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21/11/2018 | FRANCE | N°17PA01651

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 novembre 2018, 17PA01651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1514316/1-2 du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 mai 2017, 6 mars 2018 et

7 mars 2018, M. et MmeA..., représenté

s par MeC..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...A...ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2012 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1514316/1-2 du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 mai 2017, 6 mars 2018 et

7 mars 2018, M. et MmeA..., représentés par MeC..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne l'année 2012 :

- l'article L. 57 du livre des procédures fiscales a été méconnu, les montants des redressements étant inexpliqués et erronés, ce qui les a privés de la possibilité de formuler leurs observations ;

- la remise en cause des déficits industriels et commerciaux imputés n'est pas fondée ;

- la motivation des pénalités pour manquement délibéré est irrégulière ;

En ce qui concerne le redressement relatif à l'imputation de déficits industriels et commerciaux :

- l'administration ne peut invoquer l'absence de déclaration des contribuables et des SNC Mont Blanc et de la SARL Mont Royal au titre de l'année 2003 sans faire état des démarches qu'elle aurait entreprises pour les inviter à régulariser leur situation ;

- ils ont déposé leur déclaration 2003 ainsi que des déclarations rectificatives ;

- les corrections effectuées par le centre des impôts au titre des déficits antérieurs non imputables n'ont pas été prises en compte correctement ;

- les déficits reportables antérieurs à 2002 n'ont pas été pris en compte ;

- le mode de détermination de la quote-part des déficits résiduels de la société Mont Royal est sommaire ;

- les éléments de calcul fournis ne permettaient pas de présenter des observations dans le cadre de la procédure contradictoire ;

- le service aurait dû procéder à une vérification de comptabilité de toutes les sociétés ayant contribué aux déficits imputés par M. et Mme A...au titre de la période antérieure ;

- la qualification selon laquelle la société Mont Royal exerçait une activité de marchands de biens relevant des bénéfices industriels et commerciaux n'a jamais été remise en cause ni discutée de manière contradictoire au cours de la vérification de comptabilité antérieure de la société ni motivée dans la proposition de rectification adressée tant à la société Mont Royal qu'aux contribuables ;

- les titres de la SCI Ferme de Nuchon (FDN) étant inscrits au bilan d'une société relevant des bénéfices industriels et commerciaux, les déficits de cette SCI ne peuvent être regardés, en application des articles 8 et 238 bis K du code général des impôts, comme ayant un caractère civil, mais doivent être pris en compte selon les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux ;

- la société FDN a perçu des loyers sous la forme de la valorisation du droit d'usage de la vendeuse, qui s'assimile à un loyer de 10 ans payé d'avance ;

- l'article 15 II du code général des impôts ne s'applique pas dès lors que c'est le vendeur et non le propriétaire qui s'est réservé l'usage du bien ;

En ce qui concerne le redressement sur le fondement de l'abus de droit :

- les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus devant le comité de l'abus de droit fiscal, faute de convocation de M. et Mme A...devant ce comité lors de la séance ayant concerné l'ensemble des sociétés mises en cause ;

- l'obligation d'information du recours à l'assistance internationale, prévue à l'article

L. 188 A du livre des procédures fiscales, n'a pas été respectée ;

- le comité de l'abus de droit fiscal n'a pas eu communication des documents ainsi obtenus ;

- l'administration ayant omis de communiquer à la société BEP et à la société Mont Royal les documents recueillis auprès des autorités luxembourgeoises, la procédure de rectification est entachée de nullité au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- la demande de communication du rapport de vérification formulée par ces sociétés n'a pas été satisfaite ;

- la SCI BEP n'a commis aucun acte destiné à éluder ses charges fiscales ;

- la souscription au capital de la SCI BEP procède d'un projet immobilier ;

- la mise en oeuvre de la clause de retour à meilleur fortune ne procède pas de l'augmentation de capital de la société Interactive Entertainment mais du résultat positif constaté auparavant ;

- la SCI BEP ne peut avoir commis un abus de droit en souscrivant à une augmentation de capital dans ces conditions ;

- la souscription de la SNC Montebello au capital de la SCI BEP ne constitue ni un acte fictif ni un acte exclusivement motivé par un objectif d'atténuer ou d'éluder des charges fiscales ;

- les sociétés Montebello et Mont Royal n'ont pas commis d'abus de droit et la pénalité de 80 % ne leur est pas applicable ;

- tant l'associé direct de la société Montebello, la société Mont Royal, que l'associé de celle-ci, MonsieurA..., n'étaient redevables d'aucun impôt en l'absence de déclaration de déficit rectifié ;

- la SNC Montebello a souscrit au capital de la SCI BEP deux ans après les opérations litigieuses réalisées par cette dernière ;

- le taux de pénalités dont le service vérificateur entendait faire application n'a jamais été mentionné dans les propositions de rectifications adressées aux sociétés Mont Royal et Montebello ;

- la pénalité pour abus de droit n'est applicable qu'à l'année 2009, les années antérieures et postérieures à 2009 n'ayant donné lieu qu'à imputation des déficits fiscaux antérieurs à 2008 ; en conséquence l'avis de mise en recouvrement émis au titre de l'année 2010 est irrégulier, dès lors qu'il fonde les pénalités mises en recouvrement sur les seules dispositions de l'article 1743 du code général des impôts ;

- l'avis de mise en recouvrement pour les années 2008 à 2012 est nul en ce que les intérêts de retard ont été liquidés deux fois.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. et Mme A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au

7 mars 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme A... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2012 ;

Sur les impositions résultant de la remise en cause, au titre des années 2008 à 2011, de l'imputation sur le revenu de M. et Mme A...des déficits industriels et commerciaux provenant de la société Mont-Royal :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A...ont imputé sur leurs revenus des années 2008 à 2011 des déficits industriels et commerciaux nés au cours des années 2002 à 2005 ; que ces déficits provenaient de la SARL Mont Royal, dont M. A...est l'unique associé et qui a pour objet social, notamment, la location en meublé et la réalisation d'opérations de marchand de biens ; que lesdits déficits proviennent de résultats appréhendés par la SARL via la participation qu'elle détient dans la SNC Mont Blanc, laquelle détenait des titres de la SCI Ferme de Nuchon, elle-même à l'origine des résultats déficitaires dont s'agit, la seule activité de cette SCI depuis sa création consistant en la gestion d'une propriété sise à Divonne-les-Bains, qui n'a jamais été donnée à bail ; que l'administration fiscale a refusé la déduction des déficits litigieux au double motif que, l'activité génératrice des déficits en cause ayant un caractère civil, ces déficits n'étaient pas déductibles, et qu'aucun déficit ne pouvait être constaté en l'espèce ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le caractère commercial de l'activité de la société Mont-Royal n'aurait pas été discuté au cours de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet cette société au cours d'une année antérieure est en tout état de cause sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition menée à l'égard de M. A...au titre des années en cause dans la présente instance ; qu'ainsi qu'il a été dit, les rehaussements en litige ont été notamment motivés par le fait que l'activité de la SCI Ferme de Nuchon avait un caractère civil insusceptible de donner lieu à la déduction de déficits industriels et commerciaux ; que la circonstance que les propositions de rectification adressées à la société Mont-Royal et à M. et Mme A...n'aient pas écarté l'argument tiré de ce que cette dernière société avait une activité de marchand de biens génératrice de bénéfices industriels et commerciaux est en tout état de cause sans influence sur leur régularité formelle ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la proposition de rectification en date

du 20 décembre 2011, par laquelle l'administration a remis en cause le caractère déductible des déficits en provenance de la société Mont-Royal, indiquait avec précision les modalités de calcul des déficits en cause et les motifs du refus de déduction ; que le moyen tiré de ce que les éléments de calcul fournis ne permettaient pas de présenter des observations dans le cadre de la procédure contradictoire ne peut par suite qu'être écarté ;

5. Considérant, enfin, que contrairement à ce qui est soutenu, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le service était tenu, pour remettre en cause le caractère imputable des déficits déduits par les contribuables au titre des années en cause, de procéder à une vérification de comptabilité de toutes les sociétés ayant contribué aux déficits imputés par M. et Mme A...au titre de la période 2002 à 2006 ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages dont le contribuable a joui en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Ferme de Nuchon n'exerçait aucune activité génératrice de revenus ; qu'en effet, il est constant que le seul bien qu'elle détenait n'a jamais été donné à bail ; que la valeur du droit d'usage et d'habitation de dix ans que s'est réservé le vendeur lorsque la propriété a été acquise le 16 novembre 2000 et qui a donné lieu à un rabais obtenu sur le prix d'achat, ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu et en l'absence de bail, être regardée comme un loyer payé d'avance ; que les charges constitutives du déficit litigieux n'ayant pas été engagées en vue de la constitution d'un revenu, le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts, aux termes desquelles " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu " ne s'appliqueraient pas à la situation de l'espèce où la jouissance du bien a été réservée au vendeur, est en tout état de cause inopérant ; qu'il suit de là qu'aucun déficit ne peut être constaté à ce titre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, les droits détenus dans cette SCI étant inscrits, par l'intermédiaire de la SNC Montblanc, à l'actif de la SARL Mont-Royal, laquelle exercerait une activité commerciale, les résultats de la SCI devaient, en application des dispositions de l'article 238 bis K du code général des impôts, être calculés selon les règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux, est également inopérant, quelles que soient les modalités d'imposition de cette SARL ; qu'il suit de là que contrairement à ce qui est soutenu, M. A...ne peut se prévaloir à ce titre d'aucun déficit réalisé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que d'une part les corrections effectuées par le centre des impôts au titre des déficits antérieurs non imputables et d'autre part les déficits reportables antérieurs à 2002 n'ont pas été pris en compte, n'est en tout état de cause, en l'absence de toute précision sur l'origine et le montant de ces déficits et sur la nature et le montant de ces corrections, pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé et la portée ; que la seule circonstance que la société Mont-Royal ait déclaré, au titre de l'année 2001, un résultat déficitaire en provenance de quatre sociétés différentes et qu'elle ait poursuivi des activités dont il n'aurait pas été tenu compte n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du rehaussement qui procède du seul refus par le service d'imputer les déficits provenant de la société Ferme de Nuchon ; qu'en l'absence de tout élément précis permettant de constater que les déficits dont la déduction a été refusée aurait une autre origine que celle décrite au point précédent, la remise en cause des déficits déduits par M. et Mme A...ne saurait être valablement contestée au motif que le mode de détermination de la quote-part des déficits résiduels de la société Mont Royal serait sommaire ;

9. Considérant, enfin, qu'il résulte des points 6. et 7. que les déficits litigieux, constatés en provenance de la société Mont-Royal, n'étaient en tout état de cause pas déductibles ; que la circonstance que, contrairement à ce qu'a soutenu l'administration, les déficits nés en 2003 auraient été régulièrement déclarés est sans influence sur l'issue du litige ; qu'en tout état de cause, M. et MmeA..., à qui, contrairement à ce qu'ils soutiennent, incombe la charge d'établir la réalité des démarches qu'ils affirment avoir effectuées, n'établissent pas la réalité ni le contenu des déclarations qu'ils affirment avoir déposées au titre de l'année 2003 en se bornant à produire un courrier d'accompagnement de déclarations rectificatives dont rien ne permet d'établir qu'il a été effectivement adressé à l'administration fiscale ;

Sur les impositions résultant de la remise en cause sur le fondement de l'abus de droit, de l'imputation sur le revenu de M. et Mme A...des déficits réalisés en 2009 par la société Beg Er Preihr :

10. Considérant que l'administration a refusé la déduction d'une charge exceptionnelle née de la perte sur les titres souscrits par la SCI Beg Er Preihr (BEP) dans le capital d'une SARL Interactive Entertainment et réglée par incorporation d'une dette née de la circulation d'un billet à ordre considéré comme fictif, et en a tiré les conséquences au regard de l'impôt sur le revenu de M. et MmeA..., qui détenaient la SCI Beg Er Preihr par l'intermédiaire de la société Mont Royal et de la société Montebello ; qu'à l'issue de sa séance du 23 septembre 2014, le comité de l'abus de droit fiscal a confirmé la position du service et reconnu l'administration fondée à conséquemment appliquer au redressement la pénalité de 80 % ;

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. / Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration " ; que le moyen tiré de l'absence d'indications données au contribuable sur l'usage de la procédure d'assistance internationale en méconnaissance des dispositions de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales est inopérant, l'administration fiscale ne s'étant pas prévalue de la prolongation du délai de reprise prévue par lesdites dispositions ;

12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ; que, par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, le moyen tiré de ce que le service disposait d'informations obtenues des autorités luxembourgeoises, relatives à l'activité de sociétés ayant été impliquées dans les opérations qualifiées d'abus de droit, et qui n'auraient pas été communiquées à la société BEP et à la société Mont-Royal, n'entraine aucune méconnaissance desdites dispositions, ces informations n'ayant pas été utilisées pour fonder les rectifications ;

13. Considérant, en troisième lieu, que le comité de l'abus de droit fiscal a émis son avis sur la base des informations qui lui ont été transmises et dont il est constant qu'elles avaient été portées à la connaissance de la société BEP ; que la circonstance que des documents qui auraient été en la possession de l'administration, documents dont il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction qu'ils auraient été utilisés pour fonder les rehaussements en litige, n'aient pas été communiquées au comité est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition et ne saurait en outre, contrairement à ce qui est soutenu, inverser la charge de la preuve devant le juge de l'impôt ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que devraient être convoquées à la séance du comité de l'abus de droit fiscal des tiers par rapport au litige opposant un contribuable à l'administration fiscale, même si ces tiers sont intervenus dans les opérations constitutives d'abus de droit identifiées par le service ; que le moyen tiré de ce que les époux A...n'ont pas été convoqués aux séances du comité de l'abus de droit fiscal tenues dans le cadre de la procédure opposant l'administration aux différentes sociétés impliquées dans les opérations qualifiées d'abus de droit ne peut par suite qu'être écarté comme inopérant ; que ce moyen étant, ainsi qu'il vient d'être dit, inopérant, les premiers juges n'étaient pas tenus d'y répondre ; que la circonstance que certaines des sociétés en cause soient imposables selon le régime des sociétés des personnes et que M. et Mme A...soient les redevables de l'impôt établi sur la base des rehaussements notifiés à ces sociétés ne saurait imposer la convocation des époux A...à titre personnel aux séances du comité de l'abus de droit fiscal tenues dans le cadre de la procédure opposant le service à ces sociétés conformément aux dispositions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales ;

15. Considérant, en cinquième lieu, que si les requérants soutiennent que le rapport de vérification dont la communication avait été demandée à l'administration n'a pas fait l'objet d'une transmission, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales :

" Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ;

17. Considérant que la société BEP a souscrit le 27 décembre 2007 au capital de la société Interactive Entertainment ; que cette opération s'est matérialisée par l'endossement, au profit de cette dernière, d'un billet à ordre, émis à l'origine par la société Dione Holding, qui n'était la contrepartie d'aucune activité économique et n'était représentatif d'aucune dette identifiable de la part de cette dernière ; que le billet à ordre endossé étant fictif, l'augmentation de capital à laquelle il a permis de souscrire doit être également regardée comme ayant un caractère fictif ; qu'il n'a en outre jamais été justifié de la réalité de l'opération économique envisagée par la société Interactive Entertainment, l'augmentation de capital ayant été suivie d'une réduction de capital par annulation des titres de la société ; que la circonstance que les opérations susmentionnées n'aient pas eu pour objet de permettre à la société BEP, ni aux sociétés qui en détenaient directement ou indirectement les parts, d'éluder une quelconque imposition est sans influence sur la réalité de l'abus de droit constaté par l'administration et qui procède de la possibilité, reconnue à cette dernière par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, d'écarter les actes fictifs comme ne lui étant pas opposables ; qu'il en est de même en ce qui concerne M. et MmeA..., qui ont d'ailleurs été soumis à une imposition en conséquence du rehaussement litigieux ; que la réalité des projets immobiliers envisagés par la société Interactive Entertainment à la suite de l'augmentation de capital susmentionnée n'est pas établie par les pièces du dossier ; que les opérations litigieuses ayant un caractère fictif, le moyen tiré de ce que l'augmentation de capital en cause n'aurait pas été à l'origine de la clause de retour à meilleur fortune activée à l'encontre de la société Interactive Entertainment et ayant permis d'absorber, en conséquence de la dette procédant de ladite clause, la plus-value réalisée par la société Saint-Alix dont la société Interactive Entertainment avait préalablement fait l'acquisition, est inopérant ; que la circonstance que la SNC Montebello n'a souscrit au capital de la société BEP qu'après les opérations litigieuses réalisées par cette dernière est sans influence sur le caractère fictif de l'augmentation de capital à laquelle la société BEP a souscrit ni sur la validité des conséquences qui en ont été tirées, tant en droit qu'en pénalités, au niveau de M. et MmeA..., ses associés directs ou indirects ; qu'il en est de même de ce que la souscription de la SNC Montebello au capital de la SCI BEP ne constituerait ni un acte fictif ni un acte exclusivement motivé par un objectif d'atténuer ou d'éluder des charges fiscales et plus généralement de ce que les sociétés Montebello et Mont-Royal n'auraient commis aucun abus de droit ; que l'administration était par suite fondée à refuser la déductibilité d'une perte procédant d'un acte fictif qui ne lui était pas opposable ;

En ce qui concerne les pénalités :

18. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification adressée à M. et Mme A...contient le taux des pénalités dont ont été assorties les impositions mises à leur charge ; qu'aucune critique n'est en outre développée à cet égard à l'encontre de la procédure suivie à l'égard de la société de personnes BEP en application des dispositions de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance, qui manque d'ailleurs partiellement en fait, que les propositions de rectification adressées aux sociétés Mont-Royal et Montebello, par l'intermédiaire desquelles les parts de la société BEP étaient détenues par les requérants, et qui n'ont pas elles-mêmes été soumises à l'impôt, ne contiendraient pas l'indication dudit taux, n'a en tout état de cause privé M. et Mme A...d'aucune garantie de nature à exercer une influence sur la décision d'imposition ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que le redressement notifié au titre de l'abus de droit trouve son origine dans la remise une cause d'une perte constatée au cours de l'année 2009 ne fait pas par elle-même obstacle à l'application de pénalités de 80 % pour abus de droit au titre d'années ultérieures, dès lors que l'annulation du déficit reportable initialement constaté en 2009 influe sur les impositions établies au titre des années suivantes ; qu'aucune pénalité n'ayant été établie sur le fondement de l'article 1743 du code général des impôts, les observations présentées à ce titre par M. et Mme A...sont dépourvues de portée ; que les moyens tirés d'une irrégularité des avis de mise en recouvrement sont manifestement inopérants, aucun avis de mis en recouvrement n'ayant été émis à l'encontre de M. et Mme A...; qu'à supposer qu'ils doivent être regardés comme dirigés contre les avis d'imposition, ces mêmes moyens sont tout aussi inopérants, dès lors que les vices propres dont sont affectés les avis d'imposition sont sans influence tant sur la régularité que sur le bien-fondé des impositions ;

20. Considérant, enfin, que contrairement à ce qui est soutenu, il résulte de l'instruction que les impositions mises à la charge de M. et Mme A...n'ont pas été assorties d'intérêts de retard liquidés deux fois, mais d'intérêts de retard et de pénalités pour insuffisance de déclaration ; que les erreurs de libellés dont ont pu être affectés à ce titre les avis d'imposition sont, ainsi qu'il a été dit au point précédent, sans influence sur l'issue du litige ;

Sur les impositions établies au titre de l'année 2012 à la suite de la proposition de rectification du 11 juillet 2014 :

21. Considérant, en premier lieu, que la proposition de rectification susmentionnée indiquait avec précision les montants des déficits déduits par le contribuable au titre des années 2011 et 2012, et tirait, en ce qui concerne le droit à imputer ces déficits, les conséquences des rectifications notifiées aux intéressés au titre des années précédentes ; que la circonstance que les montants indiqués, qui procédaient des déclarations mêmes des contribuables, soient différents des montants rectifiés au titre des années antérieures n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la motivation des rectifications en cause ;

22. Considérant, en deuxième lieu, que les rectifications notifiées au titre de l'exercice 2012 procédaient de la remise en cause des déficits constatés par le contribuable au titre de années antérieures ; qu'il résulte de tout ce qui a été dit précédemment que cette remise en cause était fondée ; que l'administration était, par suite, en droit d'en tirer les conséquences en ce qui concerne l'année 2012 ;

23. Considérant, enfin, que les pénalités pour manquement délibéré et pour abus de droit mises à la charge des contribuables ont été motivées par référence aux propositions de rectifications qui leur avaient été préalablement adressées et qui avaient pour objet la remise en cause des déficits des années antérieures, reportés par les intéressés sur leur revenus de l'année 2012 ; que M. et Mme A...ne contestent valablement ni la régularité de la motivation de ces pénalités, ni le bien-fondé de celles-ci, en se bornant à se prévaloir de ce que certains redressements notifiés sur le fondement de l'abus de droit ont été abandonnés en cours de procédure et de ce que les pénalités appliquées au titre des années antérieures avaient fait l'objet d'une contestation de leur part ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 novembre 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA01651


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01651
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : DOS SANTOS SANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-21;17pa01651 ?
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