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18/10/2018 | FRANCE | N°18PA00376

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 octobre 2018, 18PA00376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2016 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par jugement n° 1607976/4-2 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 1er février 2018 et le 28 septembre 2018, M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607976/4-2 d

u 1er décembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2016 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français.

Par jugement n° 1607976/4-2 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 1er février 2018 et le 28 septembre 2018, M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607976/4-2 du 1er décembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 31 mars 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans le délai de deux mois et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'arrêté attaqué :

- a été signé par une autorité incompétente ;

- est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- est entaché d'un vice de procédure car le procès-verbal de la commission d'expulsion n'a pas été communiqué au préfet de police ;

- est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il n'est fondé que sur sa condamnation pénale ;

- est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté d'expulsion sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, puisqu'il entrait dans le champ d'application du 4° de l'article L. 521-2 du même code ;

- est entaché d'erreur d'appréciation car il ne représente pas une menace grave pour l'ordre public ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des - droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 août 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Platillero,

- et les observations de Me Dahi, avocat de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. D...C..., ressortissant tunisien né en mars 1967, est entré en France le 1er août 1998 selon ses déclarations et y a obtenu plusieurs titres de séjour " vie privée et familiale ". Par arrêté du 31 mars 2016, notifié le jour-même, le préfet de police a estimé que la présence de l'intéressé sur le territoire français constituait une menace grave pour l'ordre public et a prononcé son expulsion du territoire français sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C...fait régulièrement appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté d'expulsion.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2015-00968 du 25 novembre 2015, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 4 décembre 2015, M. A... B..., directeur de la police générale, a reçu délégation de la part du préfet de police pour signer tous actes et décisions relevant des attributions de la direction de la police générale, dont les arrêtés d'expulsion. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment les articles L. 521-1 et R. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'avait pas à viser l'article L. 521-2 du même code, dès lors que la décision d'expulsion n'a pas été prise sur le fondement de cette disposition, et il est donc suffisamment motivé en droit. Il ressort par ailleurs des termes mêmes de l'arrêté du 31 mars 2016 que le préfet de police a pris en considération le comportement de l'intéressé et les incidences de sa décision sur sa vie privée et familiale, sans que le préfet de police soit tenu de mentionner dans sa décision l'ensemble des éléments personnels relatifs à la situation de l'intéressé dont il avait connaissance. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait doit également être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

5. Si le préfet de police ne justifie pas avoir eu connaissance du procès-verbal enregistrant les explications de l'intéressé, il n'est pas contesté que M. C...a pu présenter utilement ses observations devant la commission. L'avis défavorable à l'expulsion émis par la commission le 9 février 2016 a été transmis au préfet de police qui a statué au visa de cet avis. Dans ces conditions, le vice de procédure allégué n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, ni n'a privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

6. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté d'expulsion que pour édicter l'arrêté du 31 mars 2016, le préfet de police a pris en considération les infractions pénales commises par l'intéressé, son comportement et sa vie privée et familiale. Par suite, le préfet n'a pas pris sa décision au regard des seules condamnations pénales et n'a pas commis l'erreur de droit alléguée.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ".

8. M. C...soutient que le préfet de police a commis une erreur de droit en fondant l'arrêté d'expulsion sur l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il résidait régulièrement en France depuis plus de dix ans. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté contesté, M. C...était dépourvu de toute autorisation de séjour en France, et ce depuis le 28 février 2015. Il ne se trouvait ainsi pas dans le cas, visé au 4° de l'article L. 521-2, des étrangers résidant régulièrement en France, c'est-à-dire en vertu d'un titre les y autorisant. Au surplus, doivent être déduites de la période de séjour régulier les périodes d'incarcération, y compris celles effectuées sous le régime de la semi-liberté. Or, M.C..., bien qu'entré sur le territoire en 1998, n'a bénéficié de titres de séjour que durant une partie de la période du 22 mai 2003 au 28 février 2015, pour une durée totale de dix années et neuf mois. Il a en outre été incarcéré du 10 avril 2009 au 11 janvier 2010 et du 18 octobre 2013 au 27 novembre 2014, périodes auxquelles s'ajoutent trois mois et demi en semi-liberté. Dans ces conditions, et pour ce motif également, le requérant ne se trouvait pas dans le cas visé au 4° de l'article L. 521-2. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En sixième lieu, l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. ". Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

10. Pour ordonner l'expulsion de M. C...sur le fondement de l'article L. 521-1 précité, le préfet de police a principalement retenu qu'il avait été à plusieurs reprises condamné à des peines allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement, pour des faits de violences conjugales et sur l'un de ses enfants. Il ressort des pièces du dossier que M. C...a été condamné, une première fois, par le tribunal correctionnel de Paris, le 17 juillet 2001, à la peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve durant deux ans, pour violence par conjoint ou concubin suivie d'incapacité supérieure à huit jours, une deuxième fois, le 10 avril 2009, par le tribunal correctionnel d'Evry, à la peine de deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, pour des faits de violence aggravée par deux circonstances suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, à l'encontre de son épouse, et pour la troisième fois, le 15 novembre 2013, par le même tribunal, à la peine de deux ans d'emprisonnement, assortie d'une interdiction de séjour de deux ans dans la commune du domicile conjugal, pour violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur son fils de 11 ans et violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours sur son épouse. Il est constant que M. C...a également été mis en cause pour des faits de violences commis en mai 2004 et janvier 2005 et que le jugement de novembre 2013 note que malgré les nombreuses condamnations et mise à l'épreuve, l'intéressé s'avère incapable de se contrôler. Si M. C...fait valoir que son comportement en détention a été exemplaire, qu'il a été admis au régime de la semi-liberté le 27 novembre 2014 et a bénéficié d'une réduction de peine, qu'il n'a depuis lors fait l'objet d'aucune nouvelle condamnation, qu'il bénéficie d'une qualification de maçon et travaille lorsqu'il le peut, il ne démontre pas de réelle insertion sociale et professionnelle en France. Eu égard au caractère grave et répété des faits de violence commis sur une période supérieure à dix années, et alors même que les époux C...vivent séparés depuis 2013 et que le divorce a été prononcé le 10 mars 2017, le préfet de police a pu sans erreur d'appréciation estimer que la présence en France du requérant constituait une menace grave pour l'ordre public.

11. En septième lieu, M. C...soutient qu'il a établi le centre de sa vie privée, professionnelle et familiale en France où il vit depuis dix-huit ans et où réside son ex-épouse et leurs trois enfants nés en 2000, 2002 et 2005, ainsi que d'autres membres de sa famille. Toutefois, M. C...ne peut utilement se prévaloir ni de la nationalité française de deux de ses fils, acquise postérieurement à l'arrêté d'expulsion, ni du droit de visite, limité, qui lui a été accordé par le jugement de divorce de mars 2017, un an après la décision litigieuse. Dans ces conditions, compte tenu des conditions du séjour en France de M. C..., qui y est entré à l'âge de 31 ans et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, ainsi que de la gravité de la menace pour l'ordre public qu'il représente, résultant de la multiplications de violences graves dans un cadre familial, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel il a été pris. Dès lors, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Enfin, compte tenu de l'ensemble de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation personnelle du requérant ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 31 mars 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00376


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00376
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : PATUREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;18pa00376 ?
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