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12/10/2018 | FRANCE | N°18PA00991

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2018, 18PA00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mars 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Sanofi-Aventis Groupe à la licencier ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre chargée du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1620860 du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 23 mars 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 7 septembre 2018, MmeC..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 3 mars 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé la société Sanofi-Aventis Groupe à la licencier ainsi que la décision implicite par laquelle la ministre chargée du travail a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1620860 du 23 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 7 septembre 2018, MmeC..., représentée par Me Condé, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 janvier 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 mars 2015 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre chargé du travail ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si le tribunal a considéré que la réunion du comité d'entreprise avait été valablement présidée par Mme D...par délégation de pouvoir consentie le 2 janvier 2014 par M. A..., cette preuve n'a jamais été rapportée et, dès lors, la consultation du comité d'entreprise a été irrégulière ;

- l'information du comité d'entreprise a été incomplète lors de la réunion du 16 janvier 2015 et n'a pas respecté l'article L. 2323-4 du code du travail, et la convocation d'une nouvelle réunion du 23 janvier 2015 était irrégulière comme l'ont estimé les membres du comité d'entreprise qui ont refusé de procéder au vote ;

- le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'elle a été privée de la possibilité de produire des éléments de preuve du fait de la confiscation de son ordinateur par son employeur qui l'a privée de la possibilité d'accéder à sa messagerie ;

- les faits reprochés ne sont pas établis et le grief relatif aux cours d'anglais dont aurait bénéficié sa fille est prescrit ;

- le licenciement est en lien avec ses mandats, comme en témoigne son accès limité à l'établissement.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2018, la société Sanofi-Aventis Groupe, représentée par Me Levet, conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de Mme C...à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 30 août 2018, la ministre du travail conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête.

Elle fait valoir que la requête n'appelle de sa part pas d'autres remarques que celles exposées devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,

- les observations de Me Condé, avocat de MmeC...,

- et les observations de Me Levet, avocat de la société Sanofi-Aventis Groupe.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...exerçait les fonctions de cheffe de projet formation linguistique au sein de la direction des ressources humaines de la société Sanofi-Aventis Groupe, où elle a été recrutée en 1991, et détenait les mandats de membre-suppléante du comité d'entreprise et de déléguée syndicale. Le 27 janvier 2015, la société Sanofi-Aventis Groupe a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de la licencier pour faute. Cette autorisation a été accordée par décision de l'inspectrice du travail du 3 mars 2015. Mme C...a formé le 28 avril 2015 auprès de la ministre du travail un recours hiérarchique contre cette décision. Elle relève appel du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Il résulte des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail, en vigueur à la date des décisions litigieuses, que tout licenciement envisagé par l'employeur d'un salarié élu délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, en qualité de titulaire ou de suppléant, est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise. Il appartient à l'employeur de mettre le comité d'entreprise à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur la procédure dont fait l'objet le salarié protégé. A cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié visé par la procédure, sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ainsi que sur les motifs du licenciement envisagé. Il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'apprécier si l'avis du comité d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. A défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée.

3. D'une part, si les informations relatives aux faits reprochés à Mme C...n'ont été remises aux membres du comité d'entreprise que pendant la réunion du 16 janvier 2015 et non lors de leur convocation à cette séance, il ressort des pièces du dossier qu'une nouvelle réunion a été convoquée le 23 janvier 2015 et qu'était jointe à la convocation une note comportant des informations circonstanciées sur les motifs du licenciement envisagé. Il ressort également des pièces du dossier que le comité d'entreprise a émis un avis défavorable au licenciement de Mme C...lors de sa séance du 16 janvier 2015 et a refusé de se prononcer à nouveau lors de la réunion du 23 janvier 2015.

4. D'autre part, si Mme C...soutient que la preuve n'a jamais été rapportée de l'existence d'une délégation de M. A..., directeur des ressources humaines, à MmeD..., directrice des relations sociales, l'autorisant à présider la réunion du comité d'entreprise du 23 janvier 2015, cette irrégularité, à la supposer établie, n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à exercer une influence sur l'avis rendu par le comité d'entreprise, qui lors de cette réunion, a refusé de revenir sur celui qu'il avait précédemment émis lors de sa réunion du 16 janvier 2015 sur le projet de licenciement lequel, ainsi qu'il vient d'être dit, était défavorable au licenciement de la salariée.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise ne peut qu'être écarté.

6. Mme C...soutient, en deuxième lieu, que le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'elle a été privée de la possibilité de produire des éléments de preuve du fait de la confiscation de son ordinateur par son employeur, ce qui l'a privée de la possibilité d'accéder à sa messagerie. Toutefois, MmeC..., qui ne conteste pas avoir été entendue par l'inspection du travail lors de l'enquête contradictoire conduite le 20 février 2015, se borne à évoquer des éléments de preuve sans en préciser la nature. De plus, si elle soutient que la clef USB sur laquelle elle a été autorisée à copier les fichiers de son ordinateur avant sa confiscation avait une capacité insuffisante, cette seule allégation ne permet pas de tenir pour établi qu'elle aurait été privée d'éléments de preuves par la faute de son employeur.

7. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. (...) " .

8. Mme C...soutient, en troisième lieu, que le grief relatif aux cours d'anglais dont aurait bénéficié sa fille à titre gracieux, est prescrit. Toutefois et ainsi que l'a à bon droit jugé le tribunal, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la direction de Sanofi-Aventis Groupe n'a eu connaissance de ces faits dénoncés par le responsable de la société Gofluent qu'en décembre 2014 et que les poursuites disciplinaires ont été engagées le 6 janvier 2015, date de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, ils ne peuvent être regardés comme prescrits au sens des dispositions précitées.

9. Mme C...soutient, en quatrième lieu, que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, en se bornant à contester les nombreux éléments de preuve fournis par son employeur, en particulier les échanges de courriels avec les prestataires desquels elle a obtenu des avantages personnels, en affirmant qu'ils sont tronqués et sortis de leur contexte. Toutefois, en l'absence de toute démonstration de sa part de leur absence de valeur probante, ces attestations et correspondances relatant les faits reprochés doivent faire regarder ces derniers comme établis.

10. Enfin, et contrairement à ce que soutient MmeC..., les faits qui lui sont reprochés ont été commis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail par la salariée, en sa qualité de chef de projet formation linguistique. En outre, si postérieurement à sa mise à pied, son badge a été désactivé, et dès lors qu'elle ne conteste pas avoir continué à pouvoir accéder à l'entreprise pour l'exercice de ses mandats, cette circonstance ne permet pas d'établir que le licenciement aurait un lien avec ses mandats.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme C...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de condamner cette dernière à verser à la société Sanofi-Aventis Groupe une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Mme C...versera à la société Sanofi-Aventis Groupe une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à la société Sanofi-Aventis Groupe et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.

La rapporteure,

M. JULLIARDLa présidente,

M. HEERS La greffière,

C. DABERT La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00991
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : CONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-12;18pa00991 ?
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