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22/11/2018 | FRANCE | N°18PA02036

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 novembre 2018, 18PA02036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...veuve B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 septembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1718218/2-1 du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête et des pièces com

plémentaires, enregistrées sous le n° 18PA02036 le 16 juin 2018 et le 3 novembre 2018, Mme C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C...veuve B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 6 septembre 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1718218/2-1 du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées sous le n° 18PA02036 le 16 juin 2018 et le 3 novembre 2018, Mme C... veuveB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement n° 1718218/2-1 du 13 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 6 septembre 2017 ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans le délai de deux mois.

Elle soutient :

- reprendre les moyens de légalité externe et interne soulevés dans le cadre de la première instance ;

- que le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, sa fratrie réside en France et elle n'a plus aucun contact avec sa fille ;

- que ses ressources financières ne lui permettent pas de bénéficier dans son pays d'origine des traitements dont elle bénéficie en France ;

- qu'elle ne dispose d'aucune attache en Algérie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II°/ Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées sous le n° 18PA02643 le 1er août 2018 et le 3 novembre 2018, Mme C... veuveB..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 1718218/2-1 du 13 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre provisoire, dans l'hypothèse où le bureau d'aide juridictionnelle ne se serait pas encore prononcé sur sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il existe des risques que l'absence de suspension entraine des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle ne pourra pas bénéficier de soins dans son pays d'origine ;

- les moyens qu'elle a soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme C... veuve B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 5 juillet 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Guilloteau a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... veuveB..., ressortissante algérienne née en 1954, relève appel du jugement du 13 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 6 septembre 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Mme C...veuve B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 juillet 2018. Ainsi, ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise à l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet.

Sur la jonction :

3. Les présentes requêtes de Mme C...veuve B...sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 18PA02036 :

4. En premier lieu, par arrêté n° 2017-00158 du 25 août 2017, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 1er septembre 2017, le préfet de police a donné délégation à M. Laurent Stirnemann, conseiller d'administration de l'intérieur et de l'outre-mer, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Par suite, M. D..., signataire de l'arrêté contesté, était autorisé à signer les décisions relatives à la demande d'admission au séjour, ainsi que celles portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. L'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que, si l'état de santé de Mme C...veuve B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à 1'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'après un examen approfondi de sa situation, i1 ressort que Mme C...veuve B...ne remplit pas les conditions prévues par l'article 6-7 de 1'accord franco-algérien. La décision attaquée mentionne également que la circonstance que cinq membres de la fratrie de Mme C...veuve B...soient domiciliés sur le territoire national ne lui confère aucun droit au séjour au regard de la réglementation en vigueur, qu'elle n'atteste pas être démunie d'attaches familiales à l'étranger où résident sa fille et d'autres membres de sa famille et que compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée à sa vie privée et familiale. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent les décisions, et doit être regardé comme suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait.

7. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de police a pris en compte la situation familiale de Mme C...veuve B...et notamment la présence de sa fratrie en France avant de rejeter sa demande de titre de séjour. Ainsi, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de Mme C... veuve B...avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

8. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C... veuve B...à raison de son état de santé, le préfet de police s'est fondé sur l'avis du 3 juillet 2017 des médecins du collège de l'OFII qui ont estimé que si l'état de santé de Mme C... veuve B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les certificats médicaux dont se prévaut Mme C... veuveB..., en date notamment des 24 octobre, 4 et 16 novembre 2016, indiquent qu'elle a été traitée pour un cancer du sein en Algérie en 2013 et que le fait de rester en France lui permet d'assurer un suivi de sa maladie. Toutefois, ces certificats ne précisent pas en quoi consistent le traitement et le suivi de Mme C...veuve B...en France et sont insuffisamment circonstanciés pour établir que le suivi nécessaire à son état de santé serait indisponible en Algérie. Ils ne permettent donc pas à eux seuls de remettre en cause l'avis des médecins du collège de l'OFII. Mme C...veuve B...soutient, en outre, que ses ressources financières ne lui permettent pas de bénéficier des traitements dont elle bénéficie en France. Toutefois, d'une part, celle-ci ne précise le traitement ou le suivi pour lesquels ses ressources seraient insuffisantes et, d'autre part, elle ne démontre pas non plus que le système de protection sociale algérien ne pourrait pas prendre en charge ces éventuelles dépenses. Par suite, le préfet de police n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien et n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant de délivrer à Mme C... veuve B...le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement de ces dispositions.

10. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Mme C... veuve B...fait valoir qu'elle réside en France depuis juin 2015 où vivent ses trois soeurs et son frère de nationalité française et une de ses soeurs titulaires d'un certificat de résidence algérien valable jusqu'en 2027. Toutefois, Mme C... veuve B...ne conteste pas qu'elle n'est pas dépourvue de liens dans son pays d'origine où résident d'autres membres de sa famille et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 61 ans. Dans ces conditions, Mme C... veuve B...n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

12. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, Mme C... veuve B...n'est pas fondée à soutenir que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français seraient entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... veuve B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la requête n° 18PA02643 :

14. Le présent arrêt statuant au fond sur la requête n° 18PA02036, les conclusions de la requête n° 18PA02643 tendant à ce que soit prononcé le sursis à exécution du jugement attaqué deviennent sans objet et, en conséquence, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme C... veuve B...au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18PA02036 de Mme C... veuve B...est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18PA02643.

Article 3 : Les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...veuve B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 18PA02036, 18PA02643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02036
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : HAMIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-22;18pa02036 ?
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