Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...D...a demandé au Tribunal administratif de B...d'annuler la décision du 25 novembre 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2016 et autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1701103 du 18 octobre 2017, le Tribunal administratif de B...a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2017, MmeD..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 octobre 2017 du Tribunal administratif deB... ;
2°) d'annuler la décision du 25 novembre 2016 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2016 et autorisé son licenciement ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée, en ce qu'elle ne mentionne pas les auteurs des chèques qu'on lui reproche d'avoir encaissés ;
- l'enquête n'a pas respecté le principe du contradictoire, en ce qu'elle a reçu tardivement les pièces produites par la société Club Montmartrois et que ses observations formulées le 2 décembre 2016 n'ont pas été prises en compte par le ministre du travail ;
- contrairement à ce qu'a estimé le ministre du travail, la décision du 7 septembre 2016 émane d'un inspecteur du travail territorialement compétent ;
- la matérialité des faits à l'origine de la demande de licenciement n'est pas établie ;
- ces faits sont prescrits dès lors que son employeur en avait connaissance dès l'été 2015 ;
- la société Club Montmartrois ne saurait se prévaloir du jugement rendu le 20 février 2017 par la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance deB..., qui n'est pas définitif ;
- la pratique qui lui est reprochée était autorisée par l'entreprise et visait à compenser des primes qui lui étaient dues ;
- les faits litigieux ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- son comportement dans l'entreprise a toujours été exemplaire et elle n'a aucun antécédent disciplinaire ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat syndical.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2018, la ministre du travail conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mars 2018, la société Club M B...13 venant aux droits de la société Club Montmartrois, représentée par MeG..., conclut à la confirmation du jugement attaqué et au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- l'arrêté du 29 juin 2016 portant affectation des agents de contrôle dans les unités de contrôle et de gestion des intérims de la direction générale des entreprises, de la concurrence, de la consommation et du travail et de l'emploi d'Ile-de-France ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public,
- et les observations de Me Nachbar, avocat de la société Club M B...13.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D...a été embauchée par la société Club Montmartrois par un contrat à durée indéterminée le 15 juin 2009 en qualité de commerciale et a été élue déléguée du personnel suppléante le 13 juillet 2010. Par un courrier du 7 juillet 2016, son employeur a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de la licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 7 septembre 2016, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale UC 10/18 section 10-9, a refusé d'autoriser le licenciement de Mme D...pour non-respect par l'employeur du délai de cinq jours prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail. Par une décision du 25 novembre 2016, la ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de Mme D...au motif qu'elle avait encaissé, pour son propre compte, six chèques établis par des clients du Club Montmartrois et destinés à celui-ci. Mme D...relève appel du jugement du 18 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de B...a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 25 novembre 2016.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la légalité de la décision ministérielle en tant qu'elle annule la décision de l'inspection du travail refusant le licenciement de MmeD... :
2. Aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploi. ".
3. Il ressort de la décision litigieuse que la ministre du travail a estimé que le signataire de la décision du 7 septembre 2016 rejetant la demande d'autoriser le licenciement de Mme D... n'était pas territorialement compétent et l'a annulée pour ce motif. Il ressort des pièces du dossier que le siège de la société Club Montmartrois employant Mme D...était situé au 60 rue Ordener dans le 18ième arrondissement de B...et dépendait de la Section 10-11 de l'inspection du travail et que la décision du 7 septembre 2016 a été signée par M. I..., dépendant de la section 10-9. Si Mme D...fait valoir que l'inspecteur territorialement compétent pour signer la décision, M. A... F..., n'avait pas été remplacé depuis le 30 juin 2016, aucun texte, ni décision régulièrement publiée, ne confiait à M. I... compétence pour signer la décision en lieu et place de l'inspecteur territorialement compétent. Mme D...ne saurait, à cet égard, se prévaloir de l'arrêté susvisé du 29 juin 2016 portant affectation des agents de contrôle dans les unités de contrôle et de gestion des intérims dont l'article 4 ne vise que les cas de vacance de poste, d'absence ou d'empêchement pour une durée inférieure à un mois. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'un inspecteur du travail ait conduit l'enquête contradictoire ne le rend pas, de ce seul fait, compétent pour signer la décision prise à l'issue de ladite enquête. Par suite, Mme D...n'est pas fondée à contester la décision de la ministre du travail qui était tenue d'annuler la décision du 7 septembre 2016 en tant qu'elle émanait d'un inspecteur du travail territorialement incompétent.
Sur la légalité de la décision ministérielle en tant qu'elle autorise le licenciement de MmeD... :
4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
5. Mme D...soutient, en premier lieu, que la décision autorisant son licenciement est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne mentionne pas les auteurs des chèques qu'on lui reproche d'avoir encaissés. Toutefois, en énonçant que les faits reprochés à la salariée consistent en l'encaissement de six chèques de manière indue et que ces faits constituent une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, la ministre a suffisamment motivé en fait la décision autorisant le licenciement.
6. Mme D...soutient, en deuxième lieu, que l'enquête n'a pas respecté le principe du contradictoire, en ce qu'elle a reçu tardivement les pièces produites par la société Club Montmartrois et que ses observations formulées le 2 décembre 2016 n'ont pas été prises en compte par la ministre du travail. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a reçu notification le 6 octobre 2016 du recours hiérarchique formé par la société Club Montmartrois le 15 septembre 2016. La ministre du travail a procédé à une enquête au cours de laquelle la salariée et son employeur ont été reçus respectivement les 26 et 27 octobre 2016. La société Club Montmartrois a formulé des observations et fourni de nouvelles pièces par courrier du 4 novembre 2016 adressé à la ministre, qui les a communiquées à Mme D...le 8 novembre 2016 avec l'invitation d'y répondre " dans les meilleurs délais ". Il en résulte que la salariée doit être regardée comme ayant disposé d'un délai suffisant pour formuler des observations et produire tout document qu'elle estimait nécessaire entre le 8 et le 26 novembre 2016, date de la décision litigieuse. Si par courriel du 16 novembre 2016, cette dernière a indiqué à la ministre du travail qu'elle entendait formuler des observations " très rapidement après avoir consulté les documents ", ces observations ne sont parvenues à la ministre que le 2 décembre 2016. En tout état de cause, il ne ressort pas de cette décision qu'elle aurait été différente si la ministre avait pris en compte les observations produites par la requérante postérieurement à la date d'édiction de sa décision. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la procédure serait entachée d'un défaut de respect du principe du contradictoire.
7. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ".
8. Mme D...soutient, en troisième lieu, que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits dès lors que son employeur en avait connaissance dès l'été 2015. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que le Club Montmartrois n'a eu une exacte connaissance de la nature et de l'ampleur des faits de détournements de fonds reprochés à la salariée qu'à l'issue de l'enquête interne à laquelle elle a procédé à partir de septembre 2015 et qui lui a permis d'imputer à Mme D...l'encaissement du chèque de MmeH..., soit le 29 novembre 2015. Ainsi et dès lors qu'à la date de son dépôt de plainte contre x pour abus de confiance le 22 septembre 2015 au commissariat du 18ème arrondissement, l'employeur de Mme D...ne pouvait être regardé comme ayant une pleine connaissance des faits, ceux-ci n'étaient pas prescrits à la date de l'engagement de la première procédure de licenciement par la convocation, le 22 décembre 2015, de Mme D...à un entretien préalable. Ces faits n'étaient pas davantage prescrits lors de l'engagement de la seconde procédure de licenciement, le 22 juin 2016, dès lors que le dépôt d'une plainte pénale le 4 janvier 2016 à l'encontre de Mme D...avait, en application des dispositions précitées de l'article
L. 1332-4 du code du travail, interrompu le délai de prescription jusqu'à l'intervention d'une décision définitive de la juridiction pénale.
9. Mme D...soutient, en quatrième lieu, que les faits litigieux ne sont pas établis. L'encaissement par la salariée à son bénéfice de six chèques établis par des clients du Club Montmartrois en règlement de leur adhésion, a, toutefois, été établi par l'enquête de police et, au demeurant, reconnu par la salariée elle-même lors de son audition par les services de police le 30 mars 2016. Les griefs retenus par la ministre du travail doivent, par suite, être regardés comme matériellement établis.
10. Mme D...soutient, en cinquième lieu, que ces faits constituent une pratique autorisée par l'entreprise, destinée à acquitter des primes dues aux salariés et qu'ils ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Toutefois, les allégations de Mme D..., contestées par son employeur, ne sont nullement établies. Par suite, et nonobstant la circonstance que le comportement de Mme D...dans l'entreprise aurait toujours été exemplaire et qu'elle n'aurait aucun antécédent disciplinaire, ces faits, par leur nature et leur caractère répété, sont suffisamment graves pour justifier le licenciement.
11. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la demande d'autorisation de licenciement serait liée au mandat détenu par MmeD..., ainsi que l'a estimé le tribunal par des motifs qu'il y a lieu d'adopter.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de B...a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, verse à Mme D...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à la société Club M B...13 venant aux droits de la société Club Montmartrois et à la ministre chargée du travail.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
La rapporteure,
M. JULLIARDLa présidente,
M. HEERS La greffière,
C. DABERT La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03857