Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...A...a demandé le 16 septembre 2016 au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté 94 RS 2016/ 1634, non daté, par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 1607679 du 15 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2018, MmeA..., représentée par Me Mikowski, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1607679 du 15 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet du Val-de-Marne ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à Me Mikowski, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice de procédure, dès lors que le préfet n'a pas consulté la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son état de santé, de l'ancienneté de sa présence en France, des attaches familiales qui y sont les siennes alors que ses enfants demeurés en Algérie ne peuvent la prendre en charge ;
- elles sont entachées pour les mêmes motifs d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée au regard des exigences du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 14 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jardin,
- et les observations de Me Mikowski, avocat de MmeA....
1. Considérant que, MmeA..., ressortissante algérienne née le 19 février 1952, est entrée sur le territoire français le 29 décembre 2010 sous couvert d'un visa de type " C " valable du 4 août 2010 au 30 janvier 2011 pour des entrées multiples d'une durée de trente jours ; que le 13 janvier 2016, elle a sollicité un certificat de résidence en vue de la régularisation de sa situation ; que par un arrêté non daté, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; que Mme A...relève appel du jugement du 15 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun, qu'elle avait saisi d'un recours pour excès de pouvoir enregistré le 16 septembre 2016, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire :
2. Considérant que Mme A...reprend en appel les moyens tirés du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué de sa situation personnelle ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
3. Considérant que le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, nécessairement antérieure au 16 septembre 2016, dispose : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. / (...) / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) " ;
4. Considérant que le préfet du Val-de-Marne, pour motiver l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans qu'il a prononcée à l'encontre de MmeA..., à laquelle il avait laissé un délai de départ volontaire de trente jours, a indiqué que l'intéressée ne justifiait pas de l'ancienneté de son séjour en France et des liens personnels et familiaux qu'elle y aurait tissés ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeA..., veuve depuis le 7 juin 2006, est venue rejoindre en France en 2010 trois de ses six enfants, dont deux sont français et le troisième en situation régulière en France ; que, compte tenu des liens avec la France qui sont ainsi les siens et de ce que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet du Val-de-Marne a fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté 94 RS 2016/ 1634 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et à demander à la Cour de l'annuler dans cette mesure ; que cette annulation n'impliquant aucune des mesures d'exécution demandées, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607679 du 15 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté 94 RS 2016/ 1634 du préfet du Val-de-Marne en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Article 2 : L'arrêté 94 RS 2016/ 1634 du préfet du Val-de-Marne est annulé en tant qu'il a prononcé à l'encontre de Mme A...une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-Marne.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Stoltz-Valette, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.
L'assesseur le plus ancien,
D. DALLELe président-rapporteur,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00355