Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Mat Brothers Company a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 juin des années 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1509336/2-3 du 8 décembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février et 21 septembre 2017, la société Mat Brothers Company, représentée par Me Valent, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1509336/2-3 du 8 décembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;
3°) de mettre une somme de 7 400 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les factures établies par le cabinet GCC Genève ayant été produites, il appartient à l'administration fiscale de démontrer qu'elles sont dépourvues de contrepartie, ce qu'elle ne fait pas ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la succursale GCC Genève aurait été soumise en Suisse à un régime fiscal privilégié ;
- l'administration ne démontre pas non plus l'existence d'un lien de dépendance entre elle et les sociétés situées au Luxembourg et en Suisse.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Mat Brothers Company ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2017 à 12 heures.
Un mémoire a été produit par le ministre de l'action et des comptes publics le 16 octobre 2017 à 15 heures 07, postérieurement à la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Dalle,
- et les conclusions de Mme Mielnik Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société Mat Brothers Company a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans ses résultats des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 des honoraires facturés par le cabinet " GCC Genève ", succursale suisse de la société de droit luxembourgeois " GCC SA " ; que le service a estimé que ces honoraires constituaient des bénéfices transférés à une entreprise étrangère soumise à un régime fiscal privilégié, au sens du deuxième alinéa de l'article 57 du code général des impôts ; que la société Mat Brothers Company relève appel du jugement en date du 8 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a en conséquence été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; que la proposition de rectification du 6 août 2013 expose suffisamment les motifs pour lesquels le cabinet " GCC Genève " doit être regardé comme une entreprise soumise en Suisse à un régime fiscal privilégié ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation, sur ce point, de cette proposition de rectification doit, dès lors, être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, de brevets d'invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en Franceà des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un État étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. / Les dispositions du premier alinéa s'appliquent également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un des États ou territoires visés au même alinéa. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de rémunérations, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces rémunérations est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France ou a reçu un versement sur un compte tenu dans un organisme financier établi dans un État ou territoire soumis à un régime fiscal privilégié ;
4. Considérant que la société requérante conteste que le cabinet " GCC Genève " aurait eu la qualité d'entreprise soumise en Suisse à un régime fiscal privilégié, au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts ; qu'il ressort cependant d'un tableau établi par l'administration à partir de données fournies par la société Mat Brothers Company, que le cabinet " GCC Genève " a supporté en Suisse au cours de chacune des années 2010, 2011 et 2012 un impôt représentant 39,3 % de l'impôt qu'il aurait supporté en France s'il avait été établi dans ce pays, soit un impôt inférieur de plus de la moitié à l'impôt français ; que si la société Mat Brothers Company reproche au service de ne pas avoir tenu compte du taux réduit d'imposition prévu en France par les dispositions du b) du I de l'article 219 du code général des impôts, ni soustrait des bénéfices du cabinet " GCC Genève " des frais financiers supportés par celui-ci alors que les dispositions du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts permettent, en France, une telle déduction, le ministre fait valoir que la requérante n'a pas justifié que les associés du cabinet " GCC Genève " étaient des personnes physiques, comme les dispositions du b) du I de l'article 219 le prévoient, ni fourni d'élément de justification quant aux frais financiers supportés par ce cabinet ; que, dans ces conditions et faute pour la société Mat Brothers Company d'apporter des éléments de justification sur ces points, l'administration doit être regardée comme démontrant que le cabinet " GCC Genève " était soumis en Suisse à un régime fiscal privilégié, au sens du deuxième alinéa de l'article 238 A du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts que la société Mat Brothers Company supporte la charge d'établir que les rémunérations versées à la succursale GCC Genève relatives aux prestations de services que cette dernière prétend réaliser pour la société requérante au titre des exercices clos les 30 juin 2010, 2011 et 2012 correspondaient à des opérations réelles de prestations comptable et financière et ne présentaient pas un caractère exagéré ;
6. Considérant que l'administration a relevé que les factures en cause avaient toutes le même libellé, à savoir " assistance à la gestion commerciale pour votre activité hôtelière " et ne comportaient pas d'indications sur le détail des prestations réalisées, que le cabinet " GCC Genève " n'avait pas de salariés et sous-traitait la totalité de son activité aux membres du cabinet genevois Trittenfid chez qui il était domicilié,ou établie en France ; que, dans la mesure où la société " GCC SA " avait elle-même facturé des prestations d'assistance à la société Mat Brothers Company, il n'était donc pas établi que le cabinet Trittenfid avait agi en qualité de sous-traitant du cabinet " GCC Genève " et non de la société " GCC SA " ;
7. Considérant que la société requérante conteste les éléments ainsi réunis par le service et notamment que le cabinet " GCC Genève " n'aurait pas eu de personnel propre ; qu'elle produit des relevés d'horaires desquels il ressort que les prestations qui lui ont été facturées par le cabinet " GCC Genève " ont été accomplies par quatre personnes, parmi lesquelles MM. B...C...et A...D... ; qu'elle n'apporte cependant pas d'élément de nature à établir que ces personnes auraient été salariés ou employées par le cabinet " GCC Genève " ; qu'au contraire, elle produit elle-même une lettre de mission du 4 février 2005 dans laquelle la " Fiduciaire PatrickC... " apparaît clairement comme un prestataire indépendant vis-à-vis de la société Mat Brothers Company ; qu'elle précise elle-même que M. D...a " presté " directement pour la société qu'il dirige, c'est-à-dire la société " GCC SA " ; qu'elle admet que des prestations réalisées par M. C...ont été payées par compensation avec des prestations réalisées par M.D... ; que, dans ces conditions, elle ne peut être regardée comme apportant la preuve de la réalité des prestations facturées par le cabinet genevois et de ce que les charges litigieuses sont justifiées dans leur principe et leur montant ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Mat Brothers Company n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Mat Brothers Company est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mat Brothers Company et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique est).
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Jardin, président de chambre,
M. Dalle, président assesseur,
Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur, Le président,
D. DALLE C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA00484