Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés notifiés en date du 8 décembre 2016 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a décidé de son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1610785 du 25 janvier 2017, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun a, d'une part, annulé les décisions et a, d'autre part, enjoint au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer la situation de M.B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, et un mémoire de production de pièce, enregistré le 9 octobre 2017, le préfet de Seine-et-Marne demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1610785 du 25 janvier 2017 du magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- les décisions sont correctement motivées et qu'il a réalisé un examen sérieux de la situation de M.B... ;
- les autorités italiennes ont été correctement saisies d'une requête de demande de reprise en charge de la demande d'asile de M.B... ;
- il n'a pas méconnu les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant du renvoi de M. B...vers les autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2017, M. B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivée et traduit un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- la procédure est entachée d'illégalité dès lors que le préfet n'a pas respecté son droit à l'information dans une langue qu'il comprend, ce qui contrevient à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 ;
- la procédure est entachée d'une illégalité tirée de la violation de son droit à présenter des observations avant l'édiction de la mesure ;
- le préfet n'apporte pas la preuve d'avoir correctement saisi les autorités italiennes d'une requête de reprise en charge de sa demande d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 en lui notifiant une décision de transfert avant d'avoir reçu l'accord des autorités italiennes ;
- les décisions attaquées sont dépourvues de base légale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Luben a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant soudanais né le 11 mars 1979, est entré irrégulièrement en France le 25 juin 2016, selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 19 août 2016. La consultation du fichier Eurodac du 19 août 2016 ayant fait apparaitre un résultat positif enregistré en Italie en date du 12 mai 2016, le préfet de Seine-et-Marne déclare avoir adressé une demande de réadmission aux autorités italiennes le 22 septembre 2016. Cette demande aurait été implicitement acceptée le 12 novembre 2016. Par deux décisions notifiées à l'intéressé le 8 décembre 2016, le préfet de Seine-et-Marne a décidé du transfert de M. B...vers les autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département de Seine-et-Marne. Le préfet de Seine-et-Marne relève appel du jugement du 25 janvier 2017 par laquelle le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions au motif qu'en se bornant à produire une simple télécopie non datée qui aurait été transmise à " Italie " valant constat d'accord implicite des autorités italiennes, le préfet de Seine-et-Marne n'avait pas établi qu'il avait saisi ces autorités d'une demande de réadmission le 22 septembre 2016, et qu'ainsi ces décisions avaient été prises à l'issue d'une procédure irrégulière.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) " et aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend ".
3. Aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac (...), la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif (...). Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".
4. Pour établir avoir saisi les autorités italiennes d'une requête de prise en charge de la demande d'asile de M. B..., le préfet de Seine-et-Marne a produit, en appel, un accusé de réception électronique du 11 janvier 2017 délivré automatiquement à la réception d'un courriel par la plateforme informatique " DubliNet ". Si l'objet du message fait mention de la référence FRBUB17703115854770, correspondant à celle de M. B...dans d'autres pièces du dossier, ce document établit, au plus, que le préfet de Seine-et-Marne a saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission en date du 11 janvier 2017. Or, aux termes de l'article 21 précité, le préfet de Seine-et-Marne aurait dû saisir les autorités italiennes dans un délai de deux mois à compter de la réception des résultats positifs Eurodac, soit au plus tard le 19 octobre 2016. Par suite, les décisions notifiées le 8 décembre 2016 à l'intéressé et par lesquelles le préfet de Seine-et-Marne a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département de Seine-et-Marne ont été prises à l'issue d'une procédure irrégulière.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Seine-et-Marne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions notifiées le 8 décembre 2016 à l'intéressé, par lesquelles il a ordonné la remise de M. B...aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département de Seine-et-Marne.
Sur les conclusions tendant à application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à M. B...au titre des frais liés à l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Seine-et-Marne est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 juillet 2018.
Le rapporteur,
I. LUBENLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
C. POVSELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17PA01319