Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie Française d'annuler la décision du 26 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa réintégration dans le corps des inspecteurs de l'éducation nationale à compter du 15 novembre 2016 et l'a affectée dans l'académie de Versailles auprès de la directrice académique des services départementaux du Val-d'Oise et d'enjoindre à l'administration de la réintégrer dans ses fonctions auprès du gouvernement de la Polynésie française dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 1600556 du 13 juin 2017, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 septembre 2017, et un mémoire, enregistré le 25 mai 2018, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600556 du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
2°) d'annuler la décision du 26 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé sa réintégration dans le corps des inspecteurs de l'éducation nationale à compter du 15 novembre 2016 et l'a affectée dans l'académie de Versailles auprès de la directrice académique des services départementaux du Val-d'Oise
3°) d'enjoindre à l'administration de la réintégrer dans ses fonctions auprès du gouvernement de la Polynésie Française dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 200 000 francs CFP au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté mettant fin à sa mise à disposition auprès du gouvernement de la Polynésie française a été pris en violation des articles 10 et 15 de la Convention n° HC 56-1 07 du 4 avril 2007 relative à l'éducation, ainsi que des droits de la défense et du droit à un recours effectif ; elle n'a pas été mise en mesure de faire valoir ses droits et a été privée de son droit à un recours effectif dès lors que la décision de remise à disposition prise par le président de la Polynésie Française ne lui a pas été notifiée ;
- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que, bien que pris en considération de sa personne, il n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire mettant l'exposante à même de présenter ses observations et de consulter son dossier individuel ;
- l'arrêté contesté constitue une sanction disciplinaire déguisée irrégulière en l'absence de procédure disciplinaire ;
- par un jugement en date du 27 avril 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé la décision du 22 juin 2016 du président de la Polynésie française, qui est ainsi réputée n'être jamais intervenue ; son annulation prive de base légale la décision du ministre du 26 octobre 2016, qui doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2017, la Polynésie Française, représentée par la S.C.P. de Chaisemartin-Courjon, avocats aux conseils, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel de Mme B...est tardive et, par suite, irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut à ce qu'il soit sursis à statuer sur la requête de Mme B...et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le jugement en date du 27 avril 2018, par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé la décision du 22 juin 2016, n'est pas devenu définitif ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 31 juillet 2018, Mme B...conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que le jugement du 27 avril 2018 du Tribunal administratif de la Polynésie Française est devenu définitif du fait de l'expiration du délai d'appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la convention entre l'Etat et la Polynésie Française n° HC 56-07 du 4 avril 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poupineau,
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., inspectrice de l'éducation nationale, a été mise à disposition de la Polynésie Française pour exercer ses fonctions à Raiatea dans la circonscription n° 2, comprenant les îles de Raiatea, Tahaa, Maupiti et Bora Bora. Cette mise à disposition a été renouvelée à compter du 15 septembre 2014 jusqu'au 14 septembre 2017 par une décision du 23 mars 2016. Toutefois, le Président de la Polynésie Française, par une lettre du 22 juin 2016 adressée aux services de l'Etat, a demandé, sur le fondement des stipulations de l'article 15 de la Convention 56-07 du 4 avril 2007 relative à l'éducation, la remise à disposition anticipée de Mme B.en Polynésie Française pour saisir la Cour administrative d'appel de Paris est de trois mois Par un arrêté en date du 26 octobre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé la réintégration de Mme B...dans le corps des inspecteurs de l'éducation nationale, à compter du 15 novembre 2016, et l'a affectée dans l'académie de Versailles auprès de la directrice académique des services départementaux du Val-d'Oise. Elle fait appel du jugement en date du 13 juin 2017 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie Française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2016 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la Polynésie Française :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1.(...) ". Aux termes de l'article R. 811-5 de ce code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis (...) ". Aux termes de l'article R. 421-7 du même code : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent..., en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.(...) ".
3. Il résulte de ces dispositions combinées que le délai d'appel dont dispose un requérant demeurant.en Polynésie Française pour saisir la Cour administrative d'appel de Paris est de trois mois Ce délai est un délai franc.
4. En l'absence de mention de la date de distribution d'un courrier recommandé avec accusé de réception, celle-ci doit être regardée comme indiquée par la date figurant sur le cachet de la poste apposé sur l'avis de réception lors de la remise du pli au destinataire au bureau de poste.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis de réception du pli recommandé portant notification du jugement attaqué comporte la seule mention manuscrite de la date de présentation de ce pli, le 14 juin 2017, que la date figurant sur le cachet de la poste est celle du 27 juin 2017 et que Mme B...a signé l'accusé de réception. Il suit de là qu'à la date du 22 septembre 2017 à laquelle le recours formé contre ce jugement a été enregistré au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, le délai de recours de trois mois prévu par les dispositions combinées des articles R. 811-2 et R. 811-5 du code de justice administrative n'était pas expiré. Ainsi, la Polynésie Française n'est pas fondée à soutenir que la requête de Mme B...est tardive et, en conséquence, irrecevable.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
6. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 27 avril 2018, le Tribunal administratif de la Polynésie Française a annulé la décision du 22 juin 2016 par laquelle le président de la Polynésie Française a demandé au haut-commissaire de la République en Polynésie française la remise à disposition anticipée de MmeB.en Polynésie Française pour saisir la Cour administrative d'appel de Paris est de trois mois L'annulation prononcée par ce jugement devenu définitif emporte, par voie de conséquence, celle de l'arrêté contesté en date du 26 octobre 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé la réintégration de Mme B...dans le corps des inspecteurs de l'éducation nationale à compter du 15 novembre 2016 et l'a affectée dans l'académie de Versailles auprès de la directrice académique des services départementaux du Val d'Oise, dès lors que cet acte est, en raison de l'annulation de la décision qui le fondait, dépourvu de base légale.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., implique seulement qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de statuer à nouveau sur la situation de MmeB... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Polynésie Française demande au titre des frais qu'elle a exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 200 000 francs CPF à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600556 du 13 juin 2017 du Tribunal administratif de la Polynésie Française et l'arrêté du 26 octobre 2016 du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche de statuer à nouveau sur la situation de MmeB... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 200 000 francs CPF à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...est rejeté.
Article 5 : Les conclusions d'appel de la Polynésie Française sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la Polynésie Française et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- Mme Poupineau, président assesseur,
- M. Doré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 octobre 2018.
Le rapporteur,
V. POUPINEAULe président,
S.-L. FORMERYLe greffier,
C. RENE-MINE
La République mande et ordonne au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA03120