que :

- il justifie d'un intérêt légitime à changer de nom au sens de l'article 61 du code civil ;

la décision de refus est entachée d'erreur d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par M. F...ne sont pas fondés.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero ;

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

1. Considérant que par une requête publiée au Journal officiel du 23 juillet 2015, Mme E...B..., agissant au nom de son enfant mineur A...F..., né en 1998, a saisi le garde des sceaux, ministre de la justice, d'une demande tendant à ce que soit substitué au patronyme de son enfant, nom de son père, celui de sa mère ; que cette demande, reprise par M. F... à sa majorité, a été rejetée par une décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 27 avril 2016 ; que, par un jugement du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. F... tendant à l'annulation de cette décision ; que M. F...fait appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret " ; que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;

3. Considérant que M. A...F...fait valoir le désintérêt affectif et matériel à son égard de son père, avec lequel il n'a jamais eu de contact ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment d'un arrêt de la Cour d'appel d'Orléans du 10 janvier 2005, que la paternité de M. G... F... sur l'enfantA..., alors âgé de six ans et qui portait le nom de sa mère, n'a été établie qu'à la suite d'une action en recherche de paternité et d'une expertise génétique dans le cadre d'une action engagée par Mme B...sur le fondement de l'article 342-2 du code civil ; que, selon les mentions de cet arrêt, si le père de M. F... a initialement montré un intérêt paternel et affectif, c'est avant de se rétracter et de tenter d'échapper à ses obligations, " alors que la paternité était plausible sinon probable " ; que l'absence de tout contact entre M. F...et son père est corroborée par de nombreuses attestations, qui confirment de manière probante qu'aucune relation n'a existé entre le père et son fils, qui souhaite porter le nom de sa mère, qui l'a élevé ; qu'outre ce désintérêt matériel et moral du père à l'égard de son fils, M. F...se prévaut également du mal-être qui l'affecte, en relation avec le port du nom de son père, qui est également suffisamment établi par les nombreuses attestations produites au dossier ; que, dans ces conditions, M. F...est fondé à se prévaloir de motifs d'ordre affectif et de circonstances exceptionnelles qui suffisent à caractériser un intérêt légitime, au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil, pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être accueilli ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. F...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 avril 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant à substituer à son nom celui de " B... " ; que ce jugement et cette décision doivent dès lors être annulés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'annulation de la décision litigieuse pour le motif retenu au point 3 du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de présenter au Premier ministre un projet de décret tendant à autoriser M. F...à substituer à son nom celui de " B... ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat (...) " ;

8. Considérant que M. F... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros à verser à Me C... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1609193/4-1 du 9 novembre 2017 du tribunal administratif de Paris et la décision du 27 avril 2016 du garde des sceaux, ministre de la justice sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice de présenter au Premier ministre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret tendant à autoriser M. A...F...à substituer à son nom celui de " B... ".

Article 3 : L'Etat versera à Me C...une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. D...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 17PA03966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03966
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. État des personnes. Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : DAOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-13;17pa03966 ?
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