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27/09/2018 | FRANCE | N°18PA00361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 27 septembre 2018, 18PA00361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1712876/6-2 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention "

vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2017 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1712876/6-2 du 26 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué, enjoint au préfet de délivrer à Mme B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de la requérante en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2018, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1712876/6-2 du 26 décembre 2017 du Tribunal administratif de Paris dans toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter la demande de MmeB..., y compris ses conclusions au titre des frais de procédure.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré qu'il avait commis une erreur de droit en opposant à Mme B... les dispositions des articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ;

- MmeB..., titulaire à Mayotte d'un titre de séjour en tant que mère d'un enfant français, est venue en métropole sans être munie du visa requis par les dispositions des articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette circonstance fait obstacle à ce qu'un titre lui soit délivré sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du même code.

La requête a été communiquée à MmeB..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 10 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeB..., ressortissante comorienne, est mère d'un enfant né à Mayotte en 2001, qui a obtenu la nationalité française par déclaration le 23 janvier 2015. En cette qualité de mère d'un enfant français mineur à sa charge, elle s'est vu délivrer par le représentant de l'Etat à Mayotte, sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " valable du 5 janvier 2016 au 4 janvier 2017. La validité de ce titre de séjour était, en application des dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, limitée au territoire de Mayotte.

2. Mme B...est entrée sur le territoire métropolitain de la France le 26 août 2016, selon ses déclarations, avec ses deux enfants, dont son fils aîné de nationalité française. Le 6 mars 2017, elle a sollicité à la préfecture de police la délivrance d'un titre de séjour en tant que mère d'un enfant français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour lui refuser, par l'arrêté litigieux du 13 juillet 2017, la délivrance de ce titre de séjour et lui faire obligation de quitter le territoire français, le préfet de police a estimé qu'elle ne pouvait être regardée comme remplissant les conditions de délivrance du titre de séjour demandé car elle séjournait en métropole de façon irrégulière et n'avait, avant d'entrer sur le territoire métropolitain de la France, ni sollicité ni obtenu le visa spécial prévu par les dispositions des articles L. 832-2 et R. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. ".

4. D'une part, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

5. D'autre part, l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que, sauf exceptions, les titres de séjour délivrés par le représentant de l'Etat à Mayotte " n'autorisent le séjour que sur le territoire de Mayotte ". Selon le deuxième alinéa de cet article, " les ressortissants de pays figurant sur la liste (...) des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, qui résident régulièrement à Mayotte sous couvert d'un titre de séjour n'autorisant que le séjour à Mayotte et qui souhaitent se rendre dans un autre département doivent obtenir un visa. Ce visa est délivré, pour une durée et dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, par le représentant de l'Etat à Mayotte après avis du représentant de l'Etat dans le département où ils se rendent, en tenant compte notamment du risque de maintien irrégulier des intéressés hors du territoire de Mayotte et des considérations d'ordre public ". Aux termes de l'article R. 832-2 du même code : " L'étranger qui sollicite le visa prévu à l'article L. 832-2 présente son document de voyage, le titre sous couvert duquel il est autorisé à séjourner à Mayotte, les documents permettant d'établir les conditions de son séjour dans le département de destination, les moyens d'existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour ainsi que les garanties de son retour à Mayotte. / Sauf circonstances exceptionnelles, ce visa ne peut lui être délivré pour une durée de séjour excédant trois mois (...) ".

6. Il résulte des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 4 que la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger père ou mère d'un enfant français mineur à sa charge résidant en France n'est soumise à aucune condition d'entrée ou de séjour régulier, ni à l'obtention préalable d'un visa de long séjour. Cependant, les dispositions de l'article L. 832-2 du même code, édictées en raison notamment des risques de maintien irrégulier des étrangers qu'elles visent hors du territoire de Mayotte et de considérations d'ordre public, font obligation aux parents d'enfants français qui ont obtenu un titre de séjour à Mayotte de solliciter, pour se rendre dans un autre département français, un visa à cet effet, qui ne les autorise à séjourner dans ce second département que pour une durée limitée et en principe inférieure à trois mois.

7. La requête du préfet de police pose dès lors la question de savoir si les dispositions spéciales de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à ce que les ressortissants étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par le représentant de l'Etat à Mayotte et dont la validité est limitée à ce département puissent, lorsqu'ils ont gagné, régulièrement ou non, un autre département français et s'y maintiennent, y obtenir un titre de séjour dans les conditions de droit commun et notamment, s'agissant des parents d'un enfant de nationalité française, s'y voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire dans les conditions prévues par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code. Cette question de droit, qui donne lieu à des divergences de jurisprudence, présente une difficulté sérieuse et est susceptible de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête du préfet de police et de transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État pour avis sur la question définie à l'article 1er ci-dessous.

DÉCIDE :

Article 1er : Le dossier de la requête n° 18PA00361 du préfet de police est transmis au Conseil d'État pour examen de la question de droit suivante :

Les dispositions de l'article L. 832-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font-elles obstacle à ce que les ressortissants étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par le représentant de l'Etat à Mayotte et dont la validité est limitée à ce département puissent, lorsqu'ils ont gagné, régulièrement ou non, un autre département français et s'y maintiennent, y obtenir un titre de séjour dans les conditions de droit commun et notamment, s'agissant des parents d'un enfant de nationalité française, s'y voir délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire dans les conditions prévues par les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code '

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête du préfet de police jusqu'à la notification de l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'État, au préfet de police et à Mme C...B....

Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à la ministre des outre-mer et au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 18PA00361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00361
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : COULET-ROCCHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-09-27;18pa00361 ?
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