Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Sidec a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 19 janvier 2016 par laquelle le ministre chargé du travail, après avoir retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme B...et a refusé d'autoriser le licenciement de cette salariée.
Par un jugement n° 1602321 du 20 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 décembre 2017 et des mémoires enregistrés les 23 février 2018 et 21 mars 2018, la société Sidec, représentée par la Selarl Vauban, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'administration avait respecté le principe du contradictoire alors que son audition s'imposait en application de la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012, et ce, d'autant plus qu'elle n'avait pas été destinataire du recours hiérarchique ;
- le tribunal n'a nullement caractérisé l'existence de l'illégalité manifeste permettant au ministre du travail de retirer sa décision implicite de rejet ;
- la réalité du motif économique est établie par les pièces du dossier, notamment les bilans et éléments comptables des sociétés Sidec et Valsem.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2018, le ministre du travail conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'appelle pas d'autres remarques que celles exposées devant le Tribunal administratif de Melun.
Par un mémoire, enregistré le 23 février 2018, Mme C...B..., représentée par Me A..., conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à la condamnation de la société Sidec à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- les observations de Me Olivier, avocat de la société Sidec,
- et les observations de Me Burnichon, avocat de MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. La société Sidec, spécialisée dans l'emballage industriel à destination de l'industrie pharmaceutique et de l'industrie alimentaire et employant 20 personnes, a été rachetée en décembre 2014 par la société Valsem Industries SAS, spécialisée dans la fabrication d'emballages en matière plastique, qui a décidé le regroupement sur un même site de Lachelle (Oise) de l'ensemble de ses activités. La société Sidec a engagé une procédure de licenciement concernant 17 salariés et dans ce cadre, a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour motif économique Mme B..., responsable de maintenance, déléguée du personnel titulaire et représentante de section syndicale, dont le poste était supprimé et qui avait refusé les propositions de reclassement qui lui avaient été soumises. Par une décision du 11 juin 2015, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement de MmeB.... Cette dernière a formé un recours hiérarchique et, par une décision du 19 janvier 2016, le ministre chargé du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser le licenciement de MmeB.... La société Sidec relève appel du jugement du 20 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. La société Sidec soutient, en premier lieu, que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'administration avait respecté le principe du contradictoire.
3. D'une part, si la société Sidec fait valoir pour la première fois en appel qu'elle n'a pas été destinataire du recours hiérarchique, il ressort de la lettre du 12 octobre 2015 qui lui a été adressée par courrier recommandé pour l'informer du recours hiérarchique formé le 6 août 2015 par Mme B..., qu'elle indique " en annexe copie du recours ". Il ressort également de son courrier du 7 janvier 2016, en réponse à la lettre recommandée du 22 décembre 2015 du ministre du travail l'informant de l'éventualité d'un retrait de sa décision implicite de rejet et l'invitant à formuler ses observations, que la société Sidec n'y fait pas mention de l'absence de communication du recours hiérarchique mais y formule les observations sollicitées par le ministre.
4. D'autre part, si la société Sidec fait grief au ministre de ne pas l'avoir auditionnée alors qu'elle en avait fait la demande dans son courrier du 7 janvier 2016, il ressort du courrier précité du 12 octobre 2015 qu'elle a été invitée à se présenter le 29 octobre 2015 pour être entendue par les services de la direction générale du travail. Le ministre soutient sans être contredit qu'elle ne s'est pas rendue à cette convocation. Ainsi, et alors qu'aucune disposition n'imposait au ministre d'entendre les responsables de l'entreprise dès lors que celle-ci avait été mise à même de présenter ses observations sur le recours hiérarchique, cette branche du moyen manque en fait.
5. Enfin et en tout état de cause, la société Sidec ne peut se prévaloir de la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 qui est dépourvue de caractère réglementaire.
6. Il en résulte que le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire dont serait entachée la procédure ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ". Lorsque l'employeur sollicite une autorisation de licenciement pour motif économique fondée sur la suppression de l'emploi du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si cette suppression était justifiée par un motif économique. Si la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un tel motif, c'est à la condition que soit établie une menace à cet égard, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.
8. En deuxième lieu, en indiquant que le motif le conduisant à considérer que l'inspectrice était " tenue de refuser l'autorisation de licenciement ", était que " l'administration n'avait pas été mise à même d'apprécier la réalité de la nécessaire sauvegarde de la compétitivité au niveau du groupe ", le ministre a, contrairement à ce que soutient la société Sidec, suffisamment motivé le retrait de sa décision implicite du rejet du recours hiérarchique formé par la salariée contre la décision de l'inspectrice du travail.
9. La société Sidec soutient, en troisième lieu, que la réalité du motif économique est établie par les pièces du dossier, notamment les bilans et éléments comptables produits. Toutefois, il ressort des pièces produites en défense par Mme B...que le bénéfice de la société Valsem Industries SAS, dont il n'est pas contesté qu'elle appartient au même secteur d'activité que la société Sidec, est passé de 225 922 euros au 31 décembre 2012 à 361 044 euros au 31 décembre 2013 et à 498 404 euros au 31 décembre 2014. Par suite, et en l'absence de toute démonstration inverse de la part de la société appelante, il n'est pas établi que le licenciement de Mme B...constituait une nécessité au regard de l'impératif de sauvegarde de la compétitivité du groupe auquel elle appartient.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sidec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Sidec la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de condamner cette dernière à verser à Mme B...une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sidec est rejetée.
Article 2 : La société Sidec versera à Mme B...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sidec, à la ministre chargée du travail et à Mme B....
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARDLa présidente,
M. HEERS La greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne à la ministre chargée du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03891