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06/12/2018 | FRANCE | N°15PA00262

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2018, 15PA00262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 janvier 2010 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la dixième section du Val-de-Marne, en date du 25 août 2009, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1002254/1 du 28 décembre 2012, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par la d

cision n° 370286 du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 22 janvier 2010 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la dixième section du Val-de-Marne, en date du 25 août 2009, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1002254/1 du 28 décembre 2012, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par la décision n° 370286 du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M.D..., a annulé l'ordonnance n° 13PA00893 du 17 mai 2013 du président de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés respectivement le 7 mars 2013, le 12 février 2015 et le 16 novembre 2018, M.D..., représenté par Me Bledniak, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002254/1 du 28 décembre 2012 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de mettre à la charge de la société Derichebourg Propreté le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire n'a pas été respecté lors de la procédure administrative qui s'est déroulée devant le ministre du travail à la suite du recours hiérarchique formé par la société Derichebourg Propreté ;

- le ministre chargé du travail n'a mentionné, dans la décision litigieuse, que quatre des cinq mandats qu'il détenait, en omettant le mandat de représentant syndical au comité central d'entreprise ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- son licenciement ne pouvait être motivé par le refus de se rendre à sa nouvelle affectation deux ans auparavant (l'avenant au contrat de travail proposé le 3 juillet 2007 ayant été refusé le 31 juillet 2007) ;

- il lui a été proposé une modification substantielle de son contrat de travail ; en effet, la réorganisation du pôle propreté de la société Derichebourg Propreté au niveau national et dans la région d'Ile-de-France n'a pas eu pour seule conséquence une modification du contrat de travail de l'ensemble des salariés exerçant la fonction d'inspecteur limitée à un changement d'intitulé (d'inspecteur à chef de secteur), mais entraîne une sortie de la convention collective de la propreté, qui ne prend en considération que la fonction d'inspecteur et non celle de chef de secteur ; en outre, la signature de l'avenant modifiant son contrat de travail aurait conduit à son affectation à un nouvel établissement (agence de Paris au lieu de celle de Montrouge 1) et aurait entraîné la perte de ses mandats représentatifs ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreurs de fait ; en effet, il s'est présenté à son poste de travail le 10 septembre 2007 et aucune fonction ne lui a alors été confiée ; il n'a donc pas refusé de travailler ; de plus, le poste de chef de chantier qui lui a été proposé sur l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle était déjà occupé par un salarié ; en outre, il a accepté un poste de formateur interne à temps complet ;

- la société Derichebourg Propreté a effectué un détournement de pouvoir en le maintenant dans une situation d'absence de fourniture de travail, afin de justifier un prétendu manquement fautif ;

- il a fait l'objet d'une discrimination syndicale dès lors que les salariés qui ont accepté de signer l'avenant à leur contrat de travail sont devenus chefs de secteur, et que ceux qui l'ont refusé sont demeurés inspecteurs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2015, et un nouveau mémoire, enregistré le 21 septembre 2015, la société Derichebourg Propreté, représentée par Me Cennamo, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge de M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 16 novembre 2018.

Un mémoire a été produit par la société Derichebourg Propreté le 19 novembre 2018, soit après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C...substituant Me Bledniak, avocat de M.D..., et de Me Cennamo, avocat de la société Derichebourg Propreté.

Considérant ce qui suit :

1. La société Derichebourg Propreté a demandé par lettre du 26 juin 2009 l'autorisation de licencier M.D..., salarié depuis 1994, qui exerçait la fonction d'inspecteur avec la classification MP3, et qui bénéficiait des mandats de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'Agence Paris 96, de délégué syndical de l'Agence Paris 96, de représentant syndical au comité d'établissement de la région IDF Tertiaire Siège et de délégué syndical central adjoint. Par une décision du 25 août 2009, l'inspectrice du travail de la dixième section du Val-de-Marne a refusé ce licenciement. A la suite du recours hiérarchique formé par la société Derichebourg Propreté, le ministre chargé du travail, par la décision contestée du 22 janvier 2010, a annulé la décision en date du 25 août 2009 de l'inspectrice du travail de la dixième section du Val-de-Marne et a autorisé le licenciement de M.D.... Par le jugement attaqué du 28 décembre 2012, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. D...tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 22 janvier 2010. Par une ordonnance du 17 mai 2013, le président de la 3ème chambre de la Cour a rejeté la requête de M.D.... Par une décision du 10 décembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance du 17 mai 2013 du président de la 3ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris et a renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.(...)" et aux termes de l'article 18 de la même loi : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre, les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. (...) ".

3. Si, en excluant les décisions prises sur demande de l'intéressé du champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, le législateur a entendu dispenser l'administration de recueillir les observations de l'auteur d'un recours gracieux ou hiérarchique, il n'a pas entendu pour autant la dispenser de recueillir les observations du tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits. Il suit de là qu'il ne peut être statué sur un tel recours qu'après que le bénéficiaire de la décision créatrice de droits a été mis à même de présenter ses observations, notamment par la communication du recours.

4. Il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du travail du Val-de-Marne a adressé un courrier le 21 octobre 2009 à M.D... l'informant du recours hiérarchique formé par la société Derichebourg Propreté auprès du ministre chargé du travail à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de le licencier et lui adressant un copie de ce recours hiérarchique. D'une part, la circonstance que, par une erreur de plume, le directeur départemental du travail du Val-de-Marne a mentionné, une seule fois dans l'ensemble de la lettre du 21 octobre 2009, un autre employeur que la société Derichebourg Propreté, est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie dès lors qu'aucune ambiguïté quant à l'identité de l'auteur du recours hiérarchique n'est possible. D'autre part, si M.D... soutient que ce recours hiérarchique n'était pas joint au courrier du 21 octobre 2009 du directeur départemental du travail du Val-de-Marne, ce courrier, qui au demeurant conviait l'intéressé à un entretien à la direction départemental du travail le 4 novembre 2009, a mis à même M.D... de demander la production, ou au moins la consultation, de ce recours hiérarchique. De même, si M.D... soutient que la demande d'autorisation de licenciement du 26 juin 2009, ainsi que les pièces communiquées par la société Derichebourg Propreté devant l'inspecteur du travail, ne lui ont pas été communiquées, il lui était loisible de les demander en premier lieu à l'inspecteur du travail, puis ensuite lors de l'instruction du recours hiérarchique formé par la société Derichebourg Propreté, dès lors qu'il a été mis à même de le faire. Or il ne ressort pas du dossier qu'une telle demande ait été faite. Enfin, les rapports administratifs rédigés par l'administration lors de l'instruction d'un recours hiérarchique n'ont pas à être communiqués au salarié intéressé.

5. En deuxième lieu, la décision contestée du 22 janvier 2010 relève, à la fin de ses motifs, " l'absence de lien entre la procédure de demande d'autorisation de licenciement et le mandat du salarié. ". Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, elle comporte l'énoncé des éléments de droit et de faits qui en constituent le fondement, notamment pour ce qui concerne le lien entre la demande de licenciement et les mandats représentatifs détenus par le salarié intéressé, et, dès lors, étant suffisamment motivée, ne méconnaît pas ainsi les dispositions de l'article R. 2421-5 du code du travail selon lesquelles " la décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2327-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise désigne un représentant au comité central d'entreprise choisi soit parmi les représentants de cette organisation aux comités d'établissement, soit parmi les membres élus de ces comités. ", et aux termes de l'article D. 2143-4 du même code : " Les nom et prénoms du ou des délégués syndicaux, du délégué syndical central et du représentant syndical au comité d'entreprise sont portés à la connaissance de l'employeur soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit par lettre remise contre récépissé. ".

7. Si M. D...soutient qu'il était titulaire d'un mandat de représentant syndical au comité central d'entreprise de la société Derichebourg Propreté, dont la mention aurait été omise dans la décision contestée du 22 janvier 2010, en se prévalant d'un courrier du 18 mars 2008 de la fédération nationale des ports et docks CGT, adressé au président de la société Derichebourg Propreté, ayant pour objet la confirmation de la désignation de M. D...comme représentant syndical au comité central d'entreprise, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en application de l'accord collectif signé le 12 septembre 2007 modifiant le périmètre et le nombre des établissements au sein de la société Derichebourg Propreté et du protocole d'accord préélectoral signé le 27 mars 2008, des élections professionnelles ont eu lieu au sein de la société les 13 novembre 2008 (1er tour) et 15 janvier 2009 (2ème tour). Par suite, le mandat de représentant syndical au comité central d'entreprise détenu par M. D...a pris fin lors de ce renouvellement des institutions représentatives et, par un courrier du 28 mai 2009, la fédération nationale des ports et docks CGT a indiqué à la société Derichebourg Propreté qu'elle désignait M. A...B...comme nouveau représentant syndical au comité central de cette société. Ce courrier, contrairement à ce que soutient le requérant, a été reçu le 3 juin 2009, comme l'indique un tampon d'arrivée de la direction des ressources humaines de la société. En outre, ni les dispositions précitées de l'article D. 2143-4 du code du travail, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire du code du travail, ne prévoient que cette désignation par la fédération nationale des ports et docks CGT ait dû être notifiée au syndicat CGT des agents de propreté, à l'inspection du travail et aux intéressés. Enfin, et en tout état de cause, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2327-6 du code du travail que chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ne peut désigner qu'un seul représentant au comité central d'entreprise. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée du 2 février 2010 aurait omis de mentionner le mandat de représentant syndical au comité central d'entreprise de la société Derichebourg Propreté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ".

9. M. D...soutient que la décision litigieuse d'autorisation de licenciement ne pouvait être motivée par le refus de se rendre à sa nouvelle affectation après qu'il a, le 31 juillet 2007, refusé l'avenant à son contrat de travail qui lui avait été soumis le 3 juillet 2007. Il ressort toutefois tant de la demande d'autorisation de licenciement que des motifs de la décision litigieuse autorisant celui-ci que M. D...a opposé huit refus successifs, entre le 31 juillet 2007 et le 18 mai 2009, aux postes qui lui ont été proposés par son employeur. Par suite, dès lors que le salarié a fait preuve d'un comportement fautif identique, les dispositions précitées de l'article L. 1332-4 du code du travail n'ont pas été méconnues par l'employeur, l'entretien préalable ayant eu lieu le 28 mai 2009, soit moins de deux mois après le dernier refus opposé par M.D....

10. En cinquième lieu, le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute. En cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

11. Il ressort des pièces versées au dossier que la société Derichebourg Propreté a décidé d'une réorganisation de son pôle propreté au niveau national et au niveau de la région Ile-de-France (notamment une direction régionale d'Ile-de-France et cinq agences ayant un ressort géographique ont été instituées, et les fonctions de chef d'agence et de chef de secteur ont été créées), après avoir consulté les instances représentatives de l'entreprise, afin de sauvegarder sa compétitivité. Du fait de cette réorganisation, il a été proposé par lettre du 3 juillet 2007 à M.D..., comme à tous les autres salariés de l'entreprise exerçant la fonction d'inspecteur, de signer un avenant à son contrat de travail, faisant explicitement référence à cette réorganisation, qui lui proposait l'emploi de chef de secteur, le lieu de travail étant " les secteurs géographiques rattachés à l'agence de Paris. Toutefois, en raison de la mobilité qu'impose notre profession, vous pourrez être affecté à une autre agence située en région parisienne. ".

12. D'une part, dès lors que tant le contrat de travail initial de M.D..., signé le 4 janvier 1994 avec la société C'Prop 92, que l'avenant à ce contrat de travail signé le 17 octobre 2005 comportaient déjà une clause de mobilité, qui, dans son dernier état, stipulait que " M. E...exercera ses fonctions sur le site de Bagneux ainsi qu'en tous les établissements de la société Alliance et des filiales de celle-ci, et en tout lieu nécessitant son intervention, eu égard à ses fonctions qui sont les siennes, à la seule demande de la direction ", le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'avenant qui lui a été proposé le 3 juillet 2007 aurait, du fait du lieu d'exercice de l'activité professionnelle cité ci-dessus, été constitutif d'une modification du contrat de travail.

13. D'autre part, si M. D...soutient que son affectation à l'agence de Paris prévue par l'avenant proposé le 3 juillet 2007 lui aurait fait perdre son mandat de délégué syndical et de secrétaire du comité d'établissement, qui étaient rattachés à l'établissement de Montrouge 1, il résulte non seulement de l'article L. 2143-10 code du travail que le mandat de délégué syndical subsiste en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, mais encore de l'article 8.1 de l'accord d'entreprise relatif aux cadres et modalités de la représentation du personnel et à l'exercice du droit syndical signé le 12 septembre 2007 que " les parties s'inscrivent dans la perspective de procéder à la mise en place des comités d'établissement dans un cadre conforme aux dispositions du présent accord dans les plus brefs délais suivants sa signature et au plus tard le 31 janvier 2008. Toutefois, de convention expresse, les mandats détenus par les représentants du personnel ou les représentants syndicaux au sein des actuels comités d'établissement sont prorogés jusqu'à cette date ", le protocole d'accord préélectoral subséquent précisant que le premier tour aurait lieu le 13 novembre 2008 pour le comité d'établissement et le 14 novembre 2008 pour les délégués du personnel, le second tour étant prévu respectivement les 15 et 16 janvier 2009. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que l'avenant proposé le 3 juillet 2007 lui aurait fait perdre ses mandats représentatifs.

14. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M.D..., qui exerçait la fonction d'inspecteur, était classé à l'échelon de maîtrise MP5. Si le requérant fait référence à un accord sur la classification du 1er juillet 1994 annexé à la collective nationale des entreprises de propreté et services associés, cet accord a été annulé et remplacé par un accord du 25 juin 2002 qui précise que " les appellations usuellement attribuées recouvrent dans chaque entreprise des postes de travail souvent bien différents. L'attribution de la qualification du salarié doit être faite à partir de l'évaluation de chaque emploi. / Les emplois repères sont définis en fonction de tous les critères classants du niveau et de l'échelon correspondants. / Les emplois repères proposés au présent accord constituent une liste non exhaustive et un seuil minimum de positionnement. / Le classement dans un niveau d'emploi et échelon dépend des missions réellement effectuées au(x) poste(s) de travail eu égard aux critères classants définis. " et qui fait état non de dénominations de poste, mais de trois critères : l'autonomie-initiative, la technicité et la responsabilité. Par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le poste proposé, celui de chef de secteur, dont les missions sont quasiment identiques à celles exercées auparavant par les inspecteurs et qui est classé au même échelon de maîtrise MP5, lui aurait fait perdre, par rapport à celui d'inspecteur qu'il occupait antérieurement, son statut comportant une grille de salaire et d'évolution des carrières.

15. Il résulte de ce qui précède que l'avenant à son contrat de travail proposé le 3 juillet 2007 à M.D..., dont les seuls apports sont le changement de dénomination (d'inspecteur à chef de secteur), à classification identique (échelon de maîtrise MP5) et avec des missions similaires, et un champ géographique d'exercice de l'activité un peu différent (en réalité plus restreint, puisque limité à la région parisienne), ne constitue pas une modification substantielle de son contrat de travail, mais un simple changement dans ses conditions de travail.

16. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D...a refusé, comme il a été dit, le 31 juillet 2007 de signer l'avenant à son contrat de travail qui lui avait été proposé par lettre du 3 juillet 2007 ; par suite, il ne saurait se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, qu'il se serait présenté à la première réunion réunissant les douze inspecteurs de son agence le 10 septembre 2007 mais qu'on ne lui aurait pas confié de travail. M. D...a ensuite refusé un poste de formateur à mi-temps dont la société Derichebourg Propreté soutient qu'il aurait pu évoluer vers un temps plein au terme de quelques mois. Il a refusé le 22 février 2008 la proposition faite le 21 février 2008 d'une affectation à l'agence Nord à compter du 6 mars 2008. Le 18 avril 2008, la société Derichebourg Propreté lui a proposé de signer un avenant à son contrat de travail en qualité de formateur interne à temps complet à compter du 2 mai 2008 ; si M. D...soutient avoir signé cet avenant, en tout état de cause, il ne s'est toutefois pas présenté le 2 mai à son poste de travail, et a justifié ultérieurement son refus au motif qu'il avait demandé le même statut CA2 qu'un collègue formateur interne, ainsi qu'un véhicule de fonction à quatre portes ; par un courrier du 16 juin 2008, la société Derichebourg Propreté a constaté son refus d'accepter ce poste, ce qui n'a pas été contesté par M.D.... La société lui a proposé le 16 juin 2008 une affectation comme chef de secteur au sein de l'agence de Paris à compter du 23 juin 2008, que M. D...a refusée. La société Derichebourg Propreté lui a proposé le 22 août 2008 un poste de chargé de mission Formation et sécurité, que M. D...a refusé le 19 septembre 2008 aux motifs qu'il avait déjà accepté l'offre qui lui avait été faite d'un poste de formateur interne à temps plein et que l'entreprise ne lui proposait qu'un véhicule utilitaire au lieu d'un véhicule de fonction ayant cinq portes et ne portant aucun sigle de la société Derichebourg. La société Derichebourg Propreté lui a proposé le 14 octobre 2008 à nouveau un poste de chef de secteur à l'agence de Paris ; par un courrier du 23 octobre 2008, qui est resté sans réponse, elle a constaté l'absence de prise de poste et l'a mis en demeure soit de refuser expressément ce poste, soit de justifier de son absence. Enfin, la société Derichebourg Propreté lui a proposé le 24 avril 2009 une nouvelle offre de chef de secteur à l'agence de Paris, à compter du 4 mai 2009, en lui demandant de prendre contact avec le chef d'agence, à laquelle M. D...n'a pas donné suite. Les différents courriers de proposition de poste adressés par la société Derichebourg Propreté à M. D...précisaient que ces postes ne constituaient pas une modification de son contrat de travail dans la mesure où elles étaient conformes à la clause de mobilité de son contrat de travail et qu'elles ne s'accompagnaient pas d'un changement notable de ses fonctions, et insistaient, pour les derniers d'entre eux, sur la circonstance qu'un nouveau refus de sa part serait constitutif d'une faute. Par suite, la succession de refus opposée par M. D...aux différents postes qui lui ont été proposés, dont la matérialité, contrairement à ce qu'il soutient, est établie, est constitutive d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges.

17. En septième lieu, M. D...reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance tiré de ce qu'il aurait fait l'objet d'une discrimination syndicale ; il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le Tribunal administratif de Melun.

18. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Derichebourg Propreté aurait effectué un " détournement de pouvoir " à l'encontre de M.D... ; notamment, il résulte de ce qui a été précisé au point 16 ci-dessus que M.D... n'est pas fondé à soutenir que la société Derichebourg Propreté l'aurait à dessein maintenu dans une situation d'absence de fourniture de travail afin de justifier un manquement fautif de sa part.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 décembre 2012, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 janvier 2010 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la dixième section du Val-de-Marne, en date du 25 août 2009, et a autorisé son licenciement. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D...le paiement à la société Derichebourg Propreté de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à la société Derichebourg Propreté une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.F..., à la ministre du travail et à la société Derichebourg Propreté.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBER

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA00262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA00262
Date de la décision : 06/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CABINET GEOFFREY BARTHELEMY CENNAMO

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-12-06;15pa00262 ?
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