Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du préfet du Val-de-Marne en date du 29 décembre 2017 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi de sa reconduite et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'un an.
Par un jugement n° 1719855 du 2 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2018 et, M.C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
- le préfet a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.
La requête a été communiquée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Julliard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant tunisien né le 2 juillet 1975, est entré en France régulièrement sous couvert d'un passeport assorti d'un visa Schengen le 27 août 2001. Par un arrêté du 29 décembre 2017, le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, fixant le pays de destination de sa reconduite et prononçant à son égard une interdiction de retour sur le territoire français d'un an. Il relève appel du jugement du 2 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, en vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
3. En l'espèce, l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application, notamment les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et notamment son article 96, et les articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il comporte également des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. C...et notamment le fait qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, qu'il ne justifie pas de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il n'a entamé aucune démarche en vue de régulariser sa situation administrative et qu'il existe un risque avéré que l'intéressé se soustraie à la décision. Cet arrêté comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision lui interdisant son retour sur le territoire français doit également être écarté.
4. Si M. C...soutient, en deuxième lieu, que la décision du préfet lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.
5. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose notamment que : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : /; (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " .
6. La décision contestée se fonde, en troisième lieu, sur le motif tiré de l'absence de garanties de représentation suffisante de M. C...en l'absence de possession par ce dernier de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. Si l'intéressé conteste le motif précité, il ne produit aucun élément de nature à justifier qu'il possédait un document d'identité ou de voyage en cours de validité à la date de la décision litigieuse, son passeport ayant expiré le 1er octobre 2017. Dès lors, M. C...se trouvait dans la situation où, en application du 3°f ) du II de l'article L. 511-1 précité, le préfet du Val-de-Marne pouvait légalement décider de ne pas lui octroyer de délai de départ volontaire.
7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. /Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...)sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)".
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent et dès lors que M. C...ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire, que le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en assortissant l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur de fait ou d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M.C....
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C...est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et que s'il se prévaut d'une durée de séjour de seize ans sur le sol français, il n'en justifie pas. Par suite, la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle serait entachée d'une erreur de fait.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 décembre 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARDLa présidente,
M. HEERSLa greffière,
F. DUBUY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA00602 2