La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2018 | FRANCE | N°17PA01627

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 novembre 2018, 17PA01627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LDH Holding a demandé au Tribunal administratif de Paris de rétablir ses déficits déclarés en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1516798/1-2 du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai et 20 octobre 2017, la société LDH Holding, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler

ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 mars 2017 ;

2°) de prononcer la " décharge des redress...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société LDH Holding a demandé au Tribunal administratif de Paris de rétablir ses déficits déclarés en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1516798/1-2 du 14 mars 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai et 20 octobre 2017, la société LDH Holding, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 14 mars 2017 ;

2°) de prononcer la " décharge des redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010 " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas reçu l'avis de vérification du 19 mai 2011 relatif à l'année 2010 ;

- elle n'a pas reçu d'indications sur l'usage de la procédure d'assistance internationale ;

- l'administration a méconnu son devoir d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des documents obtenus de tiers ;

- elle n'a pas obtenu communication du rapport de vérification ;

- la vérification de comptabilité relative aux années 2009 et 2010 a duré plus de trois mois ;

- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas été consultée au sujet du redressement notifié le 16 mai 2012 ;

- ce redressement n'a pas été soumis au comité de l'abus de droit fiscal ;

- les époux A...n'ont pas été convoqués à la séance du comité de l'abus de droit fiscal ;

- le tribunal a omis de statuer sur ce moyen ;

- en raison de la non communication de pièces émanant des sociétés luxembourgeoises au cours de la première instance, les premiers juges ont méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les redressements notifiés le 21 novembre 2011 ne sauraient être simultanément fondés sur les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et sur celles de l'article 39-1 du code général des impôts ;

- les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- en l'absence d'impôt éludé, l'abus de droit ne saurait être retenu ;

- les opérations litigieuses ont été menées par d'autres sociétés ;

- aucun redressement au titre de l'exercice clos en 2008 n'a été notifié au sujet de la souscription au capital de Interactive Entertainment ;

- l'activation de la clause de retour à meilleure fortune et la charge correspondante sont antérieures à la souscription au capital ;

- le projet de la société Dione Holding est un projet réel et le caractère fictif des opérations n'est pas établi ;

- les billets à ordre et les endos sont réguliers ;

- le prêt consenti à la société La Renardière avait un caractère normal et ne saurait être regardé comme fictif ;

- la somme perçue de Interactive Entertainment et ayant fait l'objet du redressement notifié le 16 mai 2012 n'est pas une distribution mais le remboursement d'un prêt.

- les pénalités de 80 % pour abus de droit ne sauraient être appliquées, le vérificateur ayant annoncé des pénalités de 40 % lors de la réunion de synthèse.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société LDH Holding ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au

25 octobre 2017.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- et les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public.

1. Considérant que la société LDH Holding relève appel du jugement du 14 mars 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant au rétablissement de ses déficits déclarés en matière d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante invoquait devant le tribunal le défaut de convocation, devant le comité de l'abus de droit fiscal, de tiers au litige qui l'opposait à l'administration, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à ce moyen manifestement inopérant ; que, par ailleurs, en indiquant au point 12. de son jugement que l'administration avait à bon droit fondé les rectifications litigieuses sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscale, le tribunal s'est nécessairement, même si implicitement, prononcé sur le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas se fonder à la fois sur cet article et sur l'article 39.1 du code général des impôts ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué ne se fonde à aucun moment sur les informations recueillies par l'administration dans le cadre d'une demande d'assistance internationale, ni sur le rapport de vérification ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la procédure suivie devant le tribunal, faute de production par l'administration de ces éléments, est manifestement infondé ;

Sur le rehaussement notifié le 16 mai 2012 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une proposition de rectification en date du 16 mai 2012, l'administration a qualifié de distribution la somme de 1 407 166 euros versée le 30 octobre 2009 à la société LDH Holding par la société Interactive Entertainment ; que ce rehaussement était justifié par un motif tiré de l'existence d'un abus de droit et a été notifié sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en réponse à cette proposition de rectification, la société requérante a demandé le 17 juillet 2012 la saisine de toutes les commissions compétentes ; qu'il résulte par ailleurs des écritures mêmes du ministre que la société requérante a demandé le 11 septembre 2012 que le comité de l'abus de droit fiscal se prononce sur ce redressement ; qu'il ne résulte ni du rapport de présentation du litige en date du 10 septembre 2013 adressé par l'administration fiscale audit comité ni de l'avis rendu le 6 décembre 2013 par ce comité que ce dernier ait été saisi sur d'autres rehaussements que ceux notifiés le 21 novembre 2011 et qui constituent des rehaussements distincts de celui notifié le 16 mai 2012 ; que la circonstance, à la supposer invoquée par le ministre, que le comité de l'abus de droit fiscal ait été saisi sur la question en cause dans le cadre du litige opposant l'administration fiscale à la société Interactive Entertainment ne saurait régulariser l'irrégularité commise en ne faisant pas droit à la demande du contribuable dans le cadre de la procédure d'imposition de la société LDH Holding ; que cette irrégularité ayant privé l'intéressée de la garantie prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales et ayant eu par suite une influence sur la remise en cause du déficit litigieux, il y a lieu de faire droit sur ce point à la demande de la société LDH Holding ;

6. Considérant, au surplus, qu'il est constant et qu'il résulte d'ailleurs des mentions de la proposition de rectification en date du 16 mai 2012 que les sommes perçues par la société LDH Holding, en provenance de la société Interactive Entertainment et qui ont été regardées par l'administration fiscale comme des distributions, ont été versées à la société requérante par la société Interactive Entertainment en remboursement d'un prêt qui lui avait été auparavant consenti ; que le ministre ne conteste pas la réalité de ce prêt et n'a d'ailleurs présenté aucune observation en réponse au moyen, soulevé devant la Cour, tiré de l'existence de ce prêt et de son remboursement ; que la somme payée en remboursement du prêt ne saurait donc être considérée comme une distribution ; que par ailleurs la circonstance que les résultats de la société Interactive Entertainment aient été redressés sur le fondement de l'abus de droit n'est pas de nature, à elle seule, à justifier l'imposition sur le même fondement des sommes en cause en tant que distributions au profit de la société LDH Holding ;

Sur les autres redressements :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu, une vérification de comptabilité ou un examen de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ou par l'envoi d'un avis d'examen de comptabilité. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le pli contenant l'avis de vérification de comptabilité du 19 mai 2011 relatif à l'exercice clos en 2010 a fait l'objet d'une présentation le 20 mai suivant à l'adresse de la société requérante et a été retourné non réclamé le 9 juin à l'expéditeur ; que dans le dernier état de ses écritures, la société LDH Holding ne conteste d'ailleurs plus la régularité de la notification de l'avis en cause mais se borne à critiquer les premiers juges en tant qu'ils ont constaté cette régularité sans disposer des pièces permettant de l'établir ; qu'une telle argumentation, sans influence sur la régularité formelle du jugement attaqué, manque d'ailleurs en fait, les pièces fournies par l'administration dans le cadre de l'instance d'appel ayant déjà été produites en annexe au mémoire en défense du

20 avril 2016 devant les premiers juges ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de I de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : / 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts " ;

10. Considérant, d'une part, que la société LDH Holding fait valoir que la vérification de comptabilité de l'exercice clos en 2009, commencée le 23 novembre 2010, s'est poursuivie après la date du 22 février 2011 indiquée par l'administration, au-delà du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées ; que toutefois, si le vérificateur a effectivement adressé à la société requérante des demandes de pièces justificatives les 19 juin, 12 juillet, 30 juin et 30 août 2011, il ne résulte pas de l'instruction et notamment de l'examen de la proposition de rectification du 21 novembre 2011 que ces documents, quelle que soit la date à laquelle ils ont été établis, aient été examinés dans le cadre de la vérification de comptabilité relative à l'exercice 2009 ni qu'ils aient été utilisés par l'administration pour notifier des rehaussements au titre de cet exercice ; que la demande de pièces justificatives en date du 24 novembre 2011 est postérieure à la proposition de rectification du 21 novembre 2011 et ne peut dès lors être regardée comme étant à l'origine de rehaussements relatifs à l'exercice clos en 2009, la proposition de rectification du 16 mai 2012 ne concernant pas cet exercice ; qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que les réunions qui se seraient tenues entre le contribuable et le vérificateur après la fin des opérations de contrôle sur place auraient eu le caractère d'un examen de documents comptables à l'origine des rehaussements notifiés au titre de l'exercice en cause ; qu'aucune pièce du dossier ne confirme les allégations de la société requérante tirées de ce que le vérificateur aurait annoncé, après l'expiration du délai de trois mois, la reprise de la vérification de comptabilité de l'exercice clos en 2009 ; que la reprise de la vérification de comptabilité, au titre dudit exercice, après le 22 février 2011, ne résultant pas de l'instruction, le moyen tiré de ce que les opérations de vérification auraient été poursuivies dans les locaux de l'administration au-delà du délai de trois mois ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant, d'autre part, que la société LDH Holding fait valoir que les investigations effectuées après l'expiration du délai de trois mois auprès de la société Chêne Vert constituent également une méconnaissance des dispositions précitées, en ce qui concerne l'exercice clos en 2010 ; que le seul fait, pour l'administration, d'obtenir d'un tiers, par le biais du droit de communication ou dans le cadre d'une vérification de comptabilité, postérieurement aux opérations de vérification de comptabilité d'un contribuable, d'autres informations relatives audit contribuable, ne constitue pas une prolongation de la vérification de comptabilité de ce contribuable ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que les investigations réalisées par l'administration auprès de la société Chêne Vert auraient donné lieu à un nouvel examen des pièces comptables de la société LDH Holding ; que le moyen susmentionné ne peut en conséquence qu'être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. / Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration " ; que le moyen tiré de l'absence d'indications données au contribuable sur l'usage de la procédure d'assistance internationale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, est inopérant, l'administration fiscale ne s'étant pas prévalue de la prolongation du délai de reprise prévue par lesdites dispositions ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications ; que, par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, le moyen tiré de ce que le service disposait d'autres informations, en provenance des autorités luxembourgeoises, relatives à l'activité d'autres sociétés, et qui n'auraient pas été communiquées à la société requérante, n'entraine aucune méconnaissance desdites dispositions, ces informations n'ayant pas été utilisées pour fonder les rectifications ; que dans ces conditions, l'administration, en ne communiquant pas les pièces émanant des sociétés luxembourgeoises, ne saurait être regardée comme ayant méconnu le devoir de loyauté ou les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que devraient être convoquées à la séance du comité de l'abus de droit fiscal des tiers par rapport au litige opposant le contribuable à l'administration fiscale, même si ces tiers sont intervenus dans les opérations constitutives d'abus de droit identifiées par le service ; que le moyen tiré de ce que les époux A...n'ont pas été convoqués à la séance en date

du 22 novembre 2003 du comité de l'abus de droit fiscal ne peut par suite qu'être écarté comme inopérant ;

15. Considérant, en sixième lieu, que si la société soutient que le rapport de vérification dont elle avait demandé la communication à l'administration ne lui a pas été transmis, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

16. Considérant que l'administration fiscale a réintégré, dans les résultats de la société LDH Holding, sur le fondement des dispositions, citées au point 4., de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les pertes constatées par cette dernière sur les parts qu'elle possédait dans le capital de la société Interactive Entertainment et sur la valeur de la créance qu'elle détenait à l'égard de la société La Renardière ; qu'il résulte tant de la proposition de rectification en date du 21 novembre 2011 que de l'avis du comité de l'abus de droit fiscal rendu suite à la séance du

22 novembre 2013 que l'abus de droit opposé à la société requérante trouve son origine dans le caractère fictif de l'augmentation de capital souscrite par elle au sein de la société Interactive Entertainment ainsi que du prêt consenti à la société La Renardière afin de permettre à cette dernière de souscrire au capital de la société Interactive Entertainment ; que le comité de l'abus de droit fiscal ayant estimé que l'administration était fondée à mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 64 précité du livre des procédures fiscales, il incombe, par suite, à la société LDH Holding, en vertu de ces mêmes dispositions, d'apporter la preuve inverse ;

17. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'augmentation de capital souscrite le 27 décembre 2007 par la société LDH Holding a été réalisée par incorporation au capital de la société Interactive Entertainment du compte courant créditeur de la société LDH Holding ; que ce compte courant créditeur trouve son origine dans l'endossement,

le 14 décembre 2007, de deux billets à ordre au profit de la société Interactive Entertainment ; que ces billets à ordre, émis à l'origine par la société Dione Holding, n'étaient la contrepartie d'aucune activité économique et n'étaient représentatifs d'aucune dette identifiable de la part de cette dernière ; que la société LDH Holding ne fournit aucun élément de nature à établir que ces billets à ordre correspondaient à une dette réelle de la part de la société Dione Holding, alors même que celle-ci aurait eu, ainsi qu'il est soutenu, une activité réelle ; que l'endossement de billets à ordre fictifs au profit d'une société donnée ne saurait donner lieu à la constatation, dans les écritures de cette société, d'un compte courant créditeur réel ; que la transformation d'un compte courant créditeur, constaté dans de telles conditions, en augmentation de capital permet de regarder ladite augmentation comme fictive ; que la circonstance que les opérations susmentionnées n'aient pas eu pour objet de permettre à la société LDH Holding, déficitaire avant comme après les rehaussements, d'éluder une quelconque imposition est sans influence sur la réalité de l'abus de droit constaté par l'administration et qui procède de la possibilité, reconnue à cette dernière, par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, d'écarter les actes fictifs comme ne lui étant pas opposables ; que les opérations en cause ayant un caractère fictif, le moyen tiré de ce que l'augmentation de capital en cause n'aurait pas été à l'origine de la clause de retour à meilleur fortune activée à l'encontre de la société Interactive Entertainment et ayant permis d'absorber, en conséquence de la dette procédant de ladite clause, la plus-value réalisée par la société Saint-Alix dont la société Interactive Entertainment avait préalablement fait l'acquisition, est inopérant ; que le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas constaté de rehaussement au titre de l'exercice au cours duquel l'augmentation de capital a été constatée est sans influence sur le caractère non déductible de la perte constatée au cours de l'exercice suivant ; que les développements de la requête relatifs au fonctionnement des billets à ordre et aux erreurs qu'aurait commises l'administration fiscale dans l'analyse du détail des opérations ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère fictif de la créance de la société LDH Holding sur la société Interactive Entertainment ayant donné lieu à la perte en litige ; que l'administration était par suite fondée à refuser la déductibilité d'une perte procédant d'un acte fictif qui ne lui était pas opposable ;

18. Considérant, d'autre part, que la société LDH Holding a accordé un prêt

de 287 500 euros sur quatre-vingt-dix-neuf ans, sans intérêts et sans date prévue de remboursement, à la SCI La Renardière ; que ce prêt n'a donné lieu à aucun transfert de fonds mais s'est matérialisé par un billet à ordre ; que la créance résultant du prêt en cause a été cédée cinq jours après la conclusion du prêt pour 19 500 euros ; que le billet à ordre ayant été endossé par la SCI La Renardière au profit de l'acquéreur final de la créance, il résulte de l'instruction que l'opération en cause n'est pas constitutive d'un prêt consenti à ladite SCI, mais d'un transfert de fond au profit dudit acquéreur ; que la société LDH Holding n'établit pas la réalité de ce prêt en se prévalant des conditions dans lesquelles le prêt a été finalement remboursé à l'acquéreur final de la créance, en explicitant, de manière d'ailleurs confuse, l'usage par la SCI La Renardière du billet à ordre en cause, et en faisant valoir le caractère habituel de telles opérations de financement ; que pour les mêmes motifs que précédemment, et en présence d'un acte dont le caractère fictif n'est pas valablement remis en cause, le moyen tiré de ce que le prêt litigieux n'a pas eu pour objet de permettre à la société LDH Holding, déficitaire avant comme après les rehaussements, d'éluder une quelconque imposition, ne peut qu'être écarté ; que, comme précédemment l'administration était par suite fondée à refuser la déductibilité d'une perte procédant d'un acte fictif qui ne lui était pas opposable ;

19. Considérant, enfin qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration fiscale a, à bon droit, procédé aux rehaussements litigieux en se fondant sur les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que la circonstance que le service ait également, au cours de la procédure d'imposition, invoqué les dispositions de l'article 39-1 du code général des impôts, est dès lors sans influence sur le bien-fondé de l'imposition ; qu'il y a par suite lieu d'écarter ce moyen ;

En ce qui concerne les pénalités :

20. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, en l'absence de droits en principal mis en recouvrement suite aux redressements en litige, que des pénalités de 80 % aient été mises à la charge de la requérante ; que le moyen, qui n'est d'ailleurs assorti d'aucun document permettant d'en établir le bien- fondé, tiré de ce que, le vérificateur ayant annoncé des pénalités de 40 % lors de la réunion de synthèse, les pénalités de 80 % pour abus de droit ne sauraient être appliquées, ne peut qu'être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LDH Holding est fondée à demander le rétablissement, à hauteur des rehaussements qui lui ont été notifiés

le 16 mai 2012 sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, des déficits déclarés en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 ; que pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Les déficits déclarés en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 par la société LDH Holding sont rétablis à hauteur des rehaussements qui lui ont été notifiés le 16 mai 2012 sur le fondement des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Article 2 : Le jugement n° 1516798/1-2 du 14 mars 2017 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société LDH Holding est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société LDH Holding et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal

d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Lu en audience publique le 21 novembre 2018.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 17PA01627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01627
Date de la décision : 21/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : DOS SANTOS SANDRA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-21;17pa01627 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award