Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande enregistrée sous le n° 1609692, Mme C...E...A..., épouseD..., a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions implicites du préfet du Val-de-Marne, nées du silence gardé par lui sur sa demande réceptionnée le 5 juillet 2016, lui refusant la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour ainsi que celle d'un titre de séjour.
Par une demande enregistrée sous le n° 1705563, Mme C...E...A..., épouseD..., a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite de rejet du préfet du Val-de-Marne de sa demande de délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour ainsi que l'arrêté du 27 février 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 1609692, 1705563 du 10 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun, après avoir joint les deux demandes de MmeA..., épouseD..., les a rejetées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2018 et le 14 septembre 2018, Mme A..., épouseD..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 février 2017 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen préalable de sa situation personnelle, notamment en raison de l'obstruction administrative faite au dépôt de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour du fait de l'impossibilité de prendre un rendez-vous sur la plate-forme internet de la préfecture ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mantz,
- les observations de MeB..., pour MmeA..., épouseD....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., épouseD..., ressortissante angolaise née en 1958, entrée en France le 21 juillet 2014 selon ses déclarations, a adressé au préfet du Val-de-Marne, par courrier du 1er juillet 2016 réceptionné le 5 juillet 2016, une demande de rendez-vous aux fins de déposer une demande de titre de séjour. Le même courrier comportait également une demande de titre de séjour. Par arrêté du 27 février 2017, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français. MmeA..., épouseD..., relève appel du jugement du 10 octobre 2017 en tant que le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 27 février 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. MmeA..., épouse D...fait valoir qu'elle a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour que le préfet du Val-de-Marne n'a pas examinée au motif qu'elle ne s'est pas déplacée personnellement pour la déposer, alors qu'elle n'a pas été en mesure de prendre un rendez-vous sur le site internet de la préfecture, aucune plage horaire n'étant disponible quel que soit le jour ou l'heure de la tentative de prise de rendez-vous. Elle soutient que dans ces conditions, il ne saurait lui être opposé un refus d'examen de sa demande au motif que celle-ci aurait été soumise à l'autorité préfectorale par un moyen différent de celui imposé mais impossible à mettre en oeuvre. Toutefois, MmeA..., épouseD..., ne produit pour établir ses allégations qu'une seule capture d'écran, datée du 29 juin 2016, mentionnant une plage horaire de 13 heures 45 à 14 heures. Elle ne précise pas les dates des échecs de connexion invoqués et n'apporte aucune justification ou précision suffisante pour établir ces tentatives. L'extrait produit du site de l'association La Cimade relatif aux prises de rendez-vous pour les titres de séjour ne permet pas davantage d'établir la réalité de l'impossibilité pour la requérante de prendre un tel rendez-vous. Par suite, MmeA..., épouse D...ne saurait soutenir que la procédure de prise de rendez-vous sur la plateforme internet de la préfecture l'empêche de se conformer aux obligations prévues à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et selon lesquelles : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour (...) est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient ". En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier, notamment pas des motifs de l'arrêté du 27 février 2017, que le préfet n'aurait pas examiné la situation personnelle de MmeA..., épouse D...au regard de la demande et des éléments mentionnés dans le courrier de celle-ci du 1er juillet 2016. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour contesté serait entaché d'un défaut d'examen préalable de sa situation.
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.
4. En vertu du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de résident est délivrée de plein droit, sauf menace pour l'ordre public et sous réserve de la régularité du séjour, à l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII du code. Le 1° de l'article L. 313-13, pour sa part, prévoit que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sauf menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à l'étranger qui s'est vu accorder le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code.
5. Saisi d'une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire, le préfet n'est pas tenu, ainsi qu'il a été dit au point 3, d'examiner d'office si le demandeur est susceptible de se voir délivrer une autorisation de séjour à un autre titre. Sont inopérants, devant le juge de l'excès de pouvoir, les moyens de légalité interne qui, sans rapport avec la teneur de la décision, ne contestent pas utilement la légalité des motifs et du dispositif qui sont ceux de la décision administrative attaquée. Ainsi dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. En revanche, lorsque le préfet, statuant sur la demande de titre de séjour, examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement que l'asile, tous les motifs de rejet de la demande, y compris donc les motifs se prononçant sur les fondements examinés d'office par le préfet, peuvent être utilement contestés devant le juge de l'excès de pouvoir. Il en va, par exemple, ainsi si la décision de refus de titre de séjour a pour motif que le demandeur n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit ou que le refus ne porte pas d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.
6. En l'espèce, le préfet du Val-de-Marne a examiné d'office dans la décision attaquée si la requérante pouvait prétendre à l'obtention d'une carte de séjour à un autre titre que celui de l'asile, et a estimé que tel n'était pas le cas. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était opérant au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour.
7. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. MmeA..., épouseD..., fait valoir qu'elle a épousé le 2 février 1977 M. D..., de nationalité congolaise et titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié valable jusqu'au 4 octobre 2021. Qu'après avoir été séparée de lui de manière forcée, elle l'a rejoint en France en 2014 et aspire désormais à vivre auprès de lui, alors en outre qu'elle parle parfaitement le français et a créé des liens amicaux en France. La requérante n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir l'intensité et la stabilité des liens qui l'unissaient à son mari, lequel a obtenu le statut de réfugié en 1989, pendant les 25 années au cours desquelles ils ont été séparés ni ne précise les raisons pour lesquelles ils n'ont pu se rejoindre avant. Qu'à supposer même établies l'entrée en France de MmeA..., épouseD..., en 2014 et sa résidence commune avec M. D... depuis cette date, son séjour dans ce pays est en tout état de cause récent. Si la requérante soutient en outre que l'état de santé de son époux nécessite sa présence constante et permanente à ses côtés, ainsi qu'en attestent un certificat médical et le rapport d'une assistante sociale du service d'hospitalisation à domicile de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), tous deux datés du 12 septembre 2018, cette circonstance, postérieure à la date de l'arrêté attaqué dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... a été victime d'un grave accident de santé au cours du premier semestre 2018, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, et alors que MmeA..., épouse D...ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales en Angola, son pays d'origine où elle a vécu depuis son départ de République démocratique du Congo en 1999 jusqu'en 2014, soit jusque l'âge de 56 ans, l'arrêté litigieux n'a pas, en l'espèce, porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, les moyens tirés de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que MmeA..., épouse D...n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour du préfet du Val-de-Marne du 27 février 2017 est entachée d'illégalité. Par suite, la même autorité a pu légalement prendre à l'encontre de la requérante une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes duquel : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ". Le moyen tiré d'un défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MmeA..., épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 27 février 2017. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme A..., épouseD..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par la requérante doivent être également rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande MmeA..., épouseD..., au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de MmeA..., épouseD..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E...A..., épouse D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
P. MANTZ
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
6
N° 18PA01522