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10/07/2018 | FRANCE | N°18PA00118

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2018, 18PA00118


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 22 août 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1607626 du 15 décembre 2018, le Tribunal ad

ministratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté en date du 22 août 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1607626 du 15 décembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2018, et des mémoires de production de pièces complémentaires enregistrés le 18 janvier 2018 et le 20 avril 2018, Mme C... épouseB..., représentée par Me Lévy, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607626 du 15 décembre 2018 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 22 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie alors que l'intéressée atteste de dix ans de présence habituelle en France, en méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle porte une atteinte excessive à la situation personnelle de l'intéressée ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la Convention internationale sur les droits de l'enfant.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que Mme C...ne justifiait pas d'une présence stable et continue et que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français était légale.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New york le 26 janvier 1990,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- et les observations de Me Lévy, avocat de MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., de nationalité malienne, relève appel du jugement du 15 décembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 22 août 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination et en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de séjour, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

3. Mme C...fait valoir qu'à la date de la décision contestée, elle résidait en France de façon habituelle depuis plus de dix ans.

4. D'une part, s'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a fait usage d'une fausse identité usurpée à sa cousine décédée, FatoumataC..., il n'y a pas lieu, pour apprécier la condition relative à sa situation effective sur le territoire français, de tenir compte de la circonstance qu'elle aurait, sur tout ou partie de la période de dix ans, résidé sous une fausse identité.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme C...a produit, pour la seconde moitié de l'année 2006, son avis d'impôt sur les revenus de 2005 et une ordonnance, pour l'année 2007, des analyses médicales, des ordonnances et son avis d'impôt sur les revenus de 2006, pour l'année 2008, outre que son fils Boubou est né le 22 janvier 2008 à Ivry-sur-Seine, elle produit son avis d'impôt sur les revenus de 2007, pour l'année 2009, elle produit des analyses médicales, une ordonnance et son avis d'impôt sur les revenus de 2008, pour l'année 2010, des analyses médicales, une ordonnance, son avis d'impôt sur les revenus de 2009 et un courrier d'un médecin, pour l'année 2011, des analyses médicales, une facture EDF, l'attestation de la directrice de l'école de son fils Boubou, inscrit en maternelle du 1er septembre 2011 au 5 juillet 2013, et son avis d'impôt sur les revenus de 2010, pour l'année 2012, outre des analyses médicales, une ordonnance et des bulletins de salaire (Mme C...bénéficiait d'une carte de séjour temporaire pendant cette période), pour l'année 2013, un récépissé de déclaration de main courante, des analyses médicales, des relevés de situation de Pôle emploi, des factures EDF, des auditions par la police dans le cadre de la procédure pour fraude à l'identité, un certificat de scolarité de son fils Boubou inscrit en grande section de maternelle et son deuxième enfant, Raila est né le 11 novembre 2013, pour l'année 2014, elle produit le rejet d'une demande d'inscription en crèche, des relevés bancaires, une notification dans le cadre de la procédure pour fraude à l'identité, un devis de dentiste et l'attestation de la directrice d'école, Boubou étant en classe de CE2 depuis le 2 septembre 2014, pour l'année 2015, une injonction de payer sa facture de téléphone, une souscription de livret A, le renouvellement de sa carte bancaire, son avis d'impôt sur les revenus de 2014, une quittance de loyer, une facture EDF, un extrait d'acte de naissance, un certificat d'un médecin attestant suivre Boubou et Rayla depuis le 9 janvier 2015 et une attestation selon laquelle l'intéressée et son fils Boubou assistent depuis octobre 2015 au dispositif de réussite éducative, et pour l'année 2015, elle produit un certificat de scolarité (Boubou est en cours préparatoire), une ordonnance, un rendez-vous bancaire, le rejet de l'aide médicale de l'Etat, des relevés bancaires et un troisième enfant est né le 3 août 2016.

6. Il résulte de l'ensemble de ces documents que Mme C...établit avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le préfet du Val-de-Marne était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande. Par suite, le jugement attaqué et la décision litigieuse, qui méconnaissent les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être annulés.

Sur les conclusions dirigées contre la décision prononçant une interdiction du territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que la décision prononçant une interdiction du territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

9. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet du Val-de-Marne prenne une nouvelle décision relative à la situation administrative de Mme C...après avoir préalablement saisi la commission du titre de séjour. Par suite, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne de délivrer à la requérante une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros à Mme C...au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 décembre 2018 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 22 août 2016 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à Mme C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseB..., au préfet du Val-de-Marne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D...première conseillère.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00118
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-10;18pa00118 ?
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