Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de condamner l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture à lui verser une somme de 4 500 000 F CFP en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral et, d'autre part, d'enjoindre à l'établissement de la réintégrer dans ses fonctions antérieures.
Par un jugement n° 1600431 du 16 mai 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 août 2017 et 6 mars 2018, Mme B..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600431 du 16 mai 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie française ;
2°) de condamner l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture à lui verser une somme de 5 500 000 F CFP en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral ;
3°) d'enjoindre à l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture de la réintégrer dans ses fonctions antérieures ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture une somme de 300 000 F CFP euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a subi des agissements répétés de harcèlement moral qui se sont manifestés par un retard de rémunération de ses heures supplémentaires, une rétrogradation, la perte de l'indemnité de sujétions spéciales, une procédure de licenciement infondée à son encontre, une suspicion sur ses arrêts maladie et la rupture anticipée de son contrat de travail ;
- la dégradation de son état de santé a pour cause ses conditions de travail ;
- le harcèlement moral dont elle a été victime lui a causé un préjudice financier devant être évalué à 1 500 000 F CFP ainsi qu'un préjudice moral estimé à 4 000 000 F CFP.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 décembre 2017 et 27 mars 2018, l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture, représenté par
MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 300 000 F CFP soit mise à la charge de Mme B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 avril 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française ;
- la délibération n° 2004-15 APF du 22 janvier 2004 relative aux agents non titulaires des services et des établissements publics administratifs de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jimenez,
- les conclusions de M. Cheylan, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant l'établissement Public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture.
1. Considérant que Mme B...a été recrutée le 28 juin 2013 par l'établissement Public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture par un contrat d'une durée d'un an renouvelé une fois, pour exercer les fonctions d'attaché d'administration, chargée de la préparation, l'exploitation et la coordination des manifestations, ainsi que la réalisation et l'exploitation techniques des activités ; qu'elle a ensuite été recrutée par le même établissement le 18 juin 2015, par un contrat d'une durée de quatre ans prenant effet le 1er juillet 2015, pour exercer les fonctions d'attaché d'administration responsable de la régie technique ; qu'elle a été déchargée en octobre 2015 de la responsabilité des équipes techniques et de la régie mais a conservé ses fonctions de programmation et de commercialisation des espaces de spectacle ; qu'en février 2016, Mme B...a été affectée à un poste de chargée de la gestion du patrimoine de l'établissement ; qu'elle a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, de condamner l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture à lui verser une somme de 4 500 000 F CFP en réparation de préjudices qu'elle estime avoir subis en raison d'un harcèlement moral et, d'autre part, d'enjoindre à l'établissement de la réintégrer dans ses fonctions antérieures ; que Mme B...relève appel du jugement n° 1600431
du 16 mai 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 5-3 de la délibération n° 95-215 AT
du 14 décembre 1995 : "Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...)Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires recrutés en application des dispositions de la délibération n° 2004-15 APF du 22 janvier 2004 modifiée relative aux agents non titulaires des services et des établissements publics administratifs de la Polynésie française. " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que, dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral ;
3. Considérant en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le litige qui a opposé la direction de l'établissement Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture à Mme B...relatif à rémunération de ses heures supplémentaires a pour origine l'absence de crédits suffisants mis à disposition de l'établissement pour le paiement des heures supplémentaires de tous les personnels ayant participé à la manifestation du Heiva 2015 ; que lors de la réunion du comité de direction du 28 septembre 2015, l'établissement a alors décidé de payer les heures supplémentaires des agents de catégories B, C et D et a proposé à l'ensemble des cadres de catégorie A la récupération des heures plutôt que leur rémunération ; que cette proposition, acceptée par l'ensemble des cadres à l'exception de MmeB..., tendait à pallier l'incapacité de l'établissement à honorer le paiements des heures supplémentaires, ne s'adressait pas spécifiquement à Mme B...et ne visait pas à lui nuire ; que si l'intéressée reproche à son employeur d'avoir instillé au sein du personnel l'idée selon laquelle elle aurait imposé d'être payée en priorité par rapport aux personnes de catégorie C ou D et qu'elle aurait, en conséquence, été ouvertement critiquée, il ressort de l'instruction, et notamment d'une copie d'écran de sa page facebook, que c'est Mme B...elle-même qui a fait part de ses revendications relatives aux heures supplémentaires sur les réseaux sociaux et qui a rendu l'affaire publique ; que, dans ces conditions, le litige opposant Mme B...à son employeur relatif au paiement de ses heures supplémentaires ne peut être regardé comme un fait constitutif d'un harcèlement à l'encontre de l'intéressée, laquelle d'ailleurs, a finalement obtenu le paiement desdites heures ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...soutient qu'elle a été de fait rétrogradée à compter d'octobre 2015 ; qu'elle fait valoir qu'elle a été déchargée des fonctions de responsable de la régie technique et qu'elle a seulement conservé la programmation et la commercialisation des espaces de spectacle alors que le contrat de recrutement du 18 juin 2015 visait les fonctions de responsable de la régie technique et qu'aucun avenant à ce contrat n'a été établi pour entériner un changement de fonctions ; que, toutefois il résulte de l'instruction, et notamment de la lettre du 27 octobre 2015 et de la décision du 1er décembre 2015 de la directrice de l'établissement, que ce changement de fonctions procédait d'une réorganisation des services, intervenue après un avis unanimement favorable du comité technique paritaire
du 30 octobre 2015, la régie événementielle ayant été scindée en deux avec d'une part, la gestion du personnel administratif rattachée au département de la communication dont la direction est assurée par une fonctionnaire et, d'autre part, la gestion du personnel technique confiée à un régisseur technique ayant également la qualité de fonctionnaire ; que les missions conservées par Mme B...à la suite de cette réorganisation relèvent du cadre d'emplois de référence d'attaché d'administration mentionné dans son contrat de travail ; que la modification de ses attributions, certes intervenue sans modification du contrat de travail, était justifiée par l'intérêt du service et ne constitue pas un fait de harcèlement de l'intéressée ; que Mme B...ne peut davantage soutenir que la circonstance qu'elle ait été privée de l'indemnité de sujétions spéciales liées à ses premières fonctions de responsable de département constitue une mesure vexatoire dès lors qu'une telle prime n'a été mise en place qu'en 2016 alors qu'elle n'occupait plus le poste de responsable de service ; que s'agissant de la décision d'affectation de MmeB..., en février 2016, au service comptable, sur un poste de chargée de la gestion du patrimoine de l'établissement, il résulte de l'instruction que l'intéressée a commis des erreurs et des maladresses dans ses fonctions de responsable de la programmation et la commercialisation des espaces de spectacle qui ont entrainé des plaintes de clients, qu'elle a manifesté un refus de se soumettre à sa hiérarchie et qu'elle était absente fréquemment du service soit en raison de congés non planifiés, soit en raison d'arrêts maladie, ce qui ne permettait pas le bon fonctionnement du service de la programmation ; qu'ainsi, contrairement à ses allégations, la décision d'affectation de Mme B...au service comptable en février 2016 était uniquement motivée par l'intérêt du service ; qu'en outre, il ressort des photographies versées au dossier que le bureau qui a été mis à la disposition de Mme B...dans le cadre de ses dernières fonctions possède un volume et une luminosité suffisants, et avait d'ailleurs été utilisé auparavant par de nombreux agents de l'établissement ; que si le climatiseur n'a été réparé que deux mois après le signalement de la panne, ce fait ne permet pas de qualifier ce bureau de " placard " ; qu'enfin, la circonstance que Mme B...ait rompu à son initiative son contrat de travail avant son terme ne suffit pas à démontrer l'existence d'un harcèlement moral ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le contrôle de l'arrêt de maladie de la requérante diligenté par la directrice de l'établissement dans le cadre de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, ne peut être regardé comme un agissement constitutif de harcèlement moral ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que Mme B...fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour faute reposant sur des griefs " imaginaires " engagée " en représailles " suite à sa contestation du non paiement de ses heures supplémentaires ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que le 20 novembre 2015, une telle procédure a été engagée en raison des manquements au devoir de réserve et à l'obligation de neutralité reprochés par son employeur ; qu'en effet, l'intéressée a envoyé un courriel à un client de l'établissement, depuis sa messagerie personnelle, pour lui conseiller d'avoir recours à une société privée d'événementiel dirigée par une de ses amies pour l'organisation d'un concert qui devait se tenir le 6 décembre 2015, lui indiquant que ce serait " une partenaire très efficace (et peut-être, sans vouloir m'immiscer, une partenaire plus adaptée) " ; qu'outre le destinataire de ce courriel, choqué par cette démarche inappropriée, d'autres partenaires de l'établissement ont fait état de difficultés rencontrées avec l'intéressée ; que, dans ces conditions, contrairement à ses allégations, l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre, laquelle n'a d'ailleurs donné lieu qu'à un blâme non contesté par l'intéressée, ne révèle aucun acte de harcèlement moral ; que, de même, la circonstance qu'elle ait perçu son salaire le 8 février 2016 au lieu
du 27 janvier 2016 pendant la période de procédure disciplinaire n'est pas de nature à caractériser un tel agissement ;
7. Considérant, enfin, que l'ensemble des faits invoqués par la requérante n'excèdent pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ne peuvent être qualifiés d'actes constitutifs de harcèlement moral ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture à l'indemniser des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle s'estime victime ; que, par voie de conséquence, sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...le versement de la somme que demande l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture au titre des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et à l'établissement public Te Fare Tauhiti Nui - La maison de la culture.
Copie en sera adressée au ministre des Outre-Mer.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Appèche, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique le 10 octobre 2018.
Le rapporteur,
J. JIMENEZLe président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative
S. APPECHE
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre des Outre-Mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA02780