Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à lui verser la somme de 125 602,80 euros majorée des intérêts légaux en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute commise dans l'exercice des pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l'environnement dans le cadre de la remise en état d'un site après cessation de l'exploitation.
Par un jugement n° 1600658/4-1 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'État à verser à la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC la somme de 20 933,80 euros.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire complémentaire enregistrés le 29 mai 2017 et le 3 juillet 2017, le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1600658/4-1 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC.
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé en ce qui concerne le lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice ;
- il est irrégulier dès lors que le rapporteur public n'a pas été nommé par arrêté du vice-président du Conseil d'État conformément à l'article R. 222-23 du code de justice administrative ;
- le préfet de police n'était pas tenu de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ;
- le préfet de police n'a pas commis de faute en ne répondant pas à la demande de substitution formulée par la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC ;
- il n'y a pas de lien de causalité entre la supposée carence du préfet de police dans l'utilisation de ses pouvoirs de police et le préjudice subi par la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC ;
- les premiers juges ont commis une erreur dans l'évaluation du préjudice.
Par un mémoire en défense et appel incident enregistré le 31 octobre 2017, la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC, représentée par Me Savignat, demande à la Cour :
1°) de rejeter le recours du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement n° 1600658 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Paris et de condamner l'État à lui verser la somme de 209 338 euros en indemnisation du préjudice par elle subi depuis le 1er janvier 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Platillero,
- et les observations de Me Savignat, avocat de la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC.
Une note en délibéré a été présentée par Me Savignat le 14 septembre 2018.
1. Considérant que la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC est propriétaire d'un ensemble immobilier sis 61 boulevard des Batignolles à Paris (75008), qu'elle a donné en location, à partir du 15 novembre 2004, à la société Oil France, qui y a exploité une station-service, jusqu'à sa cessation d'activité déclarée le 23 septembre 2010 à l'inspection des installations classées avec effet au 2 décembre 2010 ; que, dans le cadre de la remise en état du site, le préfet de police a, au titre de la police des installations classées pour la protection de l'environnement, effectué diverses demandes et mises en demeure pour obtenir de la société Oil France qu'elle procède, en tant que dernier exploitant de l'installation, à la mise en sécurité du site et à sa dépollution ; que, saisi par la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 23 mars 2017 dont le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire relève appel devant la Cour, condamné l'État à lui verser la somme de 20 933,80 euros au titre du préjudice subi du fait de la carence fautive de l'État dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de coercition en matière d'installations classées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 222-23 du code de justice administrative : " Dans chaque tribunal administratif, selon ses besoins, un ou plusieurs premiers conseillers ou conseillers sont chargés, par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat pris sur proposition du président de la juridiction et après avis conforme du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'exercer les fonctions de rapporteur public. / Lorsque le fonctionnement du tribunal administratif l'exige, un premier conseiller ou conseiller qui exerce les fonctions de rapporteur public peut être rapporteur dans les affaires sur lesquelles il n'est pas ou n'a pas été appelé à conclure " ;
3. Considérant que Mme A...C...ayant été désignée pour exercer, à compter du 1er septembre 2013, des fonctions de rapporteur public au tribunal administratif de Paris, par un arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 8 juillet 2013, le ministre de la transition écologique et solidaire n'est pas fondé à contester la régularité de sa désignation ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; que le ministre de la transition écologique et solidaire soutient que les motifs du jugement sont contradictoires et que le lien de causalité n'est pas démontré par les premiers juges ;
5. Considérant, d'une part, que l'éventuelle contradiction affectant les motifs d'un jugement n'affecte pas sa régularité mais seulement son bien-fondé ;
6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des énonciations du jugement attaqué, notamment en son point 7, que les premiers juges ont démontré, par une motivation suffisante, le lien de causalité entre le fait générateur du dommage et le préjudice subi par la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué manque en fait et doit être écarté ;
Sur le bien-fondé du jugement
7. Considérant que la responsabilité de l'État pour ne pas avoir fait usage de ses pouvoirs de police en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement relève d'un régime de faute simple ; qu'en l'espèce, la Mutuelle CARAC estime que l'État a commis trois fautes distinctes de nature à engager sa responsabilité à son égard ; que, d'une part, elle reproche au préfet de police de ne pas avoir mis en oeuvre de mesures contraignantes à l'encontre de la société Oil France en vue de l'exécution de travaux de dépollution des sols, en s'étant borné à procéder à de simples demandes ou mises en demeure faites dans des délais anormaux ; que, d'autre part, le préfet de police aurait, selon la requérante, également commis une faute en ne donnant pas suite à sa proposition, formulée par un courrier du 2 juillet 2015, de prendre en charge la dépollution du site ; qu'enfin, elle soutient que le préfet de police a commis une dernière faute en émettant des prescriptions incohérentes, inintelligibles et contradictoires ;
En ce qui concerne l'absence de mise en oeuvre de mesures contraignantes à l'encontre de la société Oil France en vue de l'exécution de travaux de dépollution des sols :
8. Considérant qu'en application des articles L. 512-2-1 et R. 512-66-1 du code de l'environnement, lorsqu'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à déclaration est mise à l'arrêt définitif, l'exploitant, d'une part, notifie au préfet les mesures prises ou prévues pour assurer, dès l'arrêt de l'exploitation, la mise en sécurité du site, et, d'autre part, doit placer le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation ; que, si l'exploitant ne remplit pas ses obligations, il relève alors, sous réserve de dispositions spéciales y dérogeant ou le complétant, du titre VII du livre Ier du code de l'environnement portant dispositions communes relatives aux contrôles et aux sanctions, dont l'article L. 170-1, créé par l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement, qui prévoit le principe des contrôles et des sanctions applicables en cas de manquement ou d'infraction aux prescriptions prévues par le code de l'environnement ; qu'est ainsi applicable l'article L. 171-8 du même code, qui prévoit notamment, en son I, qu'en cas d'inobservation des prescriptions environnementales, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine et, en son II, que, si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs sanctions administratives, parmi lesquelles une obligation de consignation d'une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser, une exécution d'office des mesures, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, et le paiement d'une amende assortie d'une astreinte journalière ; que ces dispositions reprennent en substance celles de l'ancien article L. 514-1 du code de l'environnement, abrogé par l'ordonnance du 11 janvier 2012 précitée, qui était relatif aux contrôles et sanctions administratifs des installations classées pour la protection de l'environnement ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, à la suite de la cessation d'activité, avec effet au 2 décembre 2010, de la société Oil France et communication par cette dernière à l'inspection des installations classées, le 4 février 2011, d'un rapport de diagnostic de l'état et de la pollution des sols, le préfet de police lui a demandé, par un courrier du 21 février 2011, de lui transmettre les justificatifs de mise en sécurité et de remise en état du site ; que par un courriel du 21 juin 2011, la société Oil France a transmis une évaluation quantitative des risques sanitaires, qui a mis en évidence l'existence d'une pollution des sols ; qu'à la suite d'un rapport de ses services du 26 janvier 2012 préconisant la dépollution des sols concernés, le préfet de police a, par un courrier du 23 février 2012, demandé à la société d'y procéder et, après réalisation des travaux, de lui transmettre les justificatifs de mise en sécurité et de remise en état du site, un délai de deux mois lui étant imparti pour faire connaître la solution retenue quant à la remise en état du site ; qu'en l'absence de réponse de la société, le préfet de police l'a, par un arrêté du 30 octobre 2012, mise en demeure de lui communiquer dans un délai d'un mois le rapport final des travaux de dépollution, sous peine des sanctions prévues par le code de l'environnement ; que, la société ayant, par un courrier du 5 mars 2013, proposé de dépolluer le site par la méthode du " venting ", le préfet de police a, par un courrier du 6 mai 2013, validé cette méthode et demandé que lui soient fournis les justificatifs de remise en état et de mise en sécurité du site à la suite de la réalisation des travaux ; que, la société n'ayant pas répondu à ce dernier courrier, le préfet de police a réitéré sa demande le 29 octobre 2013 ; que, par un courrier du 17 mars 2014, la société a alors communiqué à l'administration les certificats de neutralisation de ses cuves, qui ont donné lieu à un rapport des services préfectoraux en date du 10 juillet 2014, validant la mise en sécurité du site ; qu'à la suite de ce rapport, le préfet de police a demandé à l'exploitant, par un courrier du 14 août 2014, de mener sans délai, " les investigations préconisées sur le milieu sol et de faire réaliser les investigations permettant de dimensionner l'impact afin de mettre en oeuvre le plan de gestion et donc les outils d'injection à mettre en oeuvre et de réaliser un état initial post-travaux, un état final suite au traitement afin d'évaluer son efficacité et l'état des sols et des gaz de sols en place et une analyse des risques résiduels ", les documents attestant des actions réalisées devant être communiqués dans un délai de trois mois, sous peine de mise en oeuvre des sanctions prévues par le code de l'environnement ; qu'en l'absence de réponse de la société Oil France, le préfet de police, en suite d'un rapport des services du 25 septembre 2015 et de l'avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques du 8 octobre 2015 a pris, le 2 décembre 2015, un arrêté portant prescriptions complémentaires, sur le fondement de l'article L. 512-12 du code de l'environnement, et imposé à la société de réaliser des investigations complémentaires en vue de de délimiter la pollution identifiée dans l'étude du 24 novembre 2010, de transmettre à l'inspection des installations classées un plan de gestion prenant en compte les sources de pollution identifiées sur le site et, au terme de la dépollution, de réaliser des investigations pour identifier l'éventuelle pollution résiduelle et la comptabilité du site avec un usage comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation ; que, par un arrêté du 24 juin 2016, constatant que les prescriptions de l'arrêté du 2 décembre 2015 n'étaient pas respectées, le préfet de police a mis en demeure la société Oil France de lui transmettre les justificatifs relatifs au respect de ces prescriptions, sous peine de mise en oeuvre des sanctions prévues à l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; qu'en l'absence de réponse, le préfet de police a pris le 7 juin 2017 un arrêté consignant les sommes correspondant au coût de la réalisation des investigations complémentaires permettant de délimiter l'étendue de la pollution et d'un plan de gestion ; que le site demeure toujours pollué ;
10. Considérant que, si le préfet de police était tenu de procéder à une mise en demeure de l'ancien exploitant afin de faire respecter les dispositions pertinentes du code de l'environnement, ce qu'il a d'ailleurs fait dès le 30 octobre 2012, soit au terme d'un délai qui peut être regardé comme raisonnable compte tenu des engagements pris par l'exploitant, responsable de la dépollution, il disposait toutefois d'une marge d'appréciation dans le choix des sanctions en cas de non exécution de son injonction et n'était donc pas tenu d'user des pouvoirs à lui conférés par le II de l'article L. 171-8 du code de l'environnement ; que la responsabilité de l'État peut néanmoins être engagée en cas de faute de l'autorité administrative dans l'appréciation de la marge de manoeuvre dont elle dispose, notamment en cas de carence fautive ;
11. Considérant toutefois que, contrairement à ce que soutient l'intimée, le simple constat de l'existence d'un délai pendant lequel une pollution perdure à la suite de la cessation d'activité d'une installation soumise à déclaration et l'absence concomitante de mise en oeuvre de mesures coercitives prévue pas les dispositions précitées du code de l'environnement, ne suffit pas à démontrer que l'action de l'administration serait entachée d'une carence fautive, dès lors que l'autorité administrative doit veiller, en application des articles L. 512-2-1 et
R. 512-66-1 du code de l'environnement, à ce que l'exploitant, qui est responsable de la dépollution, d'une part, place le site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, et, d'autre part, permette un usage futur comparable à la dernière période d'activité de l'installation ;
12. Considérant, d'une part, que les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 sont la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ; que c'est à l'aune de ces intérêts, et en examinant les circonstances propres à chaque affaire, que doit notamment être appréciée une éventuelle faute de l'Etat dans le cadre de sa mission de police des installations classées pour la protection de l'environnement ; qu'en l'espèce, ainsi que l'indiquait en première instance le préfet de police sans être contredit, les analyses de l'évaluation quantitative des risques sanitaires faites par un bureau d'études mandaté par l'exploitant, si elles ont confirmé une pollution des sols, n'ont pas démontré de situation d'urgence pour les riverains ou l'environnement ; qu'en outre, la mutuelle CARAC n'a, à aucun moment de la procédure, fait même état d'une quelconque atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 ; que le seul souci du propriétaire du terrain de retrouver des sols dépourvus de toute pollution, en réalité seul invoqué par l'intimée, ne relève pas des critères que le préfet de police aurait dû prendre en compte pour apprécier s'il lui appartenait de mettre en oeuvre les dispositions du II de l'article L. 171-8 en vue de faire cesser les atteintes à l'environnement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de l'absence de risque sanitaire pour les riverains ou l'environnement, la pollution des sols du site aurait été telle qu'elle aurait nécessité la mise en oeuvre rapide des mesures prévues au II de l'article L. 171-8 code de l'environnement, à compter de la mise en demeure de dépolluer du 30 octobre 2012 et jusqu'à l'engagement d'une procédure coercitive destinée à obtenir, enfin, la dépollution des sols par l'arrêté du 24 juin 2016 ; que, par suite, et alors que, comme il a été dit, aucune obligation de résultat ne pesait sur l'administration à l'égard du propriétaire du site, le préfet de police n'a pas manifesté de carence fautive dans l'exercice de sa mission de police des installations classées pour la protection de l'environnement ;
13. Considérant, d'autre part, que la Mutuelle CARAC ayant, en réponse à un courrier du préfet de police du 21 février 2011, indiqué que les lieux ne seront plus affectés à l'activité de station-service, et alors que les dispositions susrappelées du code de l'environnement n'ont pas pour finalité de conduire à la dépollution d'un site en vue d'une future utilisation inconditionnelle, il n'appartenait plus à l'autorité administrative de mettre en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose afin de permettre un usage futur du site distinct de celui de la dernière période d'exploitation de l'installation ;
14. Considérant qu'ainsi, alors qu'il n'existe pas en l'espèce de risque sanitaire pour la population et l'environnement, et qu'en tout état de cause une atteinte au seul intérêt économique du propriétaire du site n'a vocation à être réparée que par la mise en cause de la responsabilité du seul exploitant, le préfet de police n'a pas fait preuve de carence fautive en ne prenant pas les mesures prévues au II de l'article L. 171-8 en vue d'une dépollution des sols permettant un autre usage du site ;
15. Compte tenu de ce qui précède, et alors que la Mutuelle CARAC ne peut utilement se prévaloir des mesures prises par d'autres préfets sur d'autres sites ayant subi une pollution de même nature, l'appréciation des conditions de mise en jeu de la responsabilité de l'État dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police devant s'apprécier au regard des circonstances propres à chaque espèce, le préfet de police n'a, en l'espèce, commis dans l'appréciation de la marge de manoeuvre dont il disposait dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale des installations classées pour la protection de l'environnement qui lui sont conférés par le code de l'environnement, aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'État à l'égard de l'intimée ;
En ce qui concerne l'absence de suite donnée à la proposition de la mutuelle de prendre en charge la dépollution du site :
16. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 512-21 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de l'article 173 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Lors de la mise à l'arrêt définitif d'une installation classée pour la protection de l'environnement ou postérieurement à cette dernière, un tiers intéressé peut demander au représentant de l'État dans le département de se substituer à l'exploitant, avec son accord, pour réaliser les travaux de réhabilitation en fonction de l'usage que ce tiers envisage pour le terrain concerné " ; que le VIII de cet article prévoit toutefois l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour définir, notamment, " les modalités de substitution du tiers et le formalisme de l'accord de l'exploitant ou du propriétaire " ;
17. Considérant que, d'une part, il est constant que la Mutuelle CARAC n'avait pas l'accord de l'exploitant pour se substituer à lui ; que, d'autre part, les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de ces dispositions législatives, codifiées aux articles R. 512-76 et suivants du code de l'environnement et qui prévoient notamment le contenu du dossier que doit transmettre le tiers demandeur et sans lesquelles la procédure de substitution ne pouvait être engagée faute de précision apportée par le législateur sur la qualité du tiers susceptible de présenter la demande, ne sont intervenues qu'avec la publication du décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 portant application de l'article L. 512-21 du code de l'environnement ; qu'il s'ensuit que le préfet de police n'a commis aucune faute en ne donnant pas suite à la demande de substitution formulée par la mutuelle CARAC le 2 juillet 2015, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions réglementaires susmentionnées ; qu'en outre, compte tenu de l'imprécision de cette demande, formulée en termes généraux, le préfet de police n'était aucunement tenu d'y donner suite après cette entrée en vigueur ; que, d'ailleurs, la Mutuelle CARAC n'a pas réitéré sa demande après cette date ;
En ce qui concerne l'émission de prescriptions incohérentes, inintelligibles et contradictoires :
18. Considérant que, contrairement à ce que soutient la mutuelle Carac, il ne ressort pas de l'instruction, et notamment de la chronologie des faits survenus jusqu'à l'arrêté du 2 décembre 2015, telle que relatée au point 9, que l'action du préfet de police serait entachée d'une incohérence ; que si l'intimée conteste plus particulièrement la demande de production, par ce dernier arrêté, d'un nouveau plan de gestion, qui aurait déjà été couvert par les précédentes demandes du préfet de police et les documents produits par la société Oil France, cette demande de plan portait sur les investigations complémentaires ordonnées par l'arrêté et non sur les prescriptions initiales et, ainsi en lien avec les investigations complémentaires prescrites, ne présentait aucun caractère contradictoire avec les prescriptions antérieures ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et dès lors qu'aucune faute n'a été commise par le préfet de police, dans l'exercice des pouvoirs de police spéciale des installations classées pour la protection de l'environnement à lui confiés par les dispositions du titre VII du livre Ier du code de l'environnement, dans la mise en oeuvre des mesures propres à assurer la dépollution du site appartenant à la mutuelle CARAC, que le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a condamné l'État à indemniser cette dernière du préjudice par elle allégué en se fondant sur la carence fautive de l'État ; qu'il y a donc lieu d'annuler ce jugement ; que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC, qui tendent à la réformation dudit jugement en vue d'augmenter la somme qui lui a été allouée au titre de la réparation de ce préjudice, ne peuvent qu'être écartées, ainsi que, dès lors qu'elle succombe dans la présente instance, ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600658 du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire et à la Mutuelle d'épargne de retraite et de prévoyance CARAC.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
M. B...La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA01821