Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...épouse C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de renvoi.
Par un jugement n° 1607628, 1701318 du 29 décembre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 février 2018, Mme D...épouseC..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 du préfet de Seine-et-Marne portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident portant la mention " ascendant de Français ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer un titre de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 312-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 100 euros par jours de retard, en application des dispositions de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour et la décision d'obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet n'a pas saisi la commission du titre de séjour ;
- elle est entachée d'une méconnaissance de l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une erreur de droit car elle remplit les conditions pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 2°, L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte grave à son droit à une vie privée et familiale normale ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle.
Par un mémoire enregistré le 5 septembre 2018, le préfet de Seine-et-Marne a conclu au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... épouse C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard ;
- et les observations de Me B...pour Mme D...épouseC....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouseC..., ressortissante iranienne née le 11 janvier 1940 à Téhéran, est entrée sur le territoire français pour la dernière fois le 11 septembre 2015 sous couvert d'un visa touristique portant la mention " ascendant non à charge ". Le 17 mars 2016, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 29 novembre 2016, le préfet de Seine-et-Marne a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... épouse C...relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
3. Mme D...épouse C...fait valoir que, devenue veuve en 2002 et dépourvue de liens familiaux en Iran depuis le décès de sa mère en 2009, elle est entrée en France le 11 septembre 2015 pour y rejoindre ses trois enfants, dont deux ont la nationalité française et le troisième est titulaire d'une carte de résident, ainsi que ses sept petits-enfants. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, elle était âgée de 76 ans et souffrait de plusieurs pathologies. Si tous les certificats médicaux produits sont postérieurs à la décision attaquée, celui du docteur Patrice Elfandi en date du 25 janvier 2018 atteste que l'état de santé de la requérante s'est dégradé " depuis fin 2015 " et que " l'impotence fonctionnelle dont souffre Madame C...nécessite l'aide d'une tierce personne pour effectuer les tâches essentielles de la vie courante ". Il ressort également des pièces du dossier qu'elle est hébergée par l'un de ses fils depuis 2015 et qu'elle est à la charge de deux de ses enfants qui lui remettent respectivement 200 et 500 euros par mois depuis 2015. En outre, il est constant qu'elle a bénéficié d'une carte de résident du 8 février 1993 au 7 février 2003. Ainsi, et alors même qu'elle a vécu l'essentiel de sa vie en Iran, eu égard à la présence en France de l'ensemble de sa famille proche, de son âge, de son état de santé et du fait qu'il est démontré qu'elle est à la charge de ses enfants, le préfet de Seine-et-Marne ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sans porter une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par les dispositions de l'article
L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une méconnaissance des articles précités doit être accueilli.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D...épouse C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet de Seine-et-Marne délivre à Mme D... épouse C...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Mme D... épouse C...est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 1 000 euros, à verser à Me B..., sous réserve de renonciation de sa part à la perception de la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1607628, 1701318 du 29 décembre 2017 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 novembre 2016, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-et-Marne de délivrer, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, à Mme D...épouse C...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation de sa part à la perception de la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...épouseC..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARDLa présidente,
M. HEERSLa greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA00600