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12/10/2018 | FRANCE | N°17PA03818

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 12 octobre 2018, 17PA03818


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale.

Par un jugement n° 1715568 du 24 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017 sous le n° 17PA03818, M.A..., représe

nté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715568 du 24 octobre 2017 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2017 par lequel le préfet de police l'a transféré aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande de protection internationale.

Par un jugement n° 1715568 du 24 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2017 sous le n° 17PA03818, M.A..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715568 du 24 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'enregistrer sa demande et de saisir l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 900 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le préfet de police n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, n'a pas conduit un entretien individuel dans les conditions prévues par l'article 5 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 et a en outre entaché l'arrêté contesté d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet de police a méconnu les dispositions combinées des articles 1er, 3, 20 et 24 du règlement (UE) n° 604/2013 ainsi que l'article 17 du même règlement ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 13 mars 2018 sous le n° 18PA00834, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1715568 du 24 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 25 septembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'enregistrer sa demande et de saisir l'OFPRA ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 5 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité érythréenne, entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, le 10 mai 2017, s'est ensuite présenté devant les services de la préfecture de police le 16 mai 2017 pour solliciter son admission provisoire au séjour afin de saisir l'OFPRA d'une demande de protection internationale. Par un arrêté du 25 septembre 2017, le préfet de police a décidé de transférer l'intéressé aux autorités italiennes pour l'examen de cette demande. M. A... relève appel du jugement du 24 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 25 septembre 2017.

Sur la requête enregistrée sous le n° 18PA00834 :

2. Les deux requêtes n° 17PA03818 et n° 18PA00834 sont dirigées contre le même jugement et ont été présentées pour M. A...par deux avocats différents, respectivement Me C... et MeD.... Dans un courrier daté du 6 juin 2018, établi en réponse à une demande du greffe faite sur le fondement de l'article R. 411-6 du code de justice administrative, M. A...a désigné Me C...comme seul mandataire. Il y a donc lieu de radier la requête n° 18PA00834 présentée par Me D...des registres du greffe de la Cour.

Sur la requête enregistrée sous le n° 17PA03818 :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. (...) La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres (...) ". Le modèle de cette brochure commune figure sous l'annexe X au règlement n° 118/2014 du 30 janvier 2014. Aux termes de l'article 5 du même règlement : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4 (...). / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national (...) ".

4. Le préfet de police a remis à M.A..., le 17 juillet 2017, la brochure commune traduite en langue tigrinya et un entretien individuel avec M. A...a été conduit le même jour dans les services de la préfecture de police lors duquel l'intéressé a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue tigrinya. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé n'aurait pas été en mesure de s'exprimer librement et de fournir des informations liées à son état de santé ou aux conditions de son traitement en Italie. Le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit par suite être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le préfet de police, avant de prononcer le transfert de l'intéressé vers l'Italie, n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M.A....

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. D'une part, s'il résulte effectivement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de la décision du 7 juin 2016 (C-63-15) de la Cour de justice de l'Union européenne qu'" (...) un demandeur d'asile peut invoquer, dans le cadre d'un recours exercé contre une décision de transfert prise à son égard, l'application erronée d'un critère de responsabilité énoncé au chapitre III dudit règlement (...) ", aucune disposition, ni aucun principe n'impose à l'autorité préfectorale de mentionner les critères de détermination de l'Etat responsable qu'elle a retenus tels qu'ils figurent aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement précité pour considérer que les autorités d'un autre Etat membre étaient responsables de la demande d'asile. En outre, alors même qu'une telle mention ne figurerait pas dans la décision attaquée, il est toujours possible au demandeur d'asile placé en " procédure Dublin " de critiquer, à l'appui d'un recours devant le juge administratif le bien-fondé de la décision préfectorale et ainsi le préfet devra nécessairement exposer devant ce juge les critères et les modalités de leur mise en oeuvre qui l'ont conduit à estimer que tel Etat membre était responsable de la demande d'asile et d'obtenir l'annulation de la décision de transfert dans l'hypothèse où l'administration s'est livrée à une application erronée de ces critères, de sorte que l'absence d'une telle mention ne méconnaît pas le droit au recours effectif de l'intéressé et ne le prive d'aucune garantie.

8. D'autre part, l'arrêté portant transfert de M. A...aux autorités italiennes vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Il rappelle la date et le lieu de naissance du requérant et précise que l'attestation de demande d'asile en procédure Dublin a été remise à l'intéressé le 18 juillet 2017. Cet arrêté indique en particulier que les autorités italiennes ont été saisies le 25 juillet 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013 -lequel concerne l'hypothèse où le demandeur a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre- et que ces autorités ont implicitement accepté, le 10 août 2017, leur responsabilité concernant la demande d'asile de M. A.... L'arrêté en litige mentionne également que l'ensemble des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3§2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Enfin, il ressort des mentions de cet arrêté que le préfet de police a examiné la situation de M. A...au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a conclu à l'absence de risque personnel de nature à constituer une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige est entaché d'une insuffisance de motivation.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ". En vertu de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014, constitue une preuve pour la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement " Eurodac ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 11 du règlement n° 603/2013 recensant les données enregistrées dans le système Eurodac qu'une personne y est identifiée non pas par son identité mais par le numéro de référence attribué par l'Etat membre où ses empreintes ont été prises à l'origine. L'article 24 de ce règlement précise également que, dans ce numéro de référence, le chiffre suivant la ou les lettres d'identification désignant l'Etat membre indique la catégorie de personne ou de demande. Il résulte de l'application combinée de cet article et des articles 9 et 14 du même règlement que le chiffre " 1 " désigne les demandeurs de protection internationale et le chiffre " 2 " désigne les personnes interpellées lors du franchissement irrégulier d'une frontière en provenance d'un pays tiers.

11. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du document établi le 18 juillet 2017 par la direction générale des étrangers en France, que les recherches effectuées dans " Eurodac " ont mis en évidence que les empreintes de M. A...sont identiques à celles relevées les 26 novembre et 5 décembre 2016 par les autorités italiennes respectivement sous les numéros IT 2 TP01FPB et IT 1 TP01FZ7. M. A... n'a produit aucun élément de nature à remettre en cause ces éléments de correspondance. Dès lors, l'intéressé doit être regardé comme ayant franchi irrégulièrement les frontières de l'Italie le 26 novembre 2016 puis y avoir déposé une demande d'asile le 5 décembre 2016. Le préfet de police apporte ainsi la preuve que M. A... est entré irrégulièrement en Italie moins de douze mois avant la date de l'arrêté de transfert en litige. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de police a saisi l'Italie d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. En cinquième lieu, il ressort des dispositions du b. du 1. de l'article 18 et des articles 23, 24, 25 et 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que, lorsque l'Etat membre, auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite, a présenté une requête, fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, aux fins de reprise en charge par un autre Etat membre qu'il estime responsable de l'examen de cette demande, l'absence de réponse dans un délai de deux semaines suivant la réception de cette requête équivaut à une acceptation, par cet autre Etat membre, de reprendre en charge la personne concernée.

13. Il ressort des pièces du dossier que les autorités italiennes, saisies le 25 juillet 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du b) du 1. de l'article 18 du règlement UE n° 604/2013, ont implicitement accepté, le 10 août 2017, leur responsabilité concernant la demande d'asile de M. A.... Le requérant ne produit aucun élément de nature à établir que le préfet de police aurait en l'espèce faite une inexacte application des dispositions combinées des articles 1er, 3, 20 et 24 du règlement (UE) n° 604/2013.

14. En sixième lieu, aux termes du paragraphe 2 du 2. de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

15. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.

16. D'une part, les divers documents dont se prévaut le requérant sont pour la plupart anciens et ne permettent pas, en eux-mêmes, de considérer qu'il y aurait de raisons sérieuses de croire qu'il existerait, à la date de l'arrêté, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile en Italie. D'autre part, M. A...n'apporte aucun élément permettant de considérer qu'il risquerait personnellement de subir des traitements inhumains et dégradants en Italie. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet de police a méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 6 juin 2013.

17. En dernier lieu, l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

18. En ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire de faire examiner en France sa demande d'asile en application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le préfet de police n'a pas fait, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard, également, à l'ensemble de ce qui a été dit ci-dessus, une appréciation manifestement erronée de la situation de M.A....

19. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté contesté. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice du conseil de M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18PA00834 est radiée des registres du greffe de la Cour.

Article 2 : La requête n° 17PA03818 de M. A...est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, président-assesseur,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2018.

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseur le plus ancien,

M. JULLIARDLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°17PA03818, 18PA00834 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03818
Date de la décision : 12/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-12;17pa03818 ?
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