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18/10/2018 | FRANCE | N°18PA00386

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 octobre 2018, 18PA00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 3 décembre 2009.

Par un jugement n° 1704635 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février 2018, 3 avril 2018

et 2 août 2018, M. A..., représenté par Me Maaouia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 16 mai 2017 par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 3 décembre 2009.

Par un jugement n° 1704635 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête de M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 février 2018, 3 avril 2018 et 2 août 2018, M. A..., représenté par Me Maaouia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 7 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2017 du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement et la décision attaqués sont entachés d'erreur de fait ; les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en considérant qu'il n'apportait aucun élément nouveau par rapport à sa première demande d'abrogation ;

- le jugement et la décision attaqués sont entachés d'erreur de droit, dès lors que les condamnations pénales ne sauraient démontrer qu'il constitue toujours une menace grave pour l'ordre public ;

- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier, notamment la pièce déposée par M. A... le 5 octobre 2018.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Platilero, rapporteur public,

- les observations de Me Maaouia, avocat de M. A..., et de M.A....

M. A...a déposé une pièce en délibéré le 11 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né en décembre 1982, est entré en France en 2002 selon ses déclarations. Le 3 décembre 2009, le préfet de police a pris à son encontre un arrêté d'expulsion, notifié le jour-même, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 1er février 2017, M. A... a sollicité l'abrogation de cet arrêté d'expulsion, demande rejetée par décision expresse du préfet de police le 16 mai 2017. M. A... fait régulièrement appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Dans l'hypothèse où les premiers juges auraient commis, comme le soutient le requérant, des erreurs de fait dans des conditions susceptibles d'affecter la validité de la motivation du jugement dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel, ces erreurs resteraient, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 524-1 du même code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter. ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il entend exercer le pouvoir que lui confère cet article d'abroger ou de maintenir un arrêté d'expulsion, le ministre ou le préfet compétent doit procéder à un examen individuel du comportement de l'étranger à l'effet de déterminer si, d'après l'ensemble de son comportement, sa présence sur le territoire présente ou continue de présenter une menace pour l'ordre public.

4. En premier lieu, la décision de refus d'abrogation du 16 mai 2017 est principalement motivée par le fait que, postérieurement à la décision d'expulsion du 3 décembre 2009, M. A... a été condamné à quatre reprises à des peines d'emprisonnement, en dernier lieu le 31 mars 2015, et constitue toujours une menace grave pour l'ordre public. Cette décision note également que, s'agissant de sa situation professionnelle et sociale, l'intéressé " n'apporte aucun élément nouveau " par rapport à sa précédente demande d'abrogation de 2015. Si M. A... fait valoir qu'il a fourni de nombreuses pièces postérieures à 2015 relatives au déroulement de sa détention, aux versements qu'il effectue en faveur des victimes et de sa famille et aux relations qu'il continue à entretenir avec sa compagne et ses deux enfants français nés en janvier 2012 et février 2013, les éléments dont il se prévaut ne révèlent pas de réelle évolution de sa situation professionnelle et familiale, dès lors qu'à la date de sa première demande, l'intéressé, qui est incarcéré depuis le 23 novembre 2013, faisait déjà valoir qu'il exerçait une activité professionnelle en détention, qu'il faisait l'objet d'un suivi psychologique, avait obtenu des diplômes et que sa vie privée et familiale était établie en France. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur de fait en considérant que la situation du requérant n'avait pas évolué depuis son premier refus d'abrogation. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour apprécier si, à la date de sa décision, le comportement de M. A...constituait toujours une menace à l'ordre public, le préfet a pris en considération les condamnations pénales dont il a fait l'objet postérieurement à l'arrêté d'expulsion mais aussi sa situation professionnelle et sociale. Dès lors, le préfet de police a procédé à un examen particulier de la situation du requérant sans se borner à viser les condamnations pénales de celui-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté.

6. En troisième et dernier lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A...soutient que les faits délictueux pris en considération par le préfet de police sont anciens et ne sont pas d'une gravité telle qu'ils justifient de faire primer les nécessités de l'ordre public sur sa vie privée et familiale, alors qu'il justifie en France de fortes attaches familiales et de gages réels de réinsertion. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, postérieurement même à l'arrêté d'expulsion du 3 décembre 2009, M. A... a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement pour un vol en réunion commis le 5 juillet 2010, à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un vol en récidive commis le 9 février 2012, à une peine de six ans d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un vol avec arme commis courant 2007 et à une peine d'un an et huit mois d'emprisonnement pour des faits, commis le 20 novembre 2013, de recel de bien provenant d'un vol en récidive, de refus d'un conducteur d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité n'excédant pas huit jours et de dégradation d'un bien appartenant à autrui. Ainsi des agissements délictueux ont été commis de manière répétée par M. A... jusqu'à son incarcération en novembre 2013. La bonne conduite en prison qu'il revendique, et qui l'a notamment conduit à y occuper l'emploi de cariste, ne suffit pas à garantir des gages suffisamment solides de réinsertion, eu égard au nombre et à la gravité des faits délictueux commis en liberté sur une longue période, depuis 2004 jusqu'en 2013. L'intéressé ne justifie pas d'une communauté de vie avec la mère de ses enfants avant son incarcération en 2013 et n'établit pas être dépourvu de lien privé ou familial dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de vingt ans. Dès lors, et compte tenu des conditions de séjour en France de M.A..., le préfet de police a pu refuser d'abroger l'arrêté d'expulsion sans porter au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de police du 16 mai 2017. Sa requête d'appel, y compris les conclusions tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge les frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00386
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : MAAOUIA

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;18pa00386 ?
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