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20/09/2018 | FRANCE | N°17PA03847

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 septembre 2018, 17PA03847


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...veuve E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 juin 2015 par lequel le préfet de police lui a retiré ses titres de séjour valables du 16 décembre 2011 au 15 décembre 2012, du 16 décembre 2012 au 15 décembre 2013 et du 5 décembre 2013 au 4 décembre 2014 ainsi que sa carte de résident valable du 15 octobre 2014 au 24 octobre 2024 et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destinati

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Par un jugement n° 1516024/1-2 du 4 juillet 2017, le Tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...veuve E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 29 juin 2015 par lequel le préfet de police lui a retiré ses titres de séjour valables du 16 décembre 2011 au 15 décembre 2012, du 16 décembre 2012 au 15 décembre 2013 et du 5 décembre 2013 au 4 décembre 2014 ainsi que sa carte de résident valable du 15 octobre 2014 au 24 octobre 2024 et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 1516024/1-2 du 4 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 décembre 2017, Mme B..., représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1516024/1-2 du 4 juillet 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 29 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge du préfet de police la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant retrait de ses titres de séjour et de sa carte de résident :

- la décision attaquée est entachée d'une insuffisance de motivation et ne mentionne pas les éléments relatifs à la vie privée et familiale de l'intéressée ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 dès lors qu'elle n'a pas pu présenter ses observations ;

- la décision attaquée méconnaît l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision préfectorale est intervenue avant l'aboutissement de la procédure devant le tribunal de grande instance et que Mme B...a entretenu une vraie relation avec le père de l'enfant de sorte que la reconnaissance de paternité n'est pas frauduleuse ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation de la requérante ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :

- l'auteur de la décision était incompétent ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale dès lors que le retrait de titre de séjour est illégal ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de la requérante ;

- la décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que Mme B...est mère d'un enfant français.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- le loi n° 2000-321 du 12 avril 2000,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Lapouzade a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité ivoirienne, relève appel du jugement du 4 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 29 juin 2015 lui retirant ses titres de séjour valables du 16 décembre 2011 au 15 décembre 2012, du 16 décembre 2012 au 15 décembre 2013 et du 5 décembre 2013 au 4 décembre 2014 ainsi que sa carte de résident valable du 15 octobre 2014 au 24 octobre 2024 et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination.

Sur la légalité de la décision portant retrait de ses titres de séjour et de sa carte de résident :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé suffisant des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant retrait de titres de séjour, ainsi que celle portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte, et doit être regardé comme suffisamment motivé. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation desdites décisions doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'autorité administrative n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a adressé à MmeB..., par envoi recommandé avec demande d'accusé de réception, une lettre datée du 1er juin 2015 informant celle-ci des motifs qui le conduisaient à envisager de prononcer le retrait de ses titres de séjour et l'invitant à présenter ses observations. Il n'est pas contesté par la requérante que ce courrier avait été envoyé à l'adresse à laquelle elle réside. Il ressort des mentions portées sur l'accusé-réception du courrier qu'elle a été avisée le 3 juin 2015 de la présentation du pli à son domicile mais qu'elle ne l'a pas réclamé auprès des services postaux. Mme B...ayant négligé de retirer le pli pendant le délai réglementaire, il a été retourné à l'administration. Dans ces conditions, Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'elle n'a pas été invitée à présenter ses observations dans le respect du principe du contradictoire.

5. En troisième lieu, pour retirer les titres de séjour de MmeB..., le préfet a estimé que la reconnaissance de paternité de M. A...au bénéfice de l'enfant de la requérante, Rebecca Pierre, né le 3 février 2011, était frauduleuse dès lors que M. A...avait également reconnu plusieurs autres enfants de mères étrangères qui, par ce biais, ont obtenu leur admission au séjour en France, que Mme B...n'a jamais vécu en France avec le père déclaré de son enfant et que celui-ci n'a jamais contribué à son entretien.

6. Il ressort des dires du préfet qui ne sont pas contestés par la requérante que M. A...a obtenu la nationalité française par décret de naturalisation du 31 août 2009 et qu'il a reconnu entre le 30 mars 2010 et le 26 août 2011 au moins 7 enfants de mères différents, de nationalité camerounaise ou ivoirienne, toutes en situation irrégulière, lesquelles ont pu ainsi obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. En outre, Mme B...ne justifie ni d'une relation avec le père supposé de l'enfant avant ou après la naissance de celui-ci alors qu'au demeurant la requérante était mariée à cette période à son défunt époux, ni que M. A...aurait contribué à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Dans ces conditions, au regard de ces éléments précis et concordants, le préfet de police a pu estimer que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité de l'enfant de Mme B...par M. A... était établi. Dès lors, le préfet de police, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, a pu légalement décider de retirer les titres de séjour et la carte de résident délivrés à MmeB.... Au demeurant, le Tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 27 octobre 2015, faisant suite à un jugement avant dire droit du 27 juin 2015, lequel mentionnait, d'une part, que " s'agissant de l'enfant Rebecca, Pierre, il y a lieu de relever que Monsieur A...a entrepris les démarches pour que l'enfant obtienne la délivrance d'une carte nationale d'identité et d'un passeport moins de deux mois après sa naissance, soit le 1er avril 2011; que ces titres ont été délivrés courant avril 2011 ; que Madame C...B...a alors pu obtenir la régularisation de son séjour en France en tant que parent d'enfant français, comme elle l'a reconnu dans son audition devant les services de police " et que " la fraude est ainsi caractérisée " et, d'autre part, ordonnait une expertise biologique afin de déterminer si M. A... était le père de l'enfant Rebecca, a annulé la reconnaissance prénatale de l'enfant Rebecca et dit que l'enfant n'était pas française, tirant ainsi les conséquences de ce que M. A...a délibérément refusé de se soumettre à l'expertise ordonnée par le jugement avant-dire-droit. La circonstance que le préfet a pris sa décision avant que le tribunal de grande instance se soit définitivement prononcé est sans influence sur sa légalité.

7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A...a reconnu l'enfant de Mme B...par un acte frauduleux et sa contribution à l'entretien et à l'éducation de cet enfant n'est pas établie. En outre, Mme B...ne justifie pas des attaches familiales en France dont elle se prévaut et ne soutient pas qu'elle est démunie de telles attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Par suite, la décision du 29 juin 2015 portant retrait de ses titres de séjour et de sa carte de résident n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, par arrêté n° 2015-00163 du 16 février, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris du 24 février 2015, le préfet de police a donné délégation à

M.D... H..., chef du 9ème bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers, pour signer tous actes, arrêtés et décisions dans la limite de ses attributions en cas d'absence ou d'empêchement de l'autorité administrative supérieure. Par suite, M.H..., signataire de l'arrêté contesté, était autorisé à signer la décision portant obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit donc être écarté comme manquant en fait.

10. En deuxième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant retrait de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme B... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment au point 8 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur la situation de la requérante.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; ".

13. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'enfant de Mme B...n'étant pas français, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 précité doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...veuve E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2018.

Le président assesseur,

I. LUBENLe président-rapporteur,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03847


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03847
Date de la décision : 20/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : REYNOLDS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-09-20;17pa03847 ?
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