Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 27 mai 2015 par laquelle la directrice de l'administration pénitentiaire lui a refusé le bénéfice de l'indemnité pour charges pénitentiaires majorée.
Par un jugement n° 1505954 du 3 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision et a enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice de verser à M. C... la majoration de l'indemnité pour charges pénitentiaires pour les périodes au cours desquelles il a exercé les fonctions de chef d'équipe ERIS.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le
4 décembre 2017 et le 13 juillet 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter le recours de M.C....
Elle soutient que :
- le jugement du 3 octobre 2017 n'est signé ni par le président, ni par le rapporteur, ni par le greffier ;
- un chef d'équipe affecté à un établissement pénitentiaire et un chef d'équipe responsable d'une section ERIS se trouvent dans des situations distinctes et peuvent donc faire l'objet d'une différence de traitement ;
- les autres moyens développés devant le tribunal administratif sont repris.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2018, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il suffit que la minute du jugement soit signée ;
- les agents ERIS participent eux aussi à la prise en charge des détenus ; la circonstance que les emplois diffèrent ne suffit pas à justifier la différence de traitement instituée par la circulaire du 31 octobre 2014, alors que le décret du 17 décembre 2017 ne distingue pas entre personnels ayant des responsabilités en tant que chef d'équipe ;
- la notion de " chef d'équipe " au sens de ce décret et de l'arrêté du même jour n'a pu être ainsi limitée par cette circulaire ;
- la différence de traitement instituée par la circulaire n'est fondée sur aucun critère objectif et rationnel en rapport direct avec l'objet des textes réglementaires applicables ; elle ne répond pas davantage à un objectif d'intérêt général en rapport direct avec cet objet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le décret n° 2007-1777 du 17 décembre 2007 ;
- l'arrêté du 17 décembre 2007 ;
- la circulaire NOR JUSK1440032C du 31 octobre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., premier surveillant pénitentiaire affecté à l'équipe régionale d'intervention et de sécurité (ERIS) de Paris depuis août 2006, a demandé à la directrice de l'administration pénitentiaire, par un courrier du 24 mars 2015, le versement de l'indemnité pour charge pénitentiaire (ICP) majorée depuis sa prise de fonction. La garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du 3 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 27 mai 2015 qui avait rejeté la demande de M.C..., et lui a enjoint de verser à ce dernier la majoration de l'indemnité pour charges pénitentiaires pour les périodes au cours desquelles il a exercé les fonctions de chef d'équipe " ERIS ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte les signatures prévues par les dispositions précitées. La ministre n'est dès lors pas fondée à soutenir que ce jugement serait, pour ce motif, entaché d'une irrégularité.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
4. Aux termes de l'article 1er du décret du 17 décembre 2007 relatif à l'attribution d'une indemnité pour charges pénitentiaires à certains personnels de l'administration pénitentiaire : " Dans la limite des crédits ouverts à cet effet, les membres des corps de commandement et d'encadrement et d'application du personnel de surveillance, les attachés d'administration, les secrétaires administratifs, les adjoints administratifs, les adjoints techniques exerçant dans les services déconcentrés de l'administration pénitentiaire ou à l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire et placés sous statut spécial peuvent bénéficier d'une indemnité pour charges pénitentiaires.". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Le montant annuel de référence de l'indemnité pour charges pénitentiaires peut être majoré afin de prendre en compte l'emploi, la technicité et les sujétions spéciales liées aux fonctions exercées. (...). Un arrêté du ministre de la justice fixe les conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 17 décembre 2007 fixant la liste des emplois ouvrant droit à la majoration du montant annuel de référence de l'indemnité pour charges pénitentiaires : " La liste des emplois ouvrant droit à la majoration du montant annuel de référence de l'indemnité pour charges pénitentiaires en application de l'article 4 du décret du 17 décembre 2007 susvisé est fixée ainsi qu'il suit : (...) Services déconcentrés et établissements publics relevant de la direction de l'administration pénitentiaire et service de l'emploi pénitentiaire : (...) Chef d'équipe. ".
5. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée soit par les conditions d'exercice des fonctions, soit par les nécessités du service ou l'intérêt général et dès lors qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier.
6. Pour justifier le refus d'allouer à M. C...le bénéfice de la majoration de l'indemnité visée ci-dessus, l'administration invoque une différence de situation entre les chefs d'équipe " ERIS ", affectés dans les directions interrégionales des services pénitentiaires, et les chefs d'équipe affectés en établissement pénitentiaire. Il résulte en effet des pièces produites en appel par l'administration que le chef d'équipe affecté en établissement pénitentiaire doit non seulement veiller à la sécurité et la sûreté de l'établissement et des personnes, mais aussi assurer la prise en charge des détenus et notamment participer " à la mise en oeuvre de la politique pénale et de réinsertion sociale " alors que le chef d'équipe " ERIS " n'intervient pas dans ce domaine. Dans ces conditions, l'administration a pu légalement, sans méconnaître le principe d'égalité entre les chefs d'équipe affectés en établissement pénitentiaire et ceux affectés dans les directions interrégionales des services pénitentiaires, refuser le bénéfice de la majoration sollicitée par M.C..., qui n'était pas, dans la période considérée affecté en établissement pénitentiaire. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun s'est fondé sur la méconnaissance, par la décision attaquée, du principe d'égalité pour prononcer son annulation.
7. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...à l'encontre de la décision attaquée.
Sur les autres moyens de M. C...devant le tribunal administratif :
8. M. C...soutient que le refus qui lui a été opposé se fonde sur les dispositions de la circulaire NOR JUSK1440032C du 31 octobre 2014 elle-même entachée d'illégalité. Cette circulaire, qui dans son titre 4 vise le décret du 17 décembre 2007 et l'arrêté du
17 décembre 2007 établissant la liste des emplois ouvrant droit à la majoration prévue à l'article 4 du décret du 17 décembre 2017, précise que l'emploi de " chef d'équipe " correspond à l'emploi occupé par un personnel de surveillance (1er surveillant) exerçant une fonction hiérarchique sur une ou des équipes de surveillants au pôle " Ecrou - extractions - voies de recours - notifications " au greffe de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ou l'adjoint au chef de l'unité " accueil et sécurité " garde Vendôme. Ce faisant, la circulaire réserve le bénéfice de la majoration en cause à certains emplois de chef d'équipe. Elle restreint ainsi, par des dispositions impératives à caractère général, le champ de l'arrêté du 17 décembre 2007, et méconnaît donc les dispositions de cet arrêté qui prévoient le bénéfice de cette majoration pour l'ensemble des emplois de chefs d'équipe. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité, soulevé par voie d'exception, de cette circulaire doit être accueilli, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés devant les premiers juges.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 27 mai 2015. Par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C...d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er: Le recours de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A...C....
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, président-assesseur,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 octobre 2018.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseur le plus ancien,
M. JULLIARDLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA03677 2