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10/07/2018 | FRANCE | N°17PA03417

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 10 juillet 2018, 17PA03417


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté ministériel d'expulsion en date du 18 décembre 1996.

Par un jugement n° 1607425 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour les 9 et 29 novembre 2017,

M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607425 du 19 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté ministériel d'expulsion en date du 18 décembre 1996.

Par un jugement n° 1607425 du 19 octobre 2017, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, appuyée de pièces complémentaires enregistrées au greffe de la Cour les 9 et 29 novembre 2017, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1607425 du 19 octobre 2017 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé d'abroger l'arrêté ministériel d'expulsion en date du 18 décembre 1996 ;

3°) d'enjoindre de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet était tenu de saisir la commission d'expulsion ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'a pas informé le requérant de la possibilité de formuler des observations écrites ;

- son comportement ne constitue plus une menace à l'ordre public ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Une mise en demeure a été adressée le 23 janvier 2018, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que l'autorité administrative était en situation de compétence liée pour rejeter la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion dès lors que M. C...ne réside pas hors de France.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain, né le 7 août 1969, a fait l'objet d'une interdiction définitive du territoire français par un jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 19 avril 1996. Le 18 décembre 1996, le ministre de l'intérieur a pris à son encontre un arrêté d'expulsion. L'intéressé a sollicité du ministre précité l'abrogation de cet arrêté, ainsi que son assignation à résidence. Par décision du 9 décembre 2014, le ministre a indiqué que la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion relevait de la compétence du préfet du Val-de-Marne après instruction du dossier par le préfet de police et que la demande d'assignation ne pouvait aboutir dès lors que l'intéressé était toujours sur le territoire français. M. C...relève appel du jugement du

19 octobre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'abrogation.

Sur la légalité de la décision contestée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter " et aux termes de l'article

L. 524-3 du même code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette condition ne s'applique pas : 1° Pour la mise en oeuvre de l'article L. 524-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger.

Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 524-2 précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais des dispositions de l'article L. 524-1 de ce même code. Par suite, M. C...ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 524-2 prévoyant la possibilité pour l'étranger de présenter des observations écrites.

4. En deuxième lieu, il est constant que M. C...était présent sur le territoire français lors de sa demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 18 décembre 1996. Dans ces conditions, l'autorité préfectorale était tenue de rejeter la demande d'abrogation dont elle était saisie. Par suite, le moyen tiré de ce que M. C...ne représente pas une menace pour l'ordre public doit être écarté comme inopérant, ainsi que le moyen, à supposer que M. C...ait entendu le soulever, tiré de l'absence de saisine de la commission prévue à l'article L. 522-1 du même code.

5. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

6. M. C... se borne dans ses écritures à faire valoir une résidence ancienne en France, l'absence de relations familiales effectives dans le pays d'origine et la présence sur le territoire français d'un fils, de nationalité française, né le 23 novembre 2010, à l'entretien et à l'éducation duquel il participe, ainsi que des garanties d'insertion du fait de sa culture française et de sa maîtrise de la langue. Toutefois, M. C...n'apporte pas à l'appui de ces allégations, peu circonstanciées, d'éléments probants de nature à établir l'intensité de sa vie privée et familiale sur le territoire français, notamment sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son fils, lequel vit avec sa mère, et son insertion, notamment professionnelle. En particulier, la production de quelques mandats cash émis entre 2014 et 2016 et d'attestations aux termes desquelles il aurait des contacts avec son fils, notamment dans le cadre de son suivi scolaire, sont à cet égard insuffisantes. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- MmeB..., première conseillère

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

Le président - assesseur,

I. LUBENLe président - rapporteur,

J. LAPOUZADE

La greffière,

C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03417
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-06 Étrangers. Expulsion. Abrogation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jacques LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-10;17pa03417 ?
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