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29/11/2018 | FRANCE | N°17PA03604

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 novembre 2018, 17PA03604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...et Michèle A...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la province Sud à leur payer la somme de 105 329 269 F CFP en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'arrêté interruptif de travaux du 15 octobre 2013 pris par le maire de Nouméa au nom de la province Sud et annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 14PA05150 du 23 février 2016.

Par un jugement n° 1700094 du 28 septembre 2017, le tribunal adm

inistratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...et Michèle A...ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de condamner la province Sud à leur payer la somme de 105 329 269 F CFP en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'arrêté interruptif de travaux du 15 octobre 2013 pris par le maire de Nouméa au nom de la province Sud et annulé par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 14PA05150 du 23 février 2016.

Par un jugement n° 1700094 du 28 septembre 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2017 et un mémoire enregistré le 7 novembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me Penaud, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700094 du 28 septembre 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de condamner la province Sud à leur verser la somme de 105 329 269 F CFP en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de leur demande préalable par l'administration ;

3°) de mettre à la charge de la province Sud le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté d'interruption des travaux pris au nom de la province Sud était infondé et fautif car l'édification du mur de soutènement en litige était régulière ;

- ils ont dû supporter le coût de la privation illégale de la jouissance de leur propriété, soit un préjudice d'un montant de 35 875 699 francs CFP ;

- les irrégularités commises par le maire de Nouméa ont également eu pour effet de laisser à leur charge les intérêts des emprunts bancaires souscrits pour le financement des travaux qui n'ont pu être réalisés, soit un préjudice d'un montant de 7 708 270 francs CFP ;

- l'arrêt irrégulier des travaux a empêché M. A... de bénéficier des équipements domotiques qui auraient dû être installés dans son habitation et qui étaient requis par son état physique et son handicap, ce qui a nécessité le recours à une auxiliaire de vie supplémentaire, leur occasionnant un préjudice d'un montant de 4 306 350 francs CFP ;

- l'arrêt du chantier avant sa mise hors d'eau et hors d'air n'a pas permis la finition des crépis, ni d'effectuer la pose de toutes les huisseries des combles ce qui a nui à l'étanchéité de la construction et provoqué l'oxydation des ferraillages de la structure, leur occasionnant, du fait de l'ensemble des frais résultant des travaux de reprise, un préjudice d'un montant de 22 258 746 francs CFP ;

- afin de préserver leurs intérêts et de défendre leurs droits, ils ont été contraints d'engager de nombreux frais pour s'assurer le concours d'auxiliaires de justice, pour un montant de 10 394 957 francs CFP ;

- les troubles dans leur condition d'existence correspondent à un préjudice évaluable à un montant de 2 983 290,96 francs CFP ;

- leur préjudice moral doit être évalué à la somme de 21 801 956 francs CFP.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 10 novembre 2011, la province Sud, représentée par Me Lazennec, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est mal dirigée, sa responsabilité ne pouvant être recherchée dès lors que, depuis la modification de l'article L. 122-20 du code des communes de Nouvelle-Calédonie par l'article 3 de la loi n° 2009-970 du 3 août 2009, l'interruption des travaux est décidée par le maire au nom de la commune ;

- le vice de forme dont est entaché l'arrêté interruptif n'est pas susceptible d'engager la responsabilité de l'administration ;

- l'arrêté interruptif était justifié au fond ;

- les préjudices allégués ne sont pas démontrés.

Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2018, la commune de Nouméa, représentée par la SCP Garreau Bauer-Violas Feschotte-Desbois, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 5 000 euros à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête a été à juste titre dirigée contre la province Sud, le maire de Nouméa ayant agi en son nom ;

- l'arrêté interruptif était justifié au fond ;

- le comportement fautif de l'administration n'a pas été invoqué dans la demande préalable ni devant le tribunal administratif et ne peut l'être directement devant la Cour ;

- le lien de causalité entre les préjudices et les fautes alléguées n'est pas démontré ;

- la réalité des préjudices n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des communes de la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi n° 2009-970 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d'ordonnances ;

- la délibération n° 19 du 8 juin 1973 relative au permis de construire dans la province Sud ;

- le code de justice administrative.

Vu l'avis du Conseil d'État n° 259472 du 12 décembre 2003.

Vu les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Nguyên Duy, rapporteur public,

- les observations de Me Pénaud, avocat de M. et MmeA..., et de Me Lazennec, avocat de la province Sud.

1. Considérant que Mme A... a sollicité le 18 novembre 2009 de la commune de Nouméa l'autorisation de construire une villa de type F5 en R-1 sur le lot n° 228-lotissement Domaine Tuband ; que, par un arrêté n° 2010/36 du 12 janvier 2010, le maire a accédé à cette demande et lui a délivré l'autorisation de construire l'habitation telle que décrite dans la demande initiale ; qu'à l'occasion d'une visite de contrôle du chantier par un agent municipal, il a été constaté que l'intéressée ne respectait pas les prescriptions de l'autorisation de construire ; que, par un courrier des services municipaux du 8 mars 2012, elle a été mise en demeure de présenter une demande de permis de construire modificatif " dans un délai d'un mois à compter de la réception de la présente lettre " et de procéder à la destruction des ouvrages non conformes à l'autorisation ; qu'un arrêté du 13 mars 2012 du maire de Nouméa a prescrit l'interruption des travaux avant d'être retiré par arrêté du 5 avril 2012 après que MmeA..., qui avait le 19 mars 2012 déposé une demande de permis de construire modificatif, s'est engagée à respecter les termes de son autorisation de construire ; que l'arrêté de permis de construire du 12 janvier 2010 a été modifié le 13 novembre 2012 afin d'autoriser les travaux supplémentaires envisagés par la pétitionnaire ; que les travaux ont été à nouveau interrompus par un arrêté du 17 mai 2013 modifié pour une erreur d'adresse le 2 juillet et retiré par le maire le 17 septembre 2013 au motif qu'il n'avait pas été précédé d'un procès-verbal de constat d'infraction régulier ; qu'un agent de police judiciaire de la commune de Nouméa ayant, par un procès verbal dressé le 14 octobre 2013, constaté que la construction ne respectait pas les prescriptions de son autorisation de construire et relevé une infraction aux règles d'urbanisme, le maire de Nouméa a alors décidé, par un arrêté du 15 octobre 2013, l'interruption des travaux en cause, afin de prévenir " une aggravation et une extension de la construction litigieuse " ; que, sur appel de M. et Mme A..., la cour administrative d'appel de Paris a annulé cet arrêté par un arrêt n° 14PA05150 du 23 février 2016 au motif qu'il était insuffisamment motivé ; que les intéressés ont, le 8 décembre 2016, saisi la province Sud d'une demande d'indemnisation du préjudice qu'ils estiment leur avoir été causé par l'illégalité de l'arrêté interruptif de travaux du 15 octobre 2013 ; que, la province Sud ayant rejeté cette demande indemnitaire préalable, les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'un recours de plein contentieux à fin de condamnation de la collectivité à la réparation du préjudice allégué ; que, par un jugement du 28 septembre 2017, dont ils relèvent appel devant la Cour, ce tribunal a rejeté leur demande ;

2. Considérant que la responsabilité pour faute d'une collectivité ne peut être engagée que s'il existe un lien de causalité direct entre cette faute et les préjudices allégués ; que si l'illégalité externe qui entache un arrêté d'interruption de travaux constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité, une telle faute ne peut donner lieu à réparation des préjudices subis par le bénéficiaire du permis de construire lorsque les circonstances de l'espèce sont de nature à justifier légalement au fond la décision d'interruption de travaux ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal du 14 octobre 2013, que l'arrêté interruptif de travaux du 15 octobre 2013 était motivé par l'édification, du coté est du lot, d'un mur de soutènement dépassant la hauteur limite de trois mètres imposée par le règlement du lotissement et non prévu dans le cadre du permis de construire accordé, non plus que le mur bordé d'une banquette que Mme A... a indiqué vouloir y adosser en limite séparative afin de réduire sa hauteur apparente ; que si M. et Mme A... soutiennent devant la Cour que l'édification de ce mur était régulière, il ne le démontrent nullement et ne contestent donc pas utilement le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, qui, après avoir relevé que le constat de ces deux infractions suffisait à justifier que le maire de Nouméa édictât un arrêté interruptif de travaux, a jugé par des motifs qu'il y a lieu d'adopter que les préjudices invoqués par les requérants ne trouvent pas leur origine dans ledit arrêté, et que la seule illégalité fautive entachant ce dernier, tenant au non respect de l'obligation de motivation, n'est pas de nature à avoir causé aux requérants un préjudice leur ouvrant droit à indemnisation ;

4. Considérant, en outre, que si M. et Mme A...soutiennent devant la Cour que la réitération d'arrêts interruptifs de travaux est constitutive d'une faute, il ne résulte pas de l'instruction que les arrêtés successifs pris par le maire de Nouméa antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 15 octobre 2013, s'ils ont été ensuite rapportés pour les motifs rappelés au point 1, n'auraient pas été justifiés, au fond, par le non-respect par Mme A... de son autorisation de construire ; que ces arrêtés, alors même qu'ils auraient été retirés en raison de leur irrégularité, n'ont donc pu causer les préjudices allégués par les requérants, lesquels se trouvaient, par leurs seuls agissements, en contravention avec les règles d'urbanisme qui leur étaient applicables ; que leurs conclusions indemnitaires sont donc vouées au rejet ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin pour la Cour de se prononcer sur la question de savoir si la responsabilité de la province Sud pouvait être légalement engagée du fait de l'action du maire de la commune de Nouméa, les intéressés ne sont, en tout état de cause, pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté leur demande ; que leur requête d'appel doit être rejetée, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative, dès lors que la province Sud n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la province Sud fondées sur les mêmes dispositions ; que celles de la commune de Nouméa doivent également être rejetés, ladite commune n'ayant pas la qualité de partie à l'instance au sens et pour l'application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la province Sud et celles de la commune de Nouméa fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et MichèleA..., à la province Sud et à la commune de Nouméa.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA003604


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03604
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : KRUST ET PENAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-29;17pa03604 ?
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