La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/07/2018 | FRANCE | N°17PA02247

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 juillet 2018, 17PA02247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1704038 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête, enregistrée le 6 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1704038 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704038 du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2017 du préfet de Seine-et-Marne portant obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- l'arrêté a été pris au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour, M. C... étant titulaire d'une carte de résident ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car il réside régulièrement en France depuis 1989 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2018, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision QPC n° 2018-709 du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., ressortissant marocain né en août 1980 et résidant en France selon ses déclarations depuis janvier 1990, était détenu au centre pénitentiaire sud francilien de Réau en exécution de plusieurs condamnations pénales lorsque le préfet de Seine-et-Marne, par arrêté du 3 mai 2017, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai pour l'exécution de cette obligation, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que M. C...relève appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le premier juge a rejeté la demande de M. C... comme étant tardive et méconnaissant le délai résultant des dispositions du IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif, le 19 mai 2017, postérieurement à l'expiration d'un délai de 48 heures à compter de la notification faite, en détention, de l'arrêté, le 4 mai 2017 à 11h30 ;

3. Considérant, toutefois, que par décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les mots " et dans les délais " figurant à la première phrase du paragraphe IV de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et dit que cette déclaration d'inconstitutionnalité s'appliquerait à toutes les instances non jugées définitivement ; qu'ainsi, le délai de quarante-huit heures est inopposable à la demande de M.C..., qui n'est pas tardive, et le jugement attaqué ne peut qu'être annulé, ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Melun ;

Sur le bien-fondé de l'arrêté attaqué :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention "étudiant" (...) " ;

6. Considérant que M. C...fait valoir qu'il est entré régulièrement en France en janvier 1990 au titre du regroupement familial, a obtenu à sa majorité une carte de résident valable du 2 août 1998 au 1er août 2008, dont il fournit une photocopie, et affirme que ce titre de séjour a été renouvelé pour une période de dix ans à compter du 2 août 2008 ; que cette affirmation n'est pas contredite en défense mais au contraire corroborée par l'enquête effectuée le 16 mars 2017 par un agent de l'unité centrale d'identification du ministère de l'intérieur, qui fait état d'un renouvellement automatique en 2008 du titre de séjour de M. C... ; que dès lors celui-ci est fondé à soutenir qu'à la date de l'arrêté du 3 mai 2017 il était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité depuis plus de dix ans et ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'arrêté du 3 mai 2017 du préfet de Seine-et-Marne doit être annulé dans l'ensemble de ses dispositions ;

7. Considérant que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique que le préfet de Seine-et-Marne délivre à M.C..., s'il n'est pas en possession d'un autre titre de séjour, l'autorisation provisoire de séjour prévue par l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et réexamine sa situation ; qu'il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. C... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704038 du 23 mai 2017 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 3 mai 2017 du préfet de Seine-et-Marne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. C...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA02247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02247
Date de la décision : 10/07/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : NESSAH

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-07-10;17pa02247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award