Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...et M. G...A...ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 par lequel le maire de Trocy-en-Multien a refusé de leur délivrer un permis d'aménager à fin de réalisation d'un lotissement de 4 lots à bâtir sur un terrain sis 10-12 rue de Beauval, ensemble la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1601596 du 18 avril 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 6 juin 2018 et 11 novembre 2018, M. D...A...et M. G...A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1601596 du 18 avril 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2015 du maire de Trocy-en-Multien leur refusant la délivrance d'un permis d'aménager à fin de réalisation d'un lotissement de 4 lots à bâtir, ensemble la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de Trocy-en-Multien de leur délivrer un permis d'aménager dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Trocy-en-Multien une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de la violation, par l'article UB 6 du plan d'occupation des sols, du principe de densification issu de la loi ALUR et du SDRIF n'était pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- le jugement est irrégulier car il a insuffisamment répondu, eu égard à leur argumentation de première instance, au moyen tiré de la contradiction entre le rapport de présentation et les dispositions de l'article UB 6 ;
- l'article UB 6 du règlement du plan d'occupation des sols de Trocy-en-Multien, qui empêche les constructions au-delà de la bande de constructibilité de 20 mètres à partir de l'alignement, est contradictoire avec l'objectif de densification des zones urbaines affiché dans le rapport de présentation du plan ;
- il est illégal au regard de l'objectif de densification issu de la loi dite ALUR du 24 mars 2014 ;
- il est illégal car incompatible avec les objectifs du schéma directeur de la région Ile-de-France en matière de densification ;
- il est incompatible avec le principe d'équilibre figurant à l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2018, la commune de Trocy-en-Multien, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge des consorts A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par les consorts A...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,
- les observations de Me B..., représentant les consortsA..., et de Me E..., représentant la commune de Trocy-en-Multien.
Une note en délibéré présentée pour MM. D...et G...A...a été enregistrée le 19 novembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. MM. D...et G...ont obtenu le 5 novembre 2014 un certificat d'urbanisme pré-opérationnel positif pour la création d'un lotissement de quatre terrains à bâtir sur les parcelles cadastrées section ZD numéros 5, 47, 48 bet 49 leur appartenant et sises 10-12 rue de Beauval à Trocy-en-Multien en Seine-et-Marne. La demande de permis d'aménager déposée le 22 avril 2015 pour la réalisation de ce lotissement a été rejetée le 18 septembre 2015 par le maire de Trocy-en-Multien, au motif que le projet méconnaissait les dispositions de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols. Les consorts A...ont formé contre ce refus un recours gracieux, qui a été rejeté implicitement. Ils font appel du jugement du 18 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2015 refusant le permis d'aménager et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les consorts A...soutiennent que c'est à tort que le jugement a écarté comme non assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé le moyen tiré de la méconnaissance du principe de densification urbaine ressortant de la loi dite ALUR et du schéma directeur de la région Ile de France. A supposer même qu'ils aient ainsi entendu invoquer un moyen d'irrégularité du jugement tiré de son insuffisante motivation sur ce point, il est constant que malgré de longs développements consacrés au " principe de densification ", les requérants n'ont invoqué en première instance aucune disposition précise de la loi dite ALUR ou du schéma directeur de la région Ile de France, ni expliqué comment l'éventuelle méconnaissance de dispositions de ces textes largement postérieurs pourrait entrainer l'illégalité d'une disposition du plan d'occupation des sols adopté en 1992. Dès lors les premiers juges ont pu sans entacher leur jugement d'insuffisance de motivation écarter ce moyen comme non assorti de précisions suffisantes.
3. En second lieu, les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 3 du jugement litigieux au moyen tiré de la contradiction entre le rapport de présentation du plan d'occupation des sols et des dispositions de l'article UB 6 du règlement de ce plan.
Sur le bien-fondé :
4. Le refus de permis d'aménager litigieux est motivé par la méconnaissance des dispositions de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols de Trocy-en-Multien adopté par délibération du 2 décembre 1992 et alors en vigueur. Cet article UB 6 dispose : " Les constructions peuvent s'implanter soit à l'alignement, soit à une distance de l'alignement au plus égale à 20 mètres. / Aucune construction ne pourra être édifiée au-delà d'une profondeur de 40 mètres mesurés à partir de l'alignement sauf s'il s'agit d'annexes qui ne sont affectées ni à l'habitation ni à une activité et dont la hauteur n'excède pas 3 mètres ainsi que des extensions modérées des constructions existantes régulièrement autorisées ". MM. A... ne contestent pas que leur projet de créer quatre lots à bâtir au fond des parcelles dont ils sont propriétaires et qui sont déjà bâties en façade sur la rue de Beauval méconnait ces dispositions. Ils se bornent à demander à la Cour d'écarter l'application des dispositions de l'article UB 6 du plan d'occupation des sols au motif qu'elles seraient entachées d'illégalité.
5. En premier lieu, le rapport de présentation du plan d'occupation des sols mentionne parmi les objectifs d'aménagement du bourg de Trocy-en-Multien le " remplissage des tissus urbains existants " et " la création d'une zone d'urbanisation future entre le bourg ancien et les lotissements de façon à assurer une liaison bâtie sur l'ensemble du bourg ". S'agissant de la zone UB dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet litigieux, le rapport indique qu'elle correspond à " l'extension spontanée de Trocy-en-Multien " sous forme de maisons d'habitation individuelles le long des axes existants et que, afin d'assurer la liaison de cette zone avec le bourg ancien et son intégration dans le site, " une attention particulière est portée à la végétation, aux plantations et aux clôtures ". Il résulte également de ce rapport de présentation que si les auteurs du plan avaient, pour la zone UA correspondant au centre du bourg, l'objectif de maintenir sa " densité forte " et son unité architecturale avec des maisons implantées en ordre continu, ils ont entendu conserver un bâti plus aéré en zone UB, et particulièrement en zone UBb. S'il est constant que la partie arrière de certaines des vastes parcelles ainsi classées en zone UB n'est pas, dans le cadre du plan d'occupation des sols ainsi adopté en 1992, constructible, cette circonstance ne peut être regardée comme contraire à l'objectif de " remplir les tissus urbains existants " puisque ces parcelles, bâties le long des axes routiers et qui jouxtent des zones agricoles ou naturelles, ne peuvent être regardées comme insérées dans le " tissu urbain existant ". Dès lors, aucune contradiction manifeste entre les dispositions du rapport de présentation du plan et celles de l'article UB 6 du règlement qui empêchent en zone UB l'implantation de constructions à plus de quarante mètres des voies ne ressort des pièces du dossier.
6. En deuxième lieu, la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a modifié certaines dispositions du code de l'urbanisme, notamment concernant les plans locaux d'urbanisme, afin de " lutter contre l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers ", et a édicté, par ses articles 157 et 158, des " mesures de densification " en modifiant notamment les règles régissant le contenu des règlements des plans locaux d'urbanisme. S'il résulte de cette loi que les plans locaux d'urbanisme ne peuvent plus fixer de " coefficient d'occupation des sols " ou de taille minimale des terrains constructibles, et que cette règle nouvelle peut dans une certaine mesure être invoquée à l'appui d'une demande d'autorisation d'urbanisme pour écarter les dispositions contraires de plans locaux d'urbanisme en vigueur, la loi n'interdit pas par principe la fixation ou l'application de règles relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies, comme celle qui figure à l'article UB 6 du règlement du plan d'occupation des sols de Trocy-en-Multien. Si les requérants soutiennent qu'en l'espèce le maintien du plan d'occupation des sols ancien contredit les actuels objectifs de densification de l'urbanisation, il est constant que la loi qu'ils invoquent a prévu la caducité de ceux des plans d'occupation des sols qui ne seraient pas remplacés à bref délai par un plan local d'urbanisme intégrant les règles nouvelles. Aucune disposition de la loi du 24 mars 2014 ne peut donc être utilement invoquée pour écarter l'application de la règle litigieuse.
7. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige, le plan d'occupation des sols de la commune de Trocy-en-Multien devait déterminer " les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du règlement durable : / 1° L'équilibre entre : a) le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; b) l'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels (...) ". Le maintien, dans une petite commune rurale comme Trocy-en-Multien, d'une règle telle que celle de l'article UB 6 du plan d'occupation qui empêche de bâtir le fond des parcelles situées en zone UB, définie comme une zone " d'expansion spontanée " récente de l'urbanisation, n'est pas en lui-même incompatible avec l'objectif de développement maitrisé de l'urbanisation et le principe d'équilibre fixé par les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme.
8. Enfin, s'il ressort de la " carte de destination " annexée au schéma directeur de la région Ile-de-France approuvé par décret du 27 décembre 2013 que le bourg de Trocy-en-Multien, commune dont le territoire est constitué pour l'essentiel d'espaces agricoles, est identifié par ce schéma comme " espace urbanisé à optimiser ", ce bourg n'est classé ni parmi les " quartiers à densifier à proximité d'une gare " ni parmi les " secteurs à fort potentiel de densification ". Si, comme dit ci-dessus, la règle du plan d'occupation des sols de 1992 opposée aux requérants limite la constructibilité des fonds de parcelles d'une zone d'extension récente définie comme zone urbaine, cette disposition ne peut en tout état de cause être regardée comme incompatible en soi avec les orientations définies par le schéma directeur régional et devenue de ce fait illégale.
9. Pour les motifs exposés précédemment, MM. A...ne sont pas fondés à soutenir que le refus de permis d'aménager en litige est fondé sur une disposition du plan d'occupation des sols illégale dès l'origine ou devenue illégale.
10. Il résulte de ce qui précède que les consorts A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement litigieux, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Leur requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles à fin d'injonction et celle tendant, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Trocy-en-Multien, qui n'est pas partie perdante, au titre des frais de procédure qu'ils ont exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre solidairement à la charge des consorts A...une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Trocy-en-Multien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts A...est rejetée.
Article 2 : Les consorts A...verseront solidairement une somme de 1 500 euros à la commune de Trocy-en-Multien au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Trocy-en-Multien est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A..., à M. G...A...et à la commune de Trocy-en-Multien.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M.C...
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01914