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04/10/2018 | FRANCE | N°18PA01307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 04 octobre 2018, 18PA01307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 18 janvier 2018 par lequel le préfet de police lui fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1800657 du 5 mars 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces compl

mentaires, enregistrées le 17 avril 2018 et le 25 mai 2018, M. C..., représenté par MeB..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 18 janvier 2018 par lequel le préfet de police lui fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1800657 du 5 mars 2018, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 17 avril 2018 et le 25 mai 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800657 du 5 mars 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer son passeport ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de réexaminer sa situation administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le droit à être entendu dès lors qu'il n'a pas été informé préalablement à la décision portant obligation de quitter le territoire qu'une telle décision pouvait être prise à son encontre et que ses droits ne lui ont pas été notifiés, irrégularité qui a été le motif d'annulation de la décision de placement en rétention par le juge de la liberté et de la détention ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est père de deux enfants mineurs français dont il s'occupe ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions des 4° et 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il doit bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de ces articles étant marié à une ressortissante française et père de deux enfants français sur lesquels il exerce l'autorité parentale ;

- la décision méconnaît les articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle et celle de sa famille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme Guilloteau a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né en 1984, relève appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant son pays de destination.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la décision attaquée, M. C...était présent sur le territoire français depuis presque six ans, qu'il y a travaillé environ 18 mois, qu'il exerçait également une activité de musicien dans les mariages, qu'il était en couple avec une ressortissante française depuis décembre 2016 et qu'il était sur le point de s'unir maritalement avec celle-ci, leur mariage ayant été célébré le 10 mars 2018. En outre, M. C...est père de deux enfants de nationalité française, nés d'une précédente union avec une ressortissante française, sur lesquels il exerce l'autorité parentale. L'intéressé justifie avoir effectué des virements d'argent à destination de la mère de ses enfants en 2016 et 2017 ainsi que des achats, des jouets notamment, pour ses deux enfants. Il démontre également les avoir accompagnés chez le médecin à plusieurs reprises lors de cette période. Dans ces conditions, dès lors que M. C... démontre le sérieux et l'intensité de ses liens privés et familiaux en France, l'intéressé est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu ".

6. En l'espèce, M. C...ne produit pas le récépissé valant justification d'identité qu'il aurait dû se voir remettre si le préfet de police lui avait retenu son passeport ni aucun autre élément établissant la rétention effective de son passeport. Par suite, il n'y a pas lieu d'enjoindre au préfet de police de restituer son passeport à M.C....

7. En second lieu, en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, lorsqu'une obligation de quitter le territoire est annulée, l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. Il y a lieu d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800657 du 5 mars 2018 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté en date du 18 janvier 2018 par lequel le préfet de police a fait obligation de quitter le territoire français à M. C... en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, et en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet territorialement compétent de réexaminer la situation administrative de M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Guilloteau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.

Le rapporteur,

L. GUILLOTEAULe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01307
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Laëtitia GUILLOTEAU
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ETTALBI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-04;18pa01307 ?
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